Выбрать главу

Desjani consulta les rapports des senseurs de la flotte et fit la moue. « Le nombre des zones froides est assez important, ce qui signifie qu’ils auraient la possibilité de les réoccuper si besoin. À moins que les zones occupées ne disposent de supports vitaux trop puissants. Ils devraient pouvoir absorber tous nos civils.

— Coprésidente Rione ? demanda Geary.

— Je m’en remets à votre jugement professionnel en la matière.

— Très bien. » Geary prit le temps de rassembler ses idées puis activa son circuit de communication. « Ici le capitaine John Geary, commandant de la flotte de l’Alliance. Ceci est une transmission non sécurisée destinée aux habitants et autorités des Mondes syndiqués du système stellaire de Cavalos. Nous ne comptons prendre aucune initiative d’ordre militaire dans ce système, sauf si nous sommes attaqués. Auquel cas nous riposterions avec toute la force requise. »

Il s’accorda une pause puis poursuivit : « Cette flotte transporte cinq cent soixante-trois citoyens civils des Mondes syndiqués, que, sur leur requête, leurs supports vitaux s’étant effondrés, nous avons évacués du système stellaire de Wendig. Nous comptons les confier à la principale installation orbitant autour de la géante gazeuse, à 5,3 heures-lumière de votre étoile. Toute attaque de la flotte pendant notre transit pourrait compromettre la vie de vos propres citoyens, aussi seriez-vous bien avisés de vous en abstenir. »

Il prit une profonde inspiration avant de continuer : « Cette flotte se trouvait dans le système de Lakota quand les vaisseaux des Mondes syndiqués ont détruit son portail d’hypernet et libéré une décharge d’énergie qui a infligé d’énormes dommages à sa planète habitée, ainsi qu’à toute la présence humaine dans ce système. Nous allons transmettre une copie de nos enregistrements de cet événement et des demandes d’assistance des survivants de Lakota III à tous les vaisseaux et planètes occupées de Cavalos. Ils ont désespérément besoin de secours et nous vous exhortons à répandre cette information aussi vite que possible.

» Je répète : toute agression contre cette flotte déclenchera une riposte impitoyable. En l’honneur de nos ancêtres. » Il se rejeta en arrière et regarda Desjani. « La menace est-elle assez clairement exprimée ?

— S’ils sont un peu futés. »

Les Syndics ne répondirent pas tout de suite au message de Geary ni à l’annonce du désastre de Lakota, ce qui ne surprit personne. Le trafic syndic dans le système se conformait au schéma habituel : les vaisseaux fuyaient vers les points de saut ou les installations, mais, hormis cela et une certaine (et flagrante) activité de défense civile à la surface de la planète habitée, on ne décelait aucune réaction à la présence de l’Alliance. De même, aucun nouvel agissement des saboteurs ne fut signalé, ce qui suscita moins de soulagement que la crainte d’être passé à côté de quelque chose.

Alors que la flotte piquait sur l’installation orbitale syndic et n’en était plus qu’à deux heures de distance, quelqu’un réagit enfin : « Nous recevons une transmission de la station orbitale », rapporta une vigie des communications de l’Indomptable.

Geary afficha le message : l’image d’une femme aux cheveux gris et au regard fébrile apparut sur l’écran : « Ne vous approchez pas de cette installation, déclara-t-elle. Vous ne pouvez pas y poser vos navettes.

— C’est pourtant ce que nous allons faire, répondit-il. Nous allons y déposer des citoyens des Mondes syndiqués et repartir.

— Si vous tentez d’investir cette installation, nous nous défendons.

— Nous n’avons aucune intention d’investir une seule installation de ce système stellaire. Nos navettes seront escortées par notre infanterie spatiale. Veillez à ce qu’il ne se trouve aucune force armée dans les parages quand nous larguerons vos citoyens. Dès que nous les aurons remis entre vos mains, nos navettes et nos soldats redécolleront. »

La femme secoua la tête ; la peur se lisait sur son visage. « Je ne peux ni entériner ni permettre la présence de ressortissants de l’Alliance dans mon installation. Nous nous défendrons. »

Geary n’avait jamais aimé les bureaucrates, surtout lorsqu’ils se montraient incapables de s’adapter à une situation où les règlements auxquels ils se conformaient docilement se fracassaient contre la réalité. « Écoutez, si l’on tente de s’en prendre à mes vaisseaux, à mes navettes ou à mon personnel lorsqu’on larguera vos civils, je frapperai votre station orbitale si rudement que les quarks qui composent les noyaux de ses particules ne retrouveront plus jamais leur cohésion. Suis-je assez clair ? Idem si l’on tire sur ces civils. Ce sont vos concitoyens. Nous les avons sauvés au péril de notre vie, nous consentons à les déposer ici alors que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps, et vous auriez tout intérêt à les traiter correctement par la suite ! » La voix de Geary s’était élevée à mesure qu’il parlait et sa diatribe s’acheva dans un rugissement qui parut terrifier la fonctionnaire syndic.

« O-oui, je… je comprends, bredouilla-t-elle. Nous allons nous préparer à les recevoir. À notre corps défendant. Je vous en prie… il y a des familles à bord de cette station…

— Alors faites en sorte qu’il ne se pose aucun problème, répliqua Geary en s’efforçant de rendre son volume normal à sa voix. Certaines des personnes que nous avons sauvées à Wendig souffrent de problèmes de santé à long terme, qu’ils n’étaient pas en mesure de soigner sur place. Nous avons fait ce que nous pouvions, mais elles auront encore besoin de vos soins. Je vais me montrer brutal… Je trouve répugnant de la part de vos dirigeants qu’ils abandonnent à une mort presque certaine des êtres humains dont les supports vitaux sont victimes de dysfonctionnements.

— Vous n’allez pas nous tuer ? Ni détruire cette station ? » La fonctionnaire semblait avoir le plus grand mal à le croire.

« Non. Sa valeur stratégique, si elle en a une, ne compenserait pas les souffrances infligées aux civils de ce système stellaire.

— Et vous avez réellement sauvé ces gens de Wendig ? Nous pensions qu’il ne restait plus personne là-bas. » La femme semblait à deux doigts de s’effondrer. « On avait censément rapatrié tout le monde dès l’abandon de ce système.

— Ceux que nous avons évacués nous ont appris que la société qui les employait, eux ou leurs parents, n’a jamais envoyé les vaisseaux promis. Ils n’ont jamais pu en découvrir la raison, bien entendu. Peut-être saurez-vous la leur fournir, ajouta-t-il sardoniquement.

— C-combien ?

— Cinq cent soixante-trois. » Il lut sur son visage la question que se posaient tous les Syndics et une bonne partie du personnel de l’Alliance : pourquoi ? « Ce sera tout », déclara-t-il grossièrement, exaspéré à l’idée de devoir s’appuyer de nouveau une question dont la réponse lui semblait pourtant couler de source.