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— Exactement ! dit Caitlin. Et regarde l’Union européenne : tous ces pays qui se sont fait la guerre pendant des siècles ont tout à coup décidé, eux aussi : « Plus jamais ça. » Es ont tout simplement cessé de laisser leurs gènes égoïstes dicter leur comportement. Des pays comme l’Espagne, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre, la Belgique et tout le reste, ont décidé que, pour assurer leur survie, il valait mieux ignorer la sélection de parentèle et bien s’entendre avec tout le monde, et donc ne plus laisser leurs gènes égoïstes contrôler leurs actions.

— Hmm, fit Matt. (Sa main était un peu remontée, et il lui caressait maintenant la peau nue à la base de la nuque.) Je crois qu’on a quelque chose d’un peu analogue au Canada. Tu te souviens de l’enseigne du Tim Hortons ? Et celle de Wendy’s, où l’apostrophe est remplacée par une feuille d’érable ? Les Français et les Anglais de ce pays seront toujours – eh bien, l’expression consacrée est « deux solitudes », d’après un célèbre roman canadien sur ce thème.

Caitlin sourit, en pensant qu’un « célèbre roman canadien » constituait une sorte d’oxymore… Mais elle laissa Matt poursuivre.

— Au lieu d’essayer de les repousser ou de les combattre, nous – les Canadiens anglophones, je veux dire – nous leur avons dit, bon, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? Et on l’a fait. Après tout, quelques apostrophes par-ci par-là, ça ne nous coûtait pas grand-chose…

Elle releva la tête.

— Je croyais qu’ils voulaient partir ?

— Qui ça ? Le Québec ?

— Oui.

— Partir pour aller où ? On ne peut pas déplacer le Québec, tu sais. Le séparatisme est mort – c’est comme d’être un supporteur des Leafs : on fait ça pour s’amuser, mais on sait bien qu’on ne gagnera jamais. (En souriant, il ajouta :) Je crois que nous aussi, les Canadiens, nous sommes devenus un peu plus adultes…

Caitlin l’embrassa encore une fois.

— Le monde entier est en train de devenir adulte.

— Mais pourquoi seulement maintenant ? dit Matt quand leurs lèvres se furent séparées. Cela fait des dizaines de milliers d’années que nous sommes conscients, non ? Alors, pourquoi maintenant ?

— Est-ce que tu as lu La Naissance de la conscience dans l’effondrement de l’esprit ?

— C’est un titre que tu viens juste d’inventer, dit Matt en souriant.

— Non, pas du tout. C’est le père de Bashira – le Dr Hameed – qui m’a conseillé de le lire, et c’était fabuleux. Bon, toujours est-il que l’auteur, Julian Jaynes, dit que cela ne fait que trois mille ans que nous sommes réellement devenus conscients, quand les deux hémisphères cérébraux ont commencé à penser comme un seul. Alors, nous venons peut-être seulement d’atteindre le stade où nous sommes capables de faire ça.

Elle ajusta sa position sur ses genoux et poursuivit :

— Ou c’est peut-être parce que ce n’est qu’au siècle dernier que des individus sont devenus capables de blesser ou de tuer un grand nombre de personnes, et que c’est seulement maintenant qu’il est logique de ne pas les mettre en colère. Après tout, nous parlons d’une décision consciente de coopérer plutôt que de se faire concurrence. Et au fait, c’est intéressant de voir que nous avons une expression comme ça, tu ne trouves pas ? Une « décision consciente » – comme si nous savions bien que la plupart des décisions ne le sont pas.

— Tu es géniale, dit Matt en souriant.

— Je suis sûre que tu dis ça à toutes les filles…

— Non, murmura-t-il, pas à toutes…

Elle éclata de rire et l’embrassa de nouveau. Leurs langues se caressèrent. Quand ils s’écartèrent enfin, elle dit :

— Bon, où est-ce qu’on en était ? Ah, oui… La double nationalité est une chose formidable – plus il y a d’endroits où on se sent chez soi, mieux c’est. Ah, qu’est-ce que je ne donnerais pas pour avoir un passeport européen ! Pouvoir vivre et travailler n’importe où là-bas : étudier à Oxford ou à la Sorbonne, travailler au CERN…

— Ah, ouais, fit Matt en lui caressant encore la nuque. Ce serait cool.

— Et tu as certainement remarqué que, cette fois-ci, le Président arbore toujours un drapeau américain à la boutonnière ? La dernière fois, il y a quatre ans, il n’en portait pas et il s’est fait descendre en flammes à cause de ça.

— Ah, oui, c’est vrai.

— Je sais bien qu’il est candidat à la réélection comme président des États-Unis, mais en pratique, cela revient à être le dirigeant du monde libre, n’est-ce pas ? Alors, qui sait ? Peut-être que dans quatre ans, nous aurons un candidat américain avec le drapeau des Nations unies au revers de sa veste. Ça, ce serait drôlement cool !

Elle était sur sa lancée, et elle se sentait merveilleusement bien.

— Et encore un autre truc. Imagine qu’à la naissance, chaque personne ait la double nationalité – le pays où elle est née, et un autre choisi au hasard. Voilà qui désamorcerait complètement les histoires de chauvinisme. Tu ne crois pas que ce serait formidable ?

Très prudemment, Matt fit :

— Eh bien, hem, je…

— Tu me trouves sans doute très naïve, hein, c’est ça ? (Elle se pencha de nouveau en arrière pour bien voir son visage.) Comme si je voyais le monde à travers un implant rétinien tout rose ?

Matt éclata de rire, et elle aussi. Il approcha son visage du sien, elle lui prit la tête entre les mains, et ils s’embrassèrent longuement.

43.

— Bon… fit Tony Moretti.

Debout les mains sur les hanches, il se tenait à côté de la troisième rangée d’analystes. Il inspira profondément, et relâcha lentement son souffle. Ce qu’il allait faire ne lui plaisait pas du tout, mais c’était son boulot…

— Tout le monde est prêt ? lança-t-il. Monitoring du trafic web ?

— Prêt ! répondit Aiesha.

— Protocoles de contention ?

— C’est bon ! déclara Shel.

— Logging des données ?

— O.K. !

— Isolation d’infrastructure ?

— Prêt !

— Élimination de menaces ?

— Prêt !

Tony se tourna vers le colonel Peyton Hume, pour lui donner une dernière chance de renoncer à l’opération. Hume lui fit simplement signe d’y aller.

— O.K., tout le monde, dit Tony. Nous sommes parés. On démarre dans trente secondes. Vingt-neuf. Vingt-huit…

Cela faisait un bon moment qu’ils s’embrassaient, et pour une fois, il ne faisait vraiment pas froid dans ce sous-sol sinistre.

Caitlin avait mis son pantalon en velours préféré – elle aimait le bruit de frottement du tissu, et tant pis s’il n’était pas vraiment à la mode… elle était à peu près sûre que Matt s’en fichait complètement. Elle avait aussi enfilé un sweat-shirt vert foncé… tellement ample qu’elle espérait que sa mère n’avait pas remarqué qu’elle ne portait pas de soutien-gorge.

Pendant qu’ils s’embrassaient, Matt lui avait caressé le bras, le dos et la nuque – mais il ne semblait pas avoir l’intention d’aller plus loin. Caitlin décida qu’il était temps de prendre le taureau par les cornes… Elle se releva et lui tendit les mains pour le hisser du fauteuil. Il sembla hésiter un instant, mais elle lui fit un grand sourire en l’attirant vers elle. Et là, au lieu de lui relâcher la main droite pour qu’il puisse la prendre par la taille, elle la guida doucement vers elle, jusqu’à ce que…