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— Je vous remercie. Mais qui surveille la navette à bâbord ?

— Graham. Un petit abruti blondinet. Vous l’avez peut-être remarqué, non ?

— Oui, trop souvent.

— Si j’ai choisi ce côté, c’est parce que vous êtes venue ici avec Mr. Udell hier. Disons avant-hier…

— Aucune importance. Pete, que se passera-t-il quand vous serez porté manquant ?

— Il est possible que je ne le sois pas. Joseph Steuben – on l’appelle Joe Stupide – doit me relever après le breakfast. Si je le connais bien, il ne sera pas du tout ému de ne pas me trouver à la porte. Il va certainement s’endormir tranquillement jusqu’à ce que quelqu’un arrive. Et il restera là jusqu’au départ de la navette. Ensuite, il attendra bêtement que je lui fasse signe. Non, Joe est parfaitement fiable sur ce plan-là.

— On dirait que vous avez mis tout ça au point…

— Vous voulez que je vous dise ? Je n’avais pas du tout l’intention de me faire tordre le cou et de gagner un mal de tête. Si vous m’aviez laissé le temps de parler, vous n’auriez pas eu besoin de me coltiner sur votre dos…

— Pete, si vous avez l’intention de me faire le coup du charme pour que je vous délivre, vous ne m’avez pas bien regardée.

— Mais si.

— Vous n’arrangez pas votre cas en faisant de l’ironie. Pete, vous n’êtes pas tiré d’affaire. Donnez-moi seulement une raison pour que je ne vous tue pas. Le commandant ne se trompe pas : je vais me tirer d’ici. Je vais quitter ce foutu vaisseau. Et je ne tiens pas à ce que vous soyez en travers de ma route.

— Eh bien… s’ils retrouvent mon cadavre au matin, en déchargeant, ils se lanceront à vos trousses.

— Mais je serai déjà à des kilomètres de distance. Et pourquoi me poursuivraient-ils ? Je ne vais pas laisser d’empreintes sur votre carcasse, Pete. Juste quelques bleus sur votre cou.

— Mais vous aviez un motif et une occasion. Et Botany Bay n’est pas hors la loi, miss Vendredi. D’accord, vous avez une chance de demander asile, d’autres y ont réussi. Mais si vous êtes recherchée pour meurtre à bord d’un vaisseau, croyez bien que les colons coopéreront à cent pour cent.

— J’invoquerai la légitime défense. On vous connaît comme violeur notoire. Bon Dieu, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de vous ? Vous savez que je ne peux pas vous tuer comme ça, vous liquider de sang-froid. Voyons voir… Dans dix heures environ, il faudra que je vous bâillonne. Et il fait de plus en plus froid.

— Bien sûr ! Est-ce que vous pourriez me remettre au moins mon sweater sur les épaules ?

— D’accord, mais il faudra que je le reprenne pour vous bâillonner.

— J’ai froid, et si je m’endors, mes extrémités vont être paralysées… Miss Vendredi, si je reste ligoté comme ça pendant dix heures encore, je vais attraper la gangrène. Je vais perdre mes membres. Et la régénération est impossible dans ces régions. Quand ils me ramèneront, ce sera trop tard. Il vaut mieux me tuer.

— Seigneur, Pete ! Est-ce que vous essayez de forcer ma sympathie ?

— Je ne suis pas certain que vous connaissiez ça…

— Ecoutez… supposons que je vous libère et que je vous redonne vos vêtements… est-ce que vous m’autoriserez à vous ligoter de nouveau et à vous bâillonner plus tard ? Ou faudra-t-il que je vous pince sous l’oreille un peu plus fort pour que vous soyez vraiment tout à fait froid ? Vous savez que je peux le faire. Vous m’avez vue me battre…

— Je n’ai vu que les résultats. On m’en a beaucoup parlé.

— Donc, vous savez. Et vous savez aussi pourquoi je peux faire ça : « Ma mère était un tube à essais…

— … et mon père un scalpel » Oui, je sais, miss Vendredi. Je n’étais pas forcé de vous laisser me neutraliser comme ça, voyez-vous. Vous êtes rapide, mais je le suis autant que vous et mes bras sont plus longs que les vôtres. Je savais tout de vous, mais vous ne saviez rien de moi. Toutes les chances étaient donc de mon côté.

J’étais assise dans la position du lotus, bien en face de lui. Un instant, j’ai été complètement ébahie et j’ai eu l’impression que j’allais me trouver mal.

— Pete, ai-je demandé d’un ton presque implorant. Vous ne me mentiriez pas, n’est-ce pas ?

— J’ai menti toute ma vie, tout comme vous. Pourtant…

Il s’est interrompu, il a bandé ses muscles, tordu les poignets et les liens se sont brisés.

— Peu importe la chemise, a-t-il repris sur le ton de la conversation, le sweater fera l’affaire. Mais j’aimerais bien ne pas déchirer mon pantalon. Il faudra que je me montre en public. Et vous pouvez vous occuper mieux que moi des nœuds que vous avez faits, miss Vendredi. N’est-ce pas ?

— Arrêtez de m’appeler miss Vendredi, Pete ! Nous sommes des êtres artificiels. Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit depuis longtemps ?

— J’aurais dû. Mais certaines choses m’en ont empêché…

— Oh ! comme vos pieds sont froids ! Je vais les masser.

Ensuite, nous avons dormi quelque temps. Puis j’ai eu conscience que Pete me secouait.

— C’est le moment de se réveiller. Nous allons atteindre le sol. Ils ont rallumé.

J’ai ouvert les yeux. Une lueur diffuse s’infiltrait sous la bâche du dinosaure mécanique. J’ai bâillé.

— J’ai froid.

— Ne vous plaignez pas. Vous étiez au fond. Moi, je suis complètement glacé.

— C’est tant mieux pour vous, violeur. D’abord, vous êtes trop maigre. Vous ne feriez pas une très bonne couverture pour l’hiver. Vous devriez vous faire un peu de graisse. Ce qui me rappelle que nous n’avons pas eu droit au breakfast. Mais je crois bien que je vais vomir…

— Alors, essayez de vous mettre dans le coin. Et de ne pas faire de bruit.

— Espèce de sale brute sans cœur ! Eh bien, puisque c’est comme ça, je n’ai plus envie de vomir ! Pete, quels sont vos plans ?

— C’est vous qui me demandez ça ? Je croyais que c’était vous la prisonnière qui s’échappe, pas moi…

— Oui, d’accord, mais vous êtes la grosse brute qui ronfle et qui s’occupe de tout ensuite. Est-ce que je me trompe ?

— Ma foi… Vendredi, quels sont vos plans à vous ? Ceux que vous aviez mis sur pied alors que je n’étais pas de votre côté.

— Pas grand-chose. Quand nous serons posés, ils vont ouvrir une porte. Et je me mettrai à courir comme une chatte et personne ne pourra m’arrêter…

— Mais c’est un bon plan.

— Vraiment ? Vous vous moquez de moi. Ce n’est pas du tout un plan. Rien que l’expression de ma détermination. On ouvre une porte et je m’enfuis, un point, c’est tout.

— C’est un bon plan parce qu’il ne comporte pas de risques. Et vous avez un avantage énorme : ils ne peuvent pas risquer de vous faire du mal.

— J’aimerais bien en avoir la certitude.

— Si quoi que ce soit vous arrivait, le responsable risquerait d’être, lui, pendu par les pouces, ou par autre chose. Maintenant que vous m’avez raconté votre histoire, je comprends pourquoi ils se sont montrés si mélodramatiques à propos de nos instructions. Vendredi… Je pense qu’ils ne vous veulent pas morte ou vive. Ils vous veulent en parfaite santé. Et ils sont sans doute prêts à vous laisser vous enfuir plutôt que de vous faire du mal.

— Alors, ça devrait être facile…

— N’en soyez pas aussi certaine. D’accord, vous êtes un vrai petit chat sauvage, mais nous savons vous et moi qu’un certain nombre d’hommes peuvent finir par vous terrasser. S’ils savent que vous avez maintenant disparu, et je pense qu’ils le savent à l’heure qu’il est parce que ce vaisseau avait une heure de retard au moment où il a décroché de son orbite…