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— Oh… (J’ai consulté ma montre de doigt.) Oui, c’est vrai. Nous devrions avoir atteint la surface, à présent. Pete, ils sont à ma recherche !

— C’est ce que je pense. Mais je n’avais aucune raison de vous réveiller avant que l’éclairage soit rétabli. Ils ont eu quatre heures pour être convaincus que vous n’étiez plus sur le pont des premières. Et les émigrants ont été rassemblés. Donc, ils en concluront facilement que vous vous trouvez dans la cale. S’ils lancent suffisamment de monde à vos trousses, Vendredi, ils vous cueilleront sans vous faire de mal.

— Pete, si cela doit se terminer comme ça, il y aura des morts et des blessés. Ils vont le payer très cher. Mais je vous remercie de m’avoir dit ça.

— Ecoutez… il se peut aussi qu’ils ne fassent pas du tout ça. Ils ont fait savoir que toutes les portes étaient sous surveillance pour que vous ne risquiez pas, peut-être, de vous montrer. Ils vont d’abord faire sortir les émigrants. Et je suppose que vous savez qu’ils sortent par la cale.

— Non.

— C’est ici qu’on les contrôle. Ensuite, on referme la porte principale et on balance le gaz somnifère. C’est simple.

— Fichtre ! Ils ont ce genre d’équipement ?

— Tous les genres. Et pire encore. Écoutez, Vendredi, le commandant de ce vaisseau spatial se trouve à quelques années-lumière des institutions qui représentent l’ordre et la loi. En quatrième classe, à chaque voyage, un vaisseau emporte toujours des criminels de premier rang. Comment voudriez-vous que toutes les armes possibles ne se trouvent pas à bord ? Mais vous ne serez plus ici quand ils lanceront les gaz, Vendredi…

— Comment ? Racontez-moi.

— Les émigrants vont descendre la travée centrale de ce hangar. Ils sont près de trois cents et ils vont être tassés au-delà des limites de sécurité. Je suppose qu’ils ne se connaissent pas tous et nous allons nous servir de ça. Plus… plus une vieille, très vieille méthode que nous allons appliquer, Vendredi. Celle qu’Ulysse a utilisée contre Polyphème…

Pete et moi, nous étions dans le fond du générateur, tassés dans une sorte de caisse, quand l’éclairage a changé et que nous avons entendu un vague murmure de voix.

— Voilà, ils arrivent, a soufflé Pete. N’oubliez pas : ce qu’il faut trouver, c’est quelqu’un de trop chargé. Et il y a de grandes chances qu’ils soient nombreux. Pour ce qui est de notre tenue, ça ira : nous ne faisons pas trop première classe. Mais il faut que nous portions quelque chose. Les émigrants ont toujours les bras encombrés.

— Je veux bien prendre un bébé.

— Parfait. Attention, ils sont très près.

Il était évident que tous les candidats à l’installation sur Botany Bay étaient très chargés. Ce qui était le résultat évident de la politique mesquine de la compagnie : tout le monde peut voyager en classe « économique » pour autant qu’il accepte d’entasser ses bagages dans les espèces de placards à balais de la troisième classe et de quitter le bord sans porteur, c’est-à-dire avec ses « bagages à main ». Par contre, pour tout ce qu’on est obligé de mettre en cale, on paie.

Le cortège passait devant nous et nous ne rencontrions que quelques vagues regards neutres. Tous les visages étaient las, les regards lourds, soucieux. Il y avait un nombre important de bébés qui pleuraient tous. Ceux qui venaient derrière poussaient les premiers rangs. Le moment était venu pour nous de nous glisser dans le « troupeau ».

Brusquement, dans ce mélange d’odeurs de sueur, de peur, de linge souillé, j’en identifiai une. Sans le moindre doute.

— Janet !

Une femme se retourna tout à coup, laissa tomber ses deux valises et m’étreignit.

— Marjie !

Le barbu qui était non loin d’elle s’écria :

— Je savais qu’elle était à bord ! Je te l’avais dit !

Tandis que Ian lançait d’un ton accusateur :

— Mais non, tu es morte !

J’ai écarté mes lèvres de celles de Janet quelques secondes pour dire :

— Non, je ne suis pas morte. Et tu as bien le bonjour de Pamela Heresford, officier-pilote junior.

— Ah, cette petite salope ! s’est exclamée Janet.

— Ça suffit, Janet ! a grondé Ian.

Pendant ce temps, Georges lançait des phrases en français tout en essayant frénétiquement de m’écarter de Janet.

Bien sûr, nous avions bloqué la procession. De plus en plus de gens passaient autour de nous en grommelant.

— Nous ferions bien de suivre la queue, ai-je dit. Nous parlerons plus tard.

En me retournant, je n’ai pas vu Pete. Mais je lui faisais confiance pour s’être éclipsé.

Je retrouvais une Janet avec quelques mois de plus, et peut-être quelques kilos aussi. Elle portait un panier à chat, celui de Maman Chat.

— Janet, ai-je demandé, qu’est-ce que vous avez fait des petits ?

— Grâce à mes efforts, répondit Freddie, ils ont obtenu des postes de première importance comme ingénieurs en rongeurs sur la côte du Queensland. Mais, Helen, pour l’amour de Dieu, veuillez nous expliquer comment vous vous retrouvez parmi la foule des malheureux paysans de ce vaisseau alors qu’hier encore vous étiez à la droite de son seigneur et commandant ?

— Plus tard, Freddie, plus tard…

Il a regardé la porte.

— Oh oui… plus tard ! On boira tous un verre et on se racontera tout ça. D’ici là, il va falloir passer devant le cerbère…

Il y avait deux gardes, armés, de chaque côté de la porte. Je me suis mise à réciter quelques mantras tout en bavardant sans savoir ce que je récitais avec Freddie. Les deux gardes ne m’ont jeté qu’un vague coup d’œil. Ils n’ont pas paru me trouver particulièrement exceptionnelle. Et la nuit que j’avais passée avait sans doute accentué mon aspect fatigué et crasseux.

En fait, jamais je ne m’étais risquée hors de ma cabine BB sans que Shizuko m’ait préparée, c’est-à-dire lavée, brossée, massée, maquillée, laquée.

Après la porte, il y avait une courte rampe d’accès. Nous nous sommes retrouvés devant une table derrière laquelle siégeaient deux employés avec des piles de formulaires. L’un d’eux a lancé :

— Frances, Frederick J. ! Avancez !

— Ici ! a répondu Federico.

Comme en écho, une voix a lancé :

— La voilà !

C’est alors que j’ai été dans l’obligation de poser Maman Chat plutôt brutalement et de me mettre à courir.

J’eus vaguement conscience d’une rumeur et de mouvements divers derrière moi, mais je n’avais vraiment pas le temps de m’en occuper. Tout ce que je désirais dans ces quelques instants, c’était échapper au tir des engins à gaz ou des paralyseurs. Je n’avais pas détecté le moindre fusil à radar, mais si Pete ne s’était pas trompé, je n’avais pas à m’en inquiéter. Tout ce que je devais faire, c’était courir, très vite. Sur ma droite, je distinguais un village, dont je n’étais séparée que par un rideau d’arbres.

Pour l’instant, c’était mon seul espoir, en tout cas ma meilleure protection.

En me retournant, j’ai vu que j’avais largement distancé la horde. Rien d’étonnant : je peux faire mille mètres en deux minutes en terrain plat. Mais il me semblait qu’il en restait deux derrière moi. J’étais prête à attaquer quand j’ai entendu la voix hachée de Pete.

— Courez ! Ne vous arrêtez pas ! Ils pensent que nous allons vous rattraper !

J’ai accéléré. L’autre poursuivant était mon amie Tilly-Shizuko.

Dès que je suis arrivée entre les arbres et hors de vue, je me suis arrêtée et j’ai vomi. Ils m’ont rejointe. Tilly m’a pris la tête et a essayé de m’embrasser.