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— J’ai presque fini, Patron. Ils m’ont violée tous ensemble, ensuite, puis il y a eu l’interrogatoire, direct, puis avec les drogues, et enfin la torture.

— Je suis navré pour le viol, Vendredi. Vous avez droit aux primes habituelles. Mais je les ai un peu augmentées car je considère que les circonstances ont été anormalement désagréables.

— Oh ! pas à ce point. Je n’ai rien d’une petite vierge affolée. Je me souviens même de certaines circonstances sociales qui étaient presque aussi pénibles. Il y a un homme, pourtant… Je n’ai pas vu son visage, mais je pourrais l’identifier. Je le veux ! Je le veux autant qu’Oncle Jim. Plus encore, peut-être, car il faut que je lui donne une petite punition avant de le laisser mourir.

— Je ne peux que vous répéter ce que j’ai dit auparavant, Vendredi. Pour nous, les rancunes personnelles constituent une faute. Elles réduisent les chances de survie.

— Je prends le risque pour ce salaud de bravache. Patron, ce n’est pas pour le viol que j’en ai après lui. Ils avaient reçu l’ordre de me violer selon cette théorie idiote qui veut que ça amollisse les défenses avant l’interrogatoire. Mais cette ordure devrait prendre un bain de temps en temps, et il devrait se faire soigner les dents, ou au moins les brosser. Et on devrait lui apprendre que ce n’est pas poli de cogner sur une femme pendant qu’on copule. Non, je ne connais pas son visage mais je ne risque pas d’oublier son odeur, ni son surnom. Rocks. Ou Rocky.

— Jeremy Rockford.

— Comment ? Vous le connaissez ? Où est-il ?

— Je l’ai connu et je l’ai même vu très clairement il n’y a pas si longtemps, assez pour ne pas avoir le moindre doute. Requiescat in pace.

— Vrai ? Oh, merde ! J’espère au moins qu’il n’est pas mort tranquillement.

— Pas vraiment, non. Vendredi, je ne vous ai pas dit tout ce que je sais…

— Vous ne le dites jamais.

— … parce que je voulais entendre d’abord votre rapport. S’ils ont réussi à donner l’assaut à la ferme, c’est parce que Jim Prufit avait coupé le courant juste avant l’attaque. Seuls quelques-uns d’entre nous ont pu se servir de leurs armes de poing, mais la plupart ont dû se battre à mains nues. J’ai donné l’ordre d’évacuer et nous avons pu presque tous nous enfuir par un souterrain qui avait été aménagé au moment de la reconstruction de la ferme. Je suis désolé mais fier de dire que trois des nôtres, ceux-là précisément qui étaient armés, ont décidé de jouer le rôle d’Horace. Je sais qu’ils ont trouvé la mort car j’ai moi-même maintenu le souterrain ouvert jusqu’à ce que les sons m’avertissent de l’approche des assaillants. Alors, j’ai tout fait sauter.

» Il a fallu plusieurs heures pour regrouper suffisamment de monde et monter la contre-attaque, surtout pour disposer de suffisamment de véhicules énergétiques autorisés. Nous aurions pu attaquer à pied, mais il nous fallait de toute façon une ambulance VEA pour vous.

— Mais comment saviez-vous que j’étais encore vivante ?

— De la même façon que j’ai su sans le moindre doute que c’était l’ennemi et non notre arrière-garde qui avait pénétré dans le souterrain. Par des capteurs. Vendredi, tout ce que vous avez fait, tout ce qu’on a pu vous faire, tout ce que vous avez dit ou que l’on vous a dit a été monitoré et enregistré. Je n’ai pas pu le faire moi-même, parce que je préparais la contre-attaque, mais j’ai pu écouter les phases essentielles quand j’en ai trouvé le temps. Et je dois ajouter que je suis particulièrement fier de vous.

» Nous savions quels capteurs nous entendions, donc l’endroit où ils vous retenaient. Nous savions que vous étiez attachée par des menottes, combien d’hommes il y avait dans la maison, où ils se trouvaient, à quels moments ils se reposaient, lesquels d’entre eux restaient de garde. Grâce au relais du VEA de commandement, je savais quelle était la situation à l’intérieur de la ferme au moment précis de l’attaque. Nous avons donné l’assaut – ou plutôt, nos gars ont donné l’assaut. Je ne peux pas y participer avec ces deux bâtons, mais c’est moi qui dirige. Disons que j’ai le bâton de général, au moins. Quatre hommes avaient été choisis pour vous récupérer. L’un était armé uniquement d’un découpeur. L’opération a été bouclée en trois minutes et onze secondes. Ensuite, nous avons mis le feu.

— Patron ! Votre belle ferme !

— Quand le bâtiment coule, Vendredi, on ne s’occupe pas trop des rideaux du salon. Nous n’aurions jamais pu utiliser de nouveau la ferme. En la brûlant, nous avons détruit pas mal d’archives gênantes et un certain nombre de pièces d’équipement ultra-secret ou presque. Mais dans le même temps, cela nous a permis de nettoyer les éléments qui avaient compromis la sécurité de ces secrets. Un cordon avait été mis en place avant les dispositifs incendiaires et tous ceux qui ont tenté de sortir ont été abattus.

» C’est comme ça que j’ai récupéré votre camarade Jeremy Rockford. Il est sorti par la porte est avec une jambe brûlée. Il est rentré une première fois, puis il a voulu fuir, il est tombé et il s’est retrouvé coincé. Si j’en juge par les cris qu’il poussait, je peux vous assurer, Vendredi, qu’il n’a pas eu une mort très agréable.

— Berk… Patron, lorsque je disais que je voulais le punir avant de le tuer, je ne pensais pas à quelque chose d’aussi atroce. Brûlé vif…

— S’il ne s’était pas comporté comme un cheval pris dans une écurie en feu, il serait mort comme ses copains… très vite, d’un coup de laser. Parce que nous n’avons pas fait de prisonniers.

— Même pas pour les interroger ?

— Telles étaient mes recommandations, Vendredi. Ma chère, vous ne mesurez pas quelle était l’atmosphère émotionnelle alors. Tous, nous avions entendu les enregistrements, du moins ceux de votre viol et de votre troisième interrogatoire. Même si j’en avais donné l’ordre formel, nos gars et nos filles n’auraient pas fait de prisonniers. Mais je ne le leur avais pas recommandé. Ce que je puis vous dire, c’est que vos collègues ont beaucoup d’estime pour vous. Y compris ceux qui ne vous ont jamais rencontrée et que vous ne verrez jamais sans doute.

Le Patron a pris ses cannes et s’est levé.

— Je crois que j’ai dépassé de sept minutes le temps que le docteur m’avait accordé. Nous bavarderons de nouveau demain. A présent, il faut vous reposer. Une infirmière va vous aider à dormir. A dormir et à vous reposer.

Il ne me restait que quelques minutes à passer avec moi-même. Je les passai dans le bonheur. « Beaucoup d’estime. » Mes collègues avaient beaucoup d’estime pour moi. Quand vous n’avez jamais appartenu à rien, que vous n’appartiendrez jamais vraiment à rien, des mots tels que ceux-là représentent tout. Ils me réconfortaient à tel point qu’il m’importait peu, alors, de ne pas être humaine.

4

Un de ces jours, j’aurai une discussion avec le Patron et c’est moi qui gagnerai.

Mais ne retenez pas encore votre souffle.

Dans les jours qui ont suivi, je n’ai pas toujours perdu – c’étaient les jours où il ne me rendait pas visite.

Tout commença par une divergence d’opinions quant à la durée de mon séjour en thérapie. Je me sentais prête à rentrer à la maison ou à retourner en mission au bout de quatre jours de traitement. Bien sûr, je n’étais pas encore en forme pour la bagarre, mais je pouvais facilement m’acquitter d’une petite mission facile – ou me rendre en Nouvelle-Zélande, ce qui était ma première option. Toutes mes blessures étaient en train de guérir.