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Et la sincérité ?

Mais oui. Va trouver le commandant. Raconte-lui ce que Mr. Sikmaa t’a promis, comment tu t’es fait avoir. Montre-lui le résultat des tests de grossesse. Dis-lui que tu veux débarquer sur Botany Bay parce que tu as peur. Que tu repartiras vers la Terre. Il est charmant. Il t’a montré des photos de ses filles. Il te prendra sous sa protection.

Et qu’en penserait le Patron ?

Il te dirait qu’on t’a placée à la droite du commandant, à sa table. Pourquoi ?

Que tu as été installée dans l’une des plus luxueuses cabines du bord. Pourquoi ?

Et sept personnes veillent tout spécialement sur toi.

Et te commandant l’ignorerait ?

Quelqu’un a rayé ton nom de la liste des excursions sur Outpost. Qui ?

Et qui est propriétaire des HyperSpaces ? Trente pour cent des parts appartiennent à Interworld, qui est plus ou moins contrôlé par le groupe Shipstone. Et trois banques du Royaume en détiennent onze pour cent.

Conclusion : rien à attendre du gentil commandant Van Kooten.

Les choses commencèrent à changer un peu à moins de trois jours de l’arrivée à Botany Bay. J’avais passé mon temps à échafauder des plans d’évasion plus ou moins futiles.

Ce soir-là, au dîner, j’ai parlé au commandant des divers projets d’excursion que j’avais envisagés en lui demandant ce qu’il en pensait. J’en ai profité pour me plaindre de n’avoir pas été sur la liste d’Outpost et lui demander de vérifier personnellement que je serais bien sur celle de Botany Bay. Comme si le commandant d’un long-courrier interstellaire n’avait que cela à faire s’occuper du bien-être de miss Riche Garce. Mais il n’a pas tiqué. Ce qui voulait peut-être simplement dire qu’il était aussi bien entraîné que moi à mentir.

Ce soir-là, au Trou Noir, j’ai retrouvé mes trois chevaliers servants : le Dr Jerry Madsen, « Jaime » Jimmy Lopez et Tom Udell. Tom est subrécargue adjoint, et je n’ai jamais su vraiment ce que cela représente. En tout cas, il porte un galon de plus que les autres. Durant ma première nuit à bord, Jimmy m’avait assuré solennellement que Tom était le concierge en chef.

— Je suis aussi déménageur, avait ajouté Tom quand je l’avais interrogé.

Dans moins de soixante-douze heures, nous serons au large de Botany Bay. J’ai découvert ce que Tom avait réussi à faire. La navette de tribord allait être chargée avec le fret destiné à la colonie.

— Celle de bâbord a été chargée à la Vrille, m’expliqua-t-il. Mais il fallait la navette de tribord pour Outpost. On a donc été obligé de faire un transfert. Ce qui représente un foutu travail.

— C’est très bon pour la forme, Tommy. Méfie-toi des bourrelets.

— Parle pour toi, Jaime.

Je leur ai demandé comment on procédait au chargement.

— J’ai l’impression que les sas sont vraiment très petits.

— On ne charge pas par là. Vous aimeriez jeter un coup d’œil ?

Nous nous sommes donné rendez-vous pour le lendemain matin. Et j’ai appris pas mal de choses.

Les soutes du Forward sont tellement énormes qu’on risque des poussées d’agoraphobie. Mais celles des navettes supportent très bien la comparaison. On y trouve des engins monstrueux. Des machines, des appareils hors du commun. On livrait à Botany Bay un turbogénérateur Westinghouse grand comme un immeuble, et j’ai demandé à Tom comment ils espéraient déplacer ça.

— Par la magie, m’a-t-il dit en souriant. Il me faut juste quatre hommes. Ils enveloppent le truc dans un filet métallique, ils placent dessus une boîte pas plus grande qu’une mallette… et hop !

Une unité antigrav. Plus ou moins semblable à celle qui permet à n’importe quel VEA de se déplacer…

Avec des précautions infinies, en utilisant des perches et des câbles, ils sont parvenus à faire passer ce monument de la soute du Forward à celle de la navette.

Tel était le rôle du subrécargue : veiller à ce que chacun des éléments du fret soit livré conformément au contrat et dûment protégé contre les poussées de gravité et les chocs.

Ensuite, Tom me montra le local réservé aux passagers immigrants.

— Il y a plus de demandes pour Botany Bay que pour n’importe quelle autre planète. Quand nous repartirons, je crois qu’il ne restera personne en troisième classe.

— Ce sont tous des Australiens ?

— Oh non ! En tout cas, il y en a au moins un tiers qui ne le sont pas. Mais ils parlent tous anglais. C’est la seule colonie qui exige la pratique courante d’une langue. Ils sont persuadés que si leur nouveau monde n’a qu’une seule langue, ce sera l’a paix… Mais les guerres civiles ont toujours été les plus atroces de toute l’histoire du monde. Et il n’y avait pas de problème de langage.

Je n’avais pas d’opinion personnelle à ce sujet. Nous avons quitté la navette par le sas des passagers et Tom a refermé sur nous. C’est alors que je me suis rappelé que j’avais oublié mon écharpe.

— Tom ! Je crois bien que je l’ai laissée dans le compartiment des émigrants…

— Non… mais nous allons bien la retrouver.

Il a redéverrouillé la porte du sas. L’écharpe était bien là où je l’avais laissée tomber. Je la lui ai passée autour du cou. Son visage s’est approché du mien et, pendant un instant, j’ai bien failli le remercier comme il le méritait. Mais il était encore de service.

Cette porte avait un verrou à combinaison. A présent, je pouvais l’ouvrir.

Quand nous avons regagné le vaisseau, il était presque l’heure du déjeuner. Shizuko, comme d’habitude, s’affairait à mon entretien.

— Je n’ai pas envie d’aller déjeuner dans le salon. J’aimerais mieux grignoter quelque chose ici. Je veux d’abord prendre une douche et passer une autre robe.

— Que désirez-vous, miss Vendredi ? Je vais passer la commande.

— Pour deux, en ce cas.

— Pour moi aussi ?

— Oui. J’ai horreur de manger seule. Et je n’ai vraiment pas envie de m’habiller, aujourd’hui. Allez, composez-nous un menu.

Je me suis enfuie vers la salle de bains.

Je l’ai entendue appeler l’office mais, à la seconde même où je sortais du bain, elle était déjà là, avec une grande serviette bien douce. J’étais à peine sèche que le serveur automatique a sonné. Pendant qu’elle ouvrait le tiroir de distribution, j’ai installé une petite table dans un coin. Elle s’est contentée d’un haussement de sourcils. J’ai programmé un peu de musique sur le terminal, du rock classique, et j’ai poussé le son.

Shizuko, pendant ce temps, avait disposé un couvert sur la table. Je l’ai regardée bien en face et je lui ai dit, assez fort pour qu’elle m’entende :

— Il manque un couvert.

— Comment ?

— Ça suffit, Matilda, laissez tomber. La farce est terminée. Je voulais seulement que nous puissions bavarder un peu.

Elle a eu une hésitation presque imperceptible.

— D’accord, miss Vendredi.

— Vous feriez aussi bien de m’appeler Marj, sinon je vais être obligée de vous appeler miss Jackson. Ou alors, dites Vendredi. C’est mon vrai nom. Il faut que nous causions. Ce n’est pas que j’aie quoi que ce soit contre votre numéro de servante fidèle, mais il ne sert plus à rien et nous sommes entre nous. Et je sais très bien me sécher après un bain.

Un sourire a effleuré ses lèvres.

— Mais j’ai eu du plaisir à m’occuper de vous, miss Vendredi… je veux dire Marj…

— Merci. Et maintenant, mangeons un peu.

Je lui ai servi un peu de sukiyaki.

— Ça vous rapporte quoi ?