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Pendant ce temps, le méchant duc Angelo complote pour réunir les duchés de Squamuglia et de Faggio, en faisant épouser sa sœur Francesca, la seule personne de sang royal disponible, à Pasquale, l'usurpateur de Faggio. Le seul obstacle à ce mariage, c'est que Francesca est la propre mère de Pasquale - ses amours illégitimes avec le bon ex-duc de Faggio étant au demeurant une des raisons principales qui firent qu'Angelo l'avait fait jadis empoisonner. Au cours d'une scène amusante, Francesca tente de rappeler à son frère tous les interdits sociaux qui entourent l'inceste. Il semble, réplique Angelo, qu'elle ne s'en était guère souciée, pendant les dix ans qu'avait duré leur liaison. Inceste ou non, ce mariage doit avoir lieu; il est absolument nécessaire pour ses plans à longue échéance. Mais jamais l'Église n'acceptera de bénir ce mariage, fait remarquer Francesca. C'est pour cela, dit le duc Angelo, que je vais acheter un cardinal. Il a glissé une main dans le corsage de sa sœur et il lui mordille le cou; le dialogue prend les couleurs enfiévrées du désir, et la scène s'achève par la chute du couple sur un divan.

Quant à l'acte, il s'achève sur la tentative de Domenico pour voir le duc et trahir son meilleur ami, puisque le naïf Niccolo lui a confié son secret. Le duc, naturellement, est dans son appartement en train de tirer son coup, et Domenico doit se contenter de raconter son affaire à un conseiller, qui n'est autre que ce même Ercole qui, jadis, sauva la vie du jeune Niccolo et l'aida à s'enfuir de Faggio. Ce qu'il confie à Domenico, non sans avoir réussi auparavant à décider l'autre à fourrer bêtement sa tête dans une curieuse boîte noire, sous le prétexte futile de lui faire voir un diorama pornographique. Un ressort d'acier se referme immédiatement sur la tête du misérable Domenico, dont les hurlements se trouvent ainsi étouffés. Ensuite, Ercole lui attache les mains et les pieds avec des liens de soie écarlate. Il lui dit à qui il s'est heurté, avant d'arracher à l'aide d'une paire de tenailles la langue de Domenico, ensuite il le transperce de plusieurs coups d'épée, il verse une pleine coupe d'aqua regia dans la boîte, énumère la liste des divertissements divers, sans oublier la castration, qu'il va lui faire subir, avant de le laisser mourir. Tout cela accompagné des hurlements étouffés de l'autre qui, sans langue, s'efforce de supplier son bourreau. Ercole empale la langue toute sanglante sur sa rapière, il court vers une torche accrochée au mur, et il enflamme cette langue qu'il va, comme un possédé, agiter jusqu'à la fin de l'acte, tout en rugissant les vers qui suivent:

Impitoyable Ercole dans cette Pentecôte

Je suis du Saint-Esprit le fervent émissaire

L'émasculation devenant nécessaire.

Là-dessus, les lumières s'éteignirent et quelqu'un, de l'autre côté de la scène, dit Ick, très distinctement.

- Tu veux t'en aller? demanda Metzger.

- Je veux d'abord savoir pour ces ossements, dit Œdipa.

Il lui fallut attendre le quatrième acte. Le deuxième acte étant en grande partie consacré aux interminables souffrances et au meurtre final d'un prince de l'Église qui préfère le martyre, plutôt que de bénir le mariage de Francesca et de son fils. Les seules interruptions sont le fait d'Ercole: il épie les souffrances du cardinal, il envoie des courriers à ses amis - les bons - restés à Faggio et qui ont une dent contre Pasquale, en leur disant de répandre la nouvelle que Pasquale a l'intention d'épouser sa mère. Il se dit que cela ne saurait manquer d'émouvoir l'opinion publique. Dans une autre scène, Niccolo, qui passe son temps avec les messagers du duc Angelo, écoute l'histoire de la Garde perdue, une garde composée de cinquante chevaliers soigneusement choisis, la fleur de la jeunesse de Faggio, et qui jadis constituaient la garde personnelle du bon duc. Un jour qu'ils étaient en manœuvres près de la frontière de Squamuglia, ils disparurent tous sans laisser de trace, et ce fut peu de temps après que le bon duc fut empoisonné. L'honnête Niccolo, qui a toujours eu de la difficulté à dissimuler ses sentiments, fait alors remarquer que si les deux événements ont un lien entre eux et avec le duc Angelo, purée, et que cela peut être prouvé, alors le duc ferait mieux de prendre garde. L'autre courrier, un certain Vittorio, s'irrite de ces propos, et il se jure en aparté de rapporter ces paroles à Angelo dès que l'occasion s'en présentera. Pendant ce temps, dans la salle des tortures, on oblige le cardinal à verser son propre sang dans un calice et à le consacrer, non pas à Dieu, mais à Satan. Ensuite, ils lui coupent le gros orteil, ils le lui font tenir comme une hostie, et il doit dire: "Ceci est mon corps". Le spirituel Angelo fait remarquer que c'est bien la première fois en cinquante ans que ce fieffé menteur dit la vérité. Scène profondément anticléricale, peut-être pour faire plaisir aux puritains de l'époque (geste fort inutile au demeurant, comme aucun d'eux n'allait jamais au théâtre, qu'ils considéraient, allez savoir pourquoi, comme profondément immoral).

Le troisième acte se passe à la cour de Faggio. Il décrit le meurtre de Pasquale, et marque le point culminant d'un coup d'État organisé par les agents d'Ercole. Dans la rue, la bataille fait rage devant le palais, tandis que dans sa serre patricienne Pasquale a organisé une orgie. Un singe noir féroce participe aux réjouissances, on vient juste de le ramener des Indes. Naturellement, c'est une peau de singe avec quelqu'un dedans. À un signal, il saute d'un lustre sur Pasquale. Au même moment, une douzaine d'hommes déguisés en femmes, et qui jusque-là jouaient des rôles de danseuses, se jettent sur l'usurpateur des quatre coins de la scène. Les dix minutes qui suivent sont consacrées à mutiler, étrangler, empoisonner, brûler, piétiner Pasquale, auquel on a préalablement crevé les yeux. Pour notre plaisir, il nous décrit en détail ses diverses sensations. Il finit par mourir dans d'abominables souffrances. Gennaro, personnage particulièrement falot, entre alors en scène et se proclame chef de l'État par intérim, en attendant que l'on retrouve Niccolo, duc légitime.

Entracte. Metzger se précipita dans le minuscule foyer pour y fumer, Œdipa se dirigea vers les lavabos. Elle chercha en vain le symbole qu'elle avait vu l'autre soir au Scope mais, ce qui ne laissait pas d'être surprenant, les murs étaient vides de tout signe. Elle n'aurait su dire pourquoi, mais elle vit comme une menace dans cette absence complète d'inscriptions, qui sont au moins une tentative marginale de communication traditionnelle dans les w.-c.

Au quatrième acte, The Courier's Tragedy montre le méchant duc Angelo dans un état proche de la frénésie. Il vient d'apprendre le coup d'État de Faggio, ainsi que l'éventuelle existence de Niccolo. La nouvelle lui parvient que Gennaro a levé une armée pour envahir Squamuglia, on dit aussi que le pape va intervenir à cause de l'assassinat d'un cardinal. Entouré de trahisons, le duc, qui ne se doute pas encore de la duplicité d'Ercole, lui demande d'avoir finalement recours aux messagers de Thurn & Taxis, car il ne pense pas devoir faire davantage confiance à ses propres hommes. Ercole fait venir Niccolo en lui disant de se mettre aux ordres du duc. Angelo prend une plume d'oie, une feuille de parchemin et de l'encre, et il explique aux spectateurs (mais pas aux bons, qui ignorent encore les événements récents) que, pour anticiper l'invasion des gens de Faggio, il doit dans les plus brefs délais assurer Gennaro de ses bonnes intentions. Il se met alors à écrire, tout en faisant quelques remarques décousues et obscures sur l'encre dont il se sert, laissant entendre, en effet, que c'est un fluide très bizarre. Exemple: