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— À mon avis, il doit y avoir autant de preuves littérales à l’appui de cette théorie que pour l’incarnation de Dieu dans le Christ.

— Il y en a encore bien plus. Mais si ça s’arrêtait là, Miro, je n’en ferais qu’une simple question de théologie. Complexe, ardue mais, comme tu disais, localisée.

— C’est quoi, alors ?

— La descolada est le second baptême. Par le feu. Seuls les pequeninos peuvent endurer ce baptême, qui les fait passer dans la troisième vie. Ils sont plus près de Dieu que les humains, qui se sont vu refuser la troisième vie.

— Une mythologie de la supériorité, donc. Je crois qu’on devait s’y attendre, dit Miro. La plupart des communautés qui tentent de survivre sous l’emprise irrésistible d’une culture dominante élaborent des mythes qui leur permettent de croire qu’ils sont d’une manière ou d’une autre des êtres exceptionnels. Des élus. Des favoris des dieux. Les gitans, les juifs, etc. : les précédents historiques ne manquent pas.

— Maintenant écoutez ça, Senhor Zenador : puisque les pequeninos sont les êtres choisis par le Saint-Esprit, leur mission est de répandre ce second baptême dans toutes les langues et dans tous les peuples.

— Répandre la descolada ?

— Sur toutes les planètes. Un genre de jugement dernier portatif. Ils arrivent, la descolada se répand, s’adapte, tue – et tout le monde rejoint le Créateur.

— Dieu nous en préserve.

— Espérons-le.

Miro fit alors le rapport avec ce qu’il venait d’apprendre la veille.

— Quim, les doryphores sont en train de construire un vaisseau pour les pequeninos.

— C’est ce qu’Ender m’a dit. Et quand j’ai posé la question au Père Lajournée, il…

— C’est un pequenino ?

— L’un des enfants d’Humain. Il a dit : « Bien sûr », comme si l’information était connue de tout le monde. C’est peut-être ce qu’il croyait : qu’une chose est connue dès lors que les pequeninos en sont informés. Il m’a dit aussi que ce groupe hérétique tente de manœuvrer pour prendre le commandement du vaisseau.

— Pourquoi ?

— Pour pouvoir l’amener sur une planète habitée, pardi ! Au lieu de chercher une planète déserte à terraformer et coloniser.

— Je crois qu’on devrait dire « lusiformer ».

— Très drôle. Il se pourrait qu’ils y arrivent. L’idée que les pequeninos sont une espèce supérieure fait son chemin, surtout chez les pequeninos non chrétiens. Ils sont très frustes pour la plupart. Ils ne saisissent pas qu’ils sont en train d’envisager un xénocide. D’anéantir la race humaine.

— Comment un petit détail comme ça pourrait-il leur échapper ?

— Parce que les hérétiques insistent sur le fait que Dieu aime tellement les humains qu’il leur a envoyé son fils unique. Tu te souviens de ce que dit l’Ecriture ?

— « Quiconque croit en lui ne périra point. »

— Exactement. Ceux qui croient auront la vie éternelle. Donc, pour eux, la troisième vie.

— Alors ceux qui meurent devaient être incroyants.

— Tous les pequeninos ne font pas la queue pour se porter volontaires et servir Dieu comme anges exterminateurs itinérants. Mais il y en a assez pour qu’on soit obligés de mettre un frein à ce mouvement. Et pas seulement pour le bien de notre mère l’Eglise.

— Notre mère la Terre.

— Tu vois donc, Miro, qu’un missionnaire comme moi prend parfois une grande importance dans le monde. Il faut, d’une manière ou d’une autre, que je persuade ces pauvres hérétiques de la fausseté de leur démarche et les amène à accepter la doctrine de l’Eglise.

— Pourquoi parler à Fureteur maintenant ?

— Pour obtenir le seul renseignement que les pequeninos ne nous donnent jamais.

— C’est-à-dire ?

— Des adresses. Il y a des milliers de forêts de pequeninos sur Lusitania. Laquelle abrite cette communauté d’hérétiques ? Le vaisseau sera parti depuis longtemps quand j’aurai trouvé l’endroit en allant d’une forêt à 1 autre au petit bonheur.

— Tu y vas tout seul ?

— Toujours. Je ne peux emmener aucun petit frère avec moi, Miro. Avant d’avoir été convertie, la population d’une forêt a tendance à tuer les pequeninos étrangers. C’est l’un des cas où il vaut mieux être raman qu’utlanning.

— Notre mère sait que tu t’en vas ?

— Un peu de sens pratique, Miro ! Satan ne me fait pas peur, mais maman…

— Andrew est au courant ?

— Bien sûr. Il insiste pour partir avec moi. Le Porte-Parole des Morts jouit d’un prestige considérable et il pense pouvoir m’aider.

— Tu ne seras pas seul, alors.

— Bien sûr que si. Depuis quand un homme revêtu de l’armure divine intégrale a-t-il besoin de l’aide d’un humaniste ?

— Andrew est catholique.

— Il va à la messe, il communie, il se confesse régulièrement, mais il est toujours porte-parole des morts et je ne pense pas qu’il croie vraiment en Dieu. J’irai seul.

Miro considéra Quim avec un respect tout neuf.

— T’as la peau dure, mon salaud.

— Les soudeurs et les forgerons ont la peau dure. Les salauds ont leurs problèmes à eux. Je ne suis qu’un serviteur de Dieu et de l’Eglise, et j’ai une mission à accomplir. Il me semble que des expériences récentes laissent entendre que je cours un plus grand danger en compagnie de mon frère qu’au milieu des plus virulents des pequeninos hérétiques. Depuis la mort d’Humain, les pequeninos ont tenu leur promesse à l’échelle de la planète : aucun d’eux n’a jamais levé la main contre un être humain. Ils sont peut-être hérétiques, mais ce sont toujours des pequeninos. Ils respecteront le serment.

— Je regrette de t’avoir roué de coups.

— Je les ai reçus comme une étreinte fraternelle, mon fils.

— J’aurais bien voulu que ce soit le cas, Père Estevão.

— Alors c’était le cas.

Quim se tourna vers l’arbre et commença à tambouriner sur le tronc. Presque immédiatement, le son se mit à changer, variant en hauteur et en tonalité à mesure que se déformaient les creux à l’intérieur de l’arbre. Miro écouta quelques instants, bien qu’il ne pût comprendre le langage des arbres-pères. Fureteur s’exprimait avec la seule voix audible dont disposent les arbres-pères. Il avait jadis parlé avec une vraie voix, des lèvres articulées, une langue et des dents. On pouvait perdre l’usage de son corps de plus d’une façon. Miro avait survécu à une expérience qui aurait dû lui être fatale. Il en était sorti infirme. Or, tout handicapé qu’il était, il pouvait encore se déplacer et parler. Il croyait souffrir comme Job. Fureteur et Humain, beaucoup plus diminués que lui, croyaient avoir reçu la vie éternelle.

— Ça se présente plutôt mal, dit Jane.

Tu l’as dit.

— Le Père Estevão ne devrait pas partir seul, dit-elle. Les pequeninos étaient des guerriers redoutablement efficaces. Ils ne l’ont pas oublié.

Alors dis-le à Ender. Je ne peux rien faire de ce côté-là.

— Bien dit, mon héros, fit Jane. Je vais parler à Ender et toi, tu restes dans les parages en attendant ton miracle.

Miro soupira, redescendit la pente et passa la porte.

TÊTE DE BOIS

« J’ai parlé avec Ender et sa sœur, Valentine. Elle est historienne. »

« Explique. »

« Elle cherche dans les livres les histoires des humains, ensuite elle écrit des histoires à partir de ce qu’elle trouve et les donne à tous les autres humains. »