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« Le Daily diffuse une interview en direct avec Takisha Washington.

— Ne faites pas ça », soupire Carl.

Will ouvre la page d’accueil du journal britannique et la retransmet sur le mur de moniteurs.

« Merci, madame Washington, d’avoir accepté notre invitation », commence Anthony en la gratifiant de son sourire le plus carnassier.

Ils ne sont pas encore à l’antenne.

Une heure à peine s’est écoulée depuis la publication de la vidéo de Zero. Takisha Washington porte une autre robe. À fleurs, comme la précédente. Elle se tient devant une bonne caméra, elle a soigné l’éclairage.

« On va recadrer pour ne garder qu’elle », ordonne Anthony à voix basse. Nerveux, il regarde l’écran devant lui. « Plus d’un million de spectateurs, murmure-t-il. Fantastique ! »

Ils ont installé en quatrième vitesse un studio improvisé dans la salle de rédaction. Cyn, Anthony et Chander sont assis à une table, Jeff, Frances et Charly se tiennent derrière eux, prêts à intervenir. Chacun porte des lunettes connectées. Cinq caméras depuis différents angles sont braquées sur eux. À l’arrière-plan, on voit la salle de rédaction où s’affairent les employés. L’immense mur d’écrans sert de coulisse.

« As-tu trouvé quelque chose ? » demande Anthony à Chander.

« Peut-être. » Il acquiesce, l’air absent, courbé au-dessus de sa tablette.

Cyn boit une gorgée d’eau. Elle est nerveuse. Tous ces gens qui peuvent la voir au-dehors, sur Internet.

« Bien, lui fait Anthony, on va pas tarder à passer en direct. Presque en direct. On a un décalage de quatre-vingt-dix secondes. Au cas où il y aurait des problèmes techniques de transmission, que nous devions parler entre nous, ou tous les impondérables classiques. Pas la peine de nous stresser. »

Et comment ne pas l’être alors qu’un million de gens vont me regarder et que je n’y suis pas formée ?

Takisha Washington sera retransmise directement dans ses lunettes. Anthony veut deux animateurs différents, comme il l’a vu sur plusieurs chaînes de télévision. En gros, ce qu’ils ont fait pour leur bande-annonce.

« Tout le monde est prêt ? » lance le rédacteur en chef.

Hochement de tête collectif.

Il fait un signe.

« Madame Washington, je vous salue en direct depuis le studio du Daily. Merci de nous accorder un peu de votre temps. Expliquez-nous comment Zero a pu entrer en contact avec vous ?

— Un jour, on m’a appelée pour me causer », répond-elle d’une voix un peu rauque. « Je devais raconter mon histoire. On m’a dit que c’était pour la relayer sur un blog et sur YouTube.

— Comment pouvait-on être au courant de ce qui vous était arrivé ? demande Cyn.

— J’avais mis un truc sur Facebook, personne n’avait réagi avant cet appel. »

Cyn se rend compte que la conversation lui semble plus facile que prévue. Sa nervosité s’estompe, elle se concentre sur son interlocutrice.

« Puis vous l’avez rencontré ? Un homme, non ?

— Oui, c’était un type.

— Comment s’appelait-il ?

— Don Endress, m’a-t-il dit.

— Avant d’aller le voir, vous avez fait des recherches ? Vous êtes allée sur son blog ?

— Bien sûr ! Le blog dont il m’a donné le nom. Il existait vraiment ! Tout avait l’air bien.

— Puis il est venu chez vous pour vous interviewer ?

— Oui.

— À quoi ressemblait-il ? »

Takisha Washington tend un smartphone en direction de la caméra. Sur l’écran, Cyn distingue les contours d’un visage masculin.

« À ça.

— Génial ! » s’exclame Anthony. « Vous avez une photo de lui ! Pourriez-vous nous la montrer mieux ? »

Elle tend davantage son téléphone.

Chander a déjà fait une capture d’écran et passe l’image dans un logiciel de reconnaissance faciale.

Ils ont quatre-vingt-dix secondes d’avance sur le reste du monde.

« C’est formidable ! Cet homme vous a donc parlé ?

— Oui.

— Et qu’a-t-il demandé en premier ? »

Identification.

Kosak, Alvin

Cincinnati, USA

Date de naissance : 12/10/1964

Taille : 1,81 m

Cyn ne voit pas le reste des données. Anthony lui murmure de continuer l’interview.

Anthony et Jeff échangent un signe et communiquent des instructions à leurs lunettes. Jeff et Frances tentent d’entrer en contact avec Alvin Kosak.

« Il m’a demandé ce que tout cela me faisait, répond Takisha.

— Et alors ? Ce n’était probablement pas évident pour vous…

— Je me sentais misérable, trompée. »

Anthony, surexcité, murmure à côté de Cyn : « Alvin Kosak ? »

Elle doit se concentrer sur sa propre conversation. Ce n’est pas évident, dans la mesure où elle aimerait aussi savoir ce qu’ont découvert ses collègues. Le rédac chef, dans tous ses états, discute avec Charly et un technicien.

« Puis vous lui avez raconté votre histoire », poursuit-elle.

Entre-temps, l’identité d’Alvin Kosak sera publiée.

Elle ne comprend pas ce que lui dit Takisha à cause d’Anthony qui ne cesse de lui murmurer des choses : « Nous avons deux millions et demi de spectateurs ! Et nous sommes en ligne avec Alvin Kosak ! Il est prêt à rejoindre notre direct ! »

Cyn le regarde avec de grands yeux. « Qu’est-ce que je dois faire :

— Improvise ! Dis-lui que nous avons une surprise pour nos spectateurs et qu’Alvin est en direct chez nous ! »

Elle s’exécute. Son interlocutrice n’a pas l’air vraiment étonnée, elle est plutôt du genre flegmatique. Alvin Kosak apparaît dans le champ de vision de Cyn. Son visage est déformé par la caméra d’un smartphone.

« Chères spectatrices, chers spectateurs », fait-elle non sans emphase. « Alvin Kosak ! L’homme qui a interviewé Takisha Washington. Alvin Kosak, êtes-vous Zero ?

— Moi ? Non. » Il plisse le front. « Je n’ai rien à voir avec Zero. Hormis le fait que… qu’il… ou ils étaient peut-être plusieurs… Bref, on m’a appelé… Bonjour, madame Washington !

— D’où vous a-t-il appelé ? demande Cyn.

— Comment je le saurais ? »

Chander, à ses côtés, tape comme un possédé sur sa tablette, tandis qu’Anthony s’entretient à voix basse avec Takisha Washington et ses avocats.

« Pourquoi Zero vous a-t-il appelé ?

— Il voulait que je lui raconte mon histoire.

— Votre histoire ?

— Oui, nous avons parlé ensemble à plusieurs reprises. La dernière fois, c’était deux jours avant que je rencontre Mme Washington. Zero m’a dit aussi que les médias ne tarderaient pas à se mettre en contact avec moi.

— Les médias ? » Cyn s’arrête une seconde. « Il savait que les médias allaient vous appeler ?

— Oui, il l’avait prévu. »

Quelque peu désemparée, elle louche en direction de son chef. Il hausse les épaules, ne sait que lui dire et l’invite à continuer, d’un geste de la main.

« Et… et qu’a-t-il dit encore ?

— Que je devais prendre un vol pour Philadelphie et interviewer Mme Washington. Il m’a fait un virement pour les billets et pour me payer. Puis il m’a envoyé un mail avec un lien pour téléverser ma vidéo. Il m’a dit aussi de me faire passer pour Don Endress.

— Et vous l’avez fait ? Comme ça ?