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Cyn est toute étonnée. Quelle simplicité ! Social Engineering. Dire qu’elle pensait à quelque chose de technique. Aucunement. Ruser et berner, profondément humain. Ça lui plaît.

« Il n’a posé aucune question de sécurité ! Rien du tout !

— Pourquoi donc ? rétorque Chander. Qui, hormis l’utilisateur du logiciel, pourrait bien connaître le numéro de licence ? C’est comme lorsque tu as une question au sujet de ta facture de téléphone et qu’ils te demandent ton numéro de client.

— Je comprends. Et sur la facture, il y a le nom et l’adresse de Zero.

— Ils ne sont pas amateurs au point d’avoir enregistré le programme sous leur véritable identité. »

Cyn jette un coup d’œil sur le document. « Archibald Tuttle… Je connais ce nom…

— C’est dans un film, sourit Chander. Brazil. Tuttle est un élément subversif dans un État ultra-surveillé.

— Et qu’est-ce qui te rend si heureux sur cette facture ?

— Donne-moi quelques minutes. »

Tandis que Chander se remet à l’ouvrage, il ne reste plus à Cyn, Jeff et aux autres qu’à répondre aux nombreux appels.

De nouveau, le symbole du téléphone clignote dans les lunettes de Cyn. Elle prend l’appel. Son interlocutrice prétend travailler pour une chaîne de télévision dont elle ne comprend pas le nom. Elle a l’air aussi excitée qu’une vendeuse d’émission de télé-achat. Elle vient de voir les images du Daily et aimerait que la journaliste participe à un talk-show dans trois jours. Cyn lui demande de répéter le nom de sa chaîne.

NBC.

« La chaîne américaine ? » demande-t-elle avec une pointe d’irritation. Ses lunettes lui donnent des informations sur son interlocutrice. Elle est productrice. Mais à New York. « Je ne savais pas que vous produisiez également des talk-shows en Grande-Bretagne.

— Nous ne le faisons pas. J’aimerais vous avoir à New York pour notre émission intitulée Les big data font-elles de nous des marionnettes ? »

« NBC me veut pour un talk-show », chuchote-t-elle à Anthony.

« Toi ? » Il esquisse une grimace avant de se reprendre. « Super ! » Il retourne à sa propre conversation téléphonique.

« À New York, ajoute-t-elle.

— Sait-elle que je dirige la rédaction du Daily ? » Une grimace de nouveau.

« J’en sais rien. Qu’en penses-tu ? Je dois…

— Si tu ne veux pas, j’irai. »

Cyn en informe son interlocutrice.

« Non, c’est vous que nous voulons. Vous avez été super dans cette interview. Et puis votre fille a été filmée en direct lors de la poursuite du criminel et de la mort d’Adam Denham. Sans compter que nous avons besoin d’une femme parmi nos invités », conclut-elle.

« C’est moi qu’ils veulent », fait-elle à son supérieur.

Un court instant, son visage s’assombrit, puis il lève les pouces.

« Tu as mené cette interview devant cinq millions de spectateurs. Et les talk-shows appellent ! On dirait que t’as fait du bon boulot. T’acceptes, ça va de soi. C’est génial pour nous ! Demande qui sera présent là-bas ! »

Un professeur de sociologie, le rédacteur en chef d’un grand quotidien, si possible Takisha Washington, Alvin Kosak, le directeur de la communication de Freemee, répond la productrice à la question de Cyn.

« Oh ! » lâche Cyn.

La personne de chez Freemee ne sera sans doute pas tendre avec elle. Elle se demande ce qu’elle peut bien savoir à son propos ? Peggy ? Elle réfléchit. Peggy est un programme. Et un programme, on peut le consulter. Que se passera-t-il si le représentant de Freemee la met à nu devant tout le public ? Ça n’aurait pas de sens. Ils ne peuvent surveiller chacun des millions d’utilisateurs. Et même si c’était le cas, il ne dirait rien. Sans compter que Freemee lui a affirmé que ses données n’appartenaient qu’à elle, tant qu’elle ne se décidait pas à les rendre publiques.

Anthony la presse d’accepter.

C’est bon ! Laisse-moi réfléchir ! Contrairement à toi, je ne suis encore jamais passée à la télévision !

Pour être honnête, elle se sent flattée. Même si elle vient de faire le buzz devant cinq millions de personnes, elle reste une enfant de la télé. La télévision, à ses yeux, revêt plus d’importance qu’Internet. Et voilà qu’elle est invitée à l’un des talk-shows les plus regardés des États-Unis. Ce serait mentir que de ne pas admettre qu’elle en a toujours rêvé. Et elle n’est jamais allée à New York.

« Bien, je viens. »

Elle désactive Peggy.

« OK tout le monde, crie Chander. Pause ! On a quelque chose ! »

Anthony met fin à sa conversation, Cyn ne répond pas au nouvel appel entrant. D’autres prennent la relève.

« On a Zero ? s’enquiert le rédacteur en chef.

— Ce serait trop beau, répond Chander. Non. Mais sur la facture, il y a quelque chose qui a quasiment autant de valeur.

— Ne nous fais pas languir, intervient Cyn, sinon… »

Il lui jette un regard malicieux.

« Sur la facture se trouve l’adresse IP d’où l’utilisateur s’est enregistré.

— Waouh ! On sait où il vit, alors ?

— Pas tout à fait, malheureusement. L’adresse est celle d’un réseau Wifi de Vienne, en Autriche, que plusieurs cafés proposent à leurs clients.

— Vienne. En tant que cliente d’un de ces cafés, je peux accéder gratuitement à Internet ?

— Comme chez nous dans la plupart de nos coffee-shops.

— Ça veut dire que celui ou celle qui a enregistré cette copie était installé dans un de ces cafés ?

— C’est ça !

— C’était quand ? Ça fait longtemps que Zero utilise ce programme, non ?

— Cette copie n’a que deux ans.

— Ce mec n’a probablement été qu’une seule fois dans sa vie à cet endroit, s’émeut Cyn.

— C’est pour ça que j’ai un peu plus fouillé. Comme je l’ai dit, les métadonnées m’ont donné, en plus du numéro de licence, l’adresse MAC de l’ordinateur avec lequel il a mis sa vidéo en ligne.

— En quoi ça aide ?

— La plupart du temps, ces réseaux sont mal sécurisés. J’ai pu relativement facilement m’infiltrer dans le réseau viennois. Je n’avais plus qu’à passer en revue les logs, les protocoles. On y trouve par exemple les adresses MAC des appareils qui se sont connectés à Internet via ce Wifi, quand ils l’ont fait, etc. Devine ce que j’ai découvert.

— L’appareil avec lequel la copie de 3DWhizz a été enregistrée autrefois, se lance Cyn.

— Exactement ! » Il lui sourit à pleines dents. « Et régulièrement en plus. Cet ordinateur se logue presque tous les jours au réseau Wifi. Son propriétaire est donc un client fidèle de ce café. Ce n’est pas étonnant, d’ailleurs. En Allemagne et en Autriche, il y a de nombreux militants pour la protection des données. Il ne serait pas impossible que des membres de Zero résident dans ces pays.

— Ce numéro ne pourrait-il pas apparaître ailleurs ? s’immisce Jeff.

— Bien entendu ! Nous allons tout de suite mettre en action un programme de recherche.

— Qui nous dit que Zero ne se paye pas notre figure ? demande Cyn.

— Ça se pourrait. On peut manipuler les adresses MAC. Mais je tiens cela pour peu probable. Le mode particulier d’enregistrement de 3DWhizz a été publié dans des cercles spécialisés sans faire la moindre vague. Même après sa publication, 3D Wonder Vision a mis six mois avant de résoudre le bug. Et c’était après l’enregistrement de la licence. L’utilisateur ne savait alors rien de cette erreur. Et s’il est étudiant en cinéma ou designer et qu’il n’est pas programmeur, il n’en sait sans doute toujours rien.