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Elle décroche à la troisième sonnerie.

« Eddie ? Si tôt ! Qu’est-ce qu’il y a ? Tu veux parler à Viola ? »

Sa gorge se noue. Il se reprend. « Non. C’est à la journaliste que je veux parler.

— À cette heure ? OK. C’est urgent ? Je dois partir pour l’aéroport.

— Tu vas chercher quelqu’un ?

— Non, je pars à Vienne.

— Oh !

— De quoi s’agit-il ?

— J’ai fait une découverte. Tu te rappelles, après la mort d’Adam, nous avons parlé de choses et d’autres, et de Freemee.

— Je m’en souviens.

— J’ai peut-être un truc. C’est compliqué par téléphone. Je dois te voir.

— Ça irait à mon retour de Vienne ? Je reviens dans deux jours, trois au plus. »

Ça me laissera le temps de tout vérifier.

« OK. Tu vas faire quoi à Vienne ? Viola m’a parlé de New York.

— Je ne peux pas t’en parler. New York, ce sera à mon retour.

— Alors bon tour du monde ! »

Eddie se remet en route, rallume sa musique et atteint la station. Sur le quai bondé, il augmente le volume afin de s’isoler davantage. On le bouscule. Ça l’agace. Un homme d’âge moyen, portant des lunettes fumées et un chapeau, se tient à côté de lui.

« Bonjour Eddie. »

Irrité, il fait un pas en arrière, heurte quelqu’un, s’arrête. Il ne connaît pas cet homme, dont la voix lui parvient malgré ses écouteurs.

« J’aimerais m’entretenir avec toi.

— Et qui vous dit que j’en ai envie ? » rétorque le jeune homme en faisant un pas de côté.

Le quai est si plein qu’on peut à peine bouger. L’homme ne lui inspire pas confiance. Il n’a pas peur, pourtant. Il sait bien qu’il y a des caméras partout. Personne ne pourrait le brusquer ici.

L’homme parvient à se glisser devant lui.

Eddie voit sur ses lèvres qu’il dit quelque chose. Puis il lui sourit. Rassuré, il rend les armes et éteint sa musique.

« Que voulez-vous ?

— Te faire une proposition. Le genre de propositions qu’on ne te fera qu’une seule fois dans ta vie. »

Comme Eddie ne répond pas, il poursuit. « Pardonne-moi, je suis vraiment très grossier. Je m’appelle William Bertrand et travaille pour une entreprise de ressources humaines. Tu as un grand talent en informatique. Tu pourrais décrocher des jobs en or. Gagner beaucoup d’argent. Vraiment beaucoup. J’aimerais te proposer un travail.

— Ici ? » Décontenancé, il regarde alentour. « Vous m’avez suivi ? Qu’est-ce que ça signifie. Je vais encore à l’école.

— Tu pourras continuer. Pourquoi pas à New York ?

— Fichez-moi la paix. Si vous avez quelque chose à me dire, alors envoyez-moi un mail. Ou appelez-moi. Mais ne me racontez pas d’histoires dans le métro, je vous prie. »

La rame entre en gare, la foule s’agite.

« Je vais être plus précis », continue l’homme, suivant Eddie de près, jusque dans le wagon. « Tu as découvert quelque chose de très important. Et qui vaut beaucoup d’argent. Pour toi. »

Son pouls s’accélère. Parle-t-il bien de ça ? Il ne dit rien, essaye de garder son calme, et laisse l’autre venir. Mieux vaut qu’il enregistre tout ça en secret. Il tripote son téléphone dans sa poche mais il y a trop de brouhaha dans le train.

« Tu sais de quoi je parle », insiste Bertrand.

Son cœur bat la chamade. Il transpire. Bien qu’il ait tenté de travailler anonymement, ils l’ont observé et suivi. Et voici que l’un d’eux se tient devant lui ! Quelques heures seulement après sa découverte.

Putain de merde !

Malgré la panique qui l’envahit, il s’efforce de garder un ton calme. « Je ne vois pas de quoi vous parlez.

— On te propose vingt millions de dollars, payables tout de suite », lui sourit Bertrand. « En échange, tu gardes ce que tu sais pour toi. » Il chuchote presque. « On t’offre aussi un boulot génial à New York. Si tu en as envie. »

Eddie s’accroche à la barre. Ses jambes flageolent. Il peine à respirer.

L’autre le dévisage en souriant en coin. « Une somme rondelette, non ? »

Eddie fait une grimace. De l’argent. Comme s’il s’agissait de ça !

« Alors… Alors tout est vrai… », lâche-t-il à demi-mot.

Bertrand ne réagit pas.

Le jeune homme sent la sueur dégouliner derrière ses oreilles. Sa tête le démange. Nerveux, il se lèche les lèvres. Un long frisson monte du plus profond de lui, sans qu’il puisse le contrôler.

« Vous… vous voulez m’acheter ?

— Nous voulons nous assurer de ton talent.

— Je… je ne sais que dire…

— Oui. Dis seulement oui à un avenir génial. »

Des larmes lui montent aux yeux. Il est tout à fait dépassé par les événements.

« Et si je ne veux pas ?

— Nous augmenterons notre offre », répond Bertrand, toujours aussi avenant.

Les haut-parleurs annoncent la station suivante.

« Plus que vingt millions ? demande Eddie, incrédule.

— Quel est ton prix ? »

Eddie a des maux de ventre. Cette situation est totalement surréaliste. Il se tient dans un wagon de métro plein à craquer. À ses côtés, un inconnu qui lui fait des propositions absurdes.

Putain ! Moi et ma foutue curiosité !

La rame s’arrête. Les gens se pressent vers l’extérieur.

« C’est ici que tu dois changer », lui rappelle Bertrand.

Eddie peine à s’exécuter tant ses jambes sont faibles. Bertrand reste auprès de lui. Ils marchent sur le quai, perdus dans la foule, tandis que le train disparaît dans le tunnel.

« Comment pouvez-vous être certains que je tiendrai ma promesse ?

— Parce que tu es un honnête homme. Mais tu le sais mieux que moi. Si tu ne me crois pas, regarde dans ton profil Freemee. Tes données parlent d’elles-mêmes.

— Si j’acceptais cette offre, je cesserais alors d’être honnête.

— Non. Tu continuerais à l’être envers nous. »

Ils gravissent les escaliers mécaniques en silence. Eddie n’a pas besoin de chercher son chemin pour la Circle Line. Il poursuit son chemin automatiquement, comme tous les jours.

Il prend une longue inspiration. « Cinquante millions de livres, dit-il.

— OK », fait Bertrand. Il fronce les sourcils et le regarde intensément. « Nous avons ta parole ?

— Oui, répond Eddie. Vous m’avez dans le collimateur. Dans le monde entier, tout le temps. » Il grimace.

Inexpressif, Joaquim regarde l’écran sur lequel défilent les images retransmises par les lunettes de Bertrand. Sur deux autres écrans, on voit les résultats communiqués par les capteurs du smartphone d’Eddie et le petit microphone dissimulé dans un bouton de la veste de l’homme. Dommage qu’ils n’aient pu enregistrer l’appel d’Eddie à Cynthia. Ils auraient dû aussi truffer son appartement de microphones. Dommage pour Cynthia Bonsant.

Les courbes et les lignes des écrans oscillent fortement. Des seuils d’alerte clignotent.

Les premiers programmes capables de déceler si quelqu’un disait la vérité d’après la modulation de sa voix ont été développés au début des années 2000. Depuis, ils sont constamment améliorés et appartiennent désormais à la panoplie standard de tout agent secret. Combinés avec les données d’autres réactions physiques, ils donnent d’excellents résultats, y compris lorsque la personne sait qu’elle est surveillée. Les détecteurs de mensonge surannés, ceux que l’on voit dans les vieux films d’espionnage, sont, en comparaison, des pointes de flèches taillées à l’Age de pierre. Freemee a efficacement incorporé ces technologies à ses Act Apps. Dans ce cas précis, elles trahissent une probabilité de mensonge supérieure à 80 % de la part d’Eddie.