Bienveillant, il lui demande comment s’est passée sa discussion. Cyn n’a plus envie de se contrôler. Elle lui raconte.
L’alcool fait paraître la situation pour moins tragique qu’elle ne l’est.
« Tu vas tout de même aller à New York ?
— Je ne sais pas. »
Elle doit d’abord voir Viola et Annie. Ensuite, elle verra. Après les révélations de l’homme dans l’après-midi, elle s’y sent presque obligée. Elle doit découvrir ce qui se dissimule derrière tout ça.
« Je dois aller me coucher, annonce-t-elle soudain. Je préfère ne pas penser aux maux de tête demain matin.
— Je t’accompagne. »
Il la prend par les épaules.
Leurs chambres sont sur le même palier. Deux hommes attendent devant celle de Chander. L’un d’eux sort sa carte de police. « On vient saisir l’ordinateur que vous aviez aujourd’hui. Il est sous séquestre. »
D’un coup, Cyn redevient sobre.
Chander ne prend pas la peine d’examiner les papiers de l’homme. « On ne l’a pas, répond-il en ouvrant la porte. Vous pouvez entrer et fouiller. Chez ma collègue aussi. »
Elle acquiesce.
« Je l’ai perdu dans les égouts, explique-t-elle. Il est tombé dans l’eau. Si vous ne me croyez pas, fouillez ma chambre. »
Les deux fonctionnaires se regardent, dubitatifs, avant d’entrer dans la chambre de Chander. Ils soulèvent les coussins du canapé, ouvrent les armoires, jettent un coup d’œil sous le lit. En quelques minutes, ils ont fini. Ils répètent le même manège chez Cyn.
« Et Mr Heast ?
— Il participe à une émission de télévision, les informe Chander. Il faut l’attendre. Ou vous demandez un double au personnel de l’hôtel. Mais ça ne vous avancera à rien. On n’a pas l’ordinateur. Malheureusement. »
Les deux hommes prennent congé brusquement.
« Une visite de marque », plaisante Chander. La prenant par la taille, il la conduit dans sa propre chambre, doucement mais sûrement. Il lui montre ses lunettes : « Elles m’ont renseigné rapidement sur ces types. La police autrichienne, mon cul ! D’après mes données, ils travaillent pour une entreprise américaine implantée à Vienne. Une société écran de la CIA, si tu veux tout savoir », précise-t-il en se dirigeant vers la salle de bains pour enfiler un peignoir. « Pas impossible que l’un de leurs agents ait participé à la folle équipée de cet après-midi. »
Il lui tend un Doliprane et remplit un verre d’eau. « Tiens, prends ça. À titre préventif. »
Cyn sent les effets de l’alcool s’estomper. Sa langue est pâteuse. « Ils n’ont pas dû apprécier notre petit show en direct.
— Tu m’étonnes ! »
Super, manquait plus que je sois blacklistée par les Ricains ! pense-t-elle tout en avalant le comprimé.
Chander reprend le verre et frôle ses doigts, presque une caresse. Le temps d’un souffle, ils sont très proches l’un de l’autre, indécis.
« Ça va ? lui demande-t-il d’un ton rassurant, tout en caressant son bras.
— Oui. »
Elle évite son regard et sent son haleine chaude. Puis ses lèvres. Il l’enlace avec douceur. Elle hésite un peu avant de lui rendre son baiser.
ArchieT :
Putain, on a eu chaud !
Nachteule :
Tout va bien ?
ArchieT :
Yep. Je suis de passage à Berlin.
LotsofZs :
Ces bâtards du Daily nous ont sauvés.
Submarine :
Et c’est quoi cette merde qu’on a eue avec 3DWhizz ?
LotsofZs :
Les métadonnées, comme d’hab’.
Snowman :
Sorry !
ArchieT :
On fait quoi avec Bonsant ?
Samedi
Malgré le Doliprane pris la veille, Cyn se réveille avec la gueule de bois. À l’odeur, elle se rappelle immédiatement qu’elle n’est pas dans sa chambre. Elle ouvre les yeux, grimace tant elle a mal au crâne, referme les yeux. Elle se souvient d’avoir trop bu. Chander. Prudemment, elle tâtonne à ses côtes, trouve son corps. Il dort près d’elle. Mis à part ses maux de tête, elle se sent bien. Elle savoure cet instant, bercée par la respiration régulière de son amant. Elle tente de s’allonger le plus confortablement possible, quand ses cicatrices se rappellent à elle. Ses cicatrices ! Instinctivement, elle pose la main dessus, sort des draps le plus discrètement possible, et rassemble ses affaires dispersées dans toute la pièce.
Bien. Ça s’est donc bel et bien passé.
Elle se glisse dans la salle de bains, fait une toilette rapide et remet un semblant d’ordre dans ses cheveux. Sur la pointe des pieds, elle rejoint le lit et dépose un baiser sur le front de Chander. Il ouvre un œil. « À tout à l’heure », murmure Cyn.
Ses paupières sont lourdes, il tend la main mais elle a déjà atteint la porte.
Elle prend une longue douche dans sa chambre. L’eau chaude lui fait du bien. Les événements de la veille lui reviennent petit à petit, quoique avec force, en mémoire. On a essayé de la noyer ! Elle peine à respirer. Elle sort de la douche, manque de tomber, se fige devant le miroir, reprend son souffle, haletante. Ce n’est pas beau à voir. Tremblante, elle s’enroule dans le peignoir. Se peigne. S’adosse au mur. Contemple son reflet.
L’habit glisse, dévoilant ses cicatrices. Elle le remet. Pense à Eddie. Des liens de cause à effet ? Bienvenue dans la parano. Elle sort de sa torpeur, passe la main dans ses cheveux et applique de la crème sur ses blessures. Ça lui rappelle le contact de cette peau inconnue la nuit passée. Elle aimerait être auprès de lui.
Dans le taxi pour l’aéroport, Anthony parle de l’émission de la veille. Il n’a fait qu’une apparition de deux minutes, mais était-il brillant ! Et il est passé à la télévision avant Cyn. Quoi de plus normal pour un rédac chef ? Au cours du petit-déjeuner, il n’a pas eu le temps de leur donner tous les détails. À l’hôtel, il a pris tous les journaux internationaux et autrichiens traitant de l’affaire. Ceux avec des photos. Il montre chaque article à ses collègues assis sur la banquette arrière, en faisant bruisser le papier.
« Nous sommes un peu des stars, pérore-t-il. Et le Daily a fait un bond prodigieux ! Il est dorénavant connu dans le monde entier. Rien que pour ça, ce voyage valait la peine.
— Zero aussi est universellement connu, remarque Chander. Nous n’étions que les dindons de la farce !
— Parce que tu ne maîtrises pas ton drone, se moque le rédacteur en chef.
— Parce que nous avons tout balancé en direct. Sans quoi nous aurions eu notre interview, objecte Cyn.
— Ou la CIA l’aurait attrapé, réplique Anthony. Qu’est-ce que t’as ? T’étais pas sérieuse, hier, quand tu disais que tu ne voulais plus participer à la recherche de Zero ?
— Oh que si !
— On en parlera au calme à Londres.
— Je ne pourrai pas aller à la rédaction aujourd’hui. J’ai une fille dont je dois m’occuper et une amie dont le fils est mort.
— Pas de problème », dit-il, tout en feuilletant les pages « économie » d’un canard. Il avait complètement oublié cet épisode.
« Je viens de recevoir une alerte, annonce Chander. En raison de la traque d’hier, Anonymous recrute du monde pour une attaque contre le Daily.