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Eddie fixe la caméra.

« C’est bien compréhensible. Mais ça m’a surtout rendu curieux. Je voulais en avoir le cœur net. Malheureusement, on n’accède pas si facilement à de telles données. J’ai donc dû utiliser différents outils, comme Wolfram|Alpha, et énormément de sources open data qui regroupent des données rendues accessibles sans qu’il soit nécessaire de s’adresser à des institutions. »

« Du bon boulot », remarque Chander.

Cyn jette un coup d’œil à sa montre. L’embarquement est proche. Elle ne parvient pas à se détacher de la vidéo. Chander, lui aussi, est hypnotisé.

« J’ai donc créé un programme pour réunir suffisamment d’informations afin de me faire une idée. Voici le résultat ! »

Cyn ne voit qu’un graphique coloré qui ne lui dit rien. Elle ignore où il veut en venir.

« Le nombre des morts non naturelles ne change pas de manière significative. Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« Qu’on doit encore affiner la recherche », murmure Chander.

Une carte de la Grande-Bretagne et de l’Amérique du Nord apparaît sur l’écran. Certaines parties sont colorées, du jaune au rouge foncé.

« J’ai cherché d’après plusieurs critères : âge, lieu de résidence, etc. Et là, c’est devenu intéressant. Dans certaines régions et classes d’âge, le nombre de suicides et d’accidents parmi les utilisateurs Freemee a substantiellement augmenté. Il faut absolument que des spécialistes se penchent là-dessus ! »

« Merde ! lâche Chander.

— Je ne comprends toujours pas…

— Regarde le graphique. Au sein d’au moins deux groupes d’utilisateurs Freemee identifiés par ce jeune homme, il y a un nombre particulièrement élevé de morts non naturelles comparé à celui relatif aux non-utilisateurs. Dans la région de San Francisco et parmi les écoliers allemands. Ça a commencé voilà sept mois pour atteindre des taux 5 à 10 % plus élevés que la moyenne. Largement au-delà de la marge de fluctuation. Chez tous les autres utilisateurs Freemee pour lesquels il a trouvé des données, le nombre de morts non naturelles est resté inchangé, voire a baissé. C’est pour ça qu’en considérant uniquement le nombre total de décès on ne voit pas grand-chose, les chiffres s’équilibrant. Comme dans le sac de pommes de terre. Il y en a deux kilos, qu’importe qu’elles soient grosses ou petites.

Elle regarde sa montre. « Embarquement ! On doit se dépêcher ! »

Chander ferme son ordinateur. Ils courent à la porte où on les attend.

« Apparemment, le nombre de morts non naturelles s’est normalisé au cours des deux derniers mois. Quelque chose a changé, si ces chiffres sont exacts », dit-il à voix basse tandis qu’ils font la queue. « J’aimerais bien y jeter un coup d’œil de plus près.

— Tu crois que ces chiffres ne sont pas fiables ?

— Tu l’as entendu aussi bien que moi. Il voulait discuter de tout ça avec des spécialistes. Mais il n’en a pas eu le temps.

— Parce qu’il est mort accidentellement, peu après avoir voulu m’en parler. »

Bienvenue dans la parano !

« Je dois téléphoner rapidement, dit-elle.

— Moi aussi. »

Cyn ouvre la page de contact de Freemee. Elle compose le numéro, espérant qu’on travaille également le week-end dans une start-up, et demande à être mise en contact avec le directeur de la communication, Will Dekkert. Elle se présente, parle de l’histoire de Washington et de Kosak, mentionne sa présence, le lendemain, sur le plateau de NBC. Elle veut lui parler de toute urgence, avant le décollage. Sur-le-champ. À sa grande surprise, on transfère son appel.

« Le logiciel a enregistré cette conversation téléphonique ? » demande Jonathan Stem. Il démarre l’écoute de l’entretien entre Cynthia Bonsant et Will Dekkert.

« À cause de certains mots clefs, confirme Marten. Et les noms de suspects ou de personnes impliquées dans l’histoire, comme ces gens du Daily.

— Vous avez bien fait de venir me voir immédiatement », dit Stem. Son bureau est petit pour le poste qu’il occupe. La boiserie en acajou, quoique signe d’un certain luxe, assombrit et rétrécit la pièce. À côté de Marten se sont installés deux agents qu’il ne connaît pas.

« Quel est le rapport entre notre traque de Zero et Freemee ? demande Stem.

— Il n’y en a pas avec la nôtre. Peut-être avec celle du Daily.

— Je comprends. Vos hommes doivent continuer leurs recherches. Quant à vous, vous vous occupez de Cynthia Bonsant et de Will Dekkert. Vous dépendez de l’agent Dumbrost, à votre gauche, qui dirige l’équipe. Vos deux collègues et les autres devront analyser cette conversation téléphonique, confirmer ou infirmer les propos tenus. Priorité absolue, classée secret défense. L’équipe ne fait de rapports qu’à moi. Je veux des résultats avant l’arrivée de cette femme à New York. Ça veut dire qu’il vous reste six heures. »

Marten est soulagé de n’avoir pas à s’occuper des statistiques et de devoir plutôt s’intéresser aux deux protagonistes. Une mission de routine. Ce dont il était question pendant l’appel téléphonique, il ne l’a pas tout à fait compris. Des morts. Quels morts ?

« Bien, Monsieur. »

Pendant quelques pesantes secondes, Carl regarde Will.

« Intéressant, dit-il enfin. À qui en as-tu parlé ?

— À toi seulement.

— À Alice ?

— Non.

— À d’autres collaborateurs ?

— À personne.

— Cette Bonsant est une journaliste désespérée qui a ses meilleures années derrière elle depuis longtemps et qui cherche à tout prix un scoop. Ne lui parle plus.

— Et si elle insiste ?

— Tu l’envoies balader », répond Carl, quelque peu impatient. « Ou tu lui sers le truc habituel ; qu’on améliore l’existence des gens, sans pouvoir empêcher leur mort. Trouve un truc, c’est ton job, non ?

— Tu as changé les algorithmes au cours de la période concernée ? » La tournure de la conversation commence à déplaire à Will.

« Nous les optimisons et les améliorons constamment. Tu sais bien.

— Ça ne vient pas de nous, alors ?

— T’es de quel côté ? jappe l’autre.

— Waouh ! éructe Will.

— Tous les indicateurs sont à la hausse concernant nos cent quatre-vingt-dix-huit millions d’utilisateurs. Au cours des mois passés, impossible d’en aider certains à résoudre leurs problèmes aussi bien que d’autres. Un tout petit pourcentage. Mais ça ne doit pas nous empêcher d’aider de plus en plus de gens, de leur offrir plus de bonheur et de succès. Il s’agit de notre avenir, pas de notre passé. C’est là-dessus que nous devons nous concentrer. »

Will serre la mâchoire. Il ne répond pas. Carl le jauge de son regard perçant.

« OK », fait-il enfin.

Il met ses lunettes. « Kim, Jenna, dit-il à ses collègues. Annulez tous vos rendez-vous. On a une présentation importante. Dans une demi-heure au bunker. »