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San-Antonio

La Sexualité

Roman

À Léopold BRUCKBERGER,

ce survol en rase-mottes des îles du péché.

Avec mon amitié fervente.

SAN-ANTONIO

EN MATIÈRE D’ESPÈCE D’AVANT-PROPOS

COMME QUI DIRAIT…

Faites très attention, beaucoup achtung ! Gaffe, mes drôles. J’avertis : ceci est un préambule. Une introduction, V’là le sale mot lâché ! Je vous introduis d’autor, sans même le temps d’un n’ouf. Habituellement, un avant-propos, ça s’écrit après le bouquin. L’auteur qu’a des retours au carburo. Qui s’aperçoit, l’affreux connard, qu’il a pas exprimé le total de sa pensée. Qui plaide non coupable pour son œuvre ! Veut donner l’explication du comment, du pourquoi, du bidule ! Se drape dans de fières implorations. Bref, s’excuse en somme de ne pas s’être fait comprendre. Il a mis le mot « fin » au bout de son petit orgasme de masturbé de la coiffe. Et puis les réalités le réemparent comme une crise d’angine of poitrine. Il soupçonne de la merdouille dans son éjaculance. Elle est pas pur foutre. Alors il croit astucieux de prétendre qu’il l’a voulue ainsi. Il fait de son impuissance une savante élaboration. Il truque, quoi. Je sais des livres, que le pauvre tourmenté a affublés d’une préface, d’un avant-propos, de notes liminaires, d’un avertissement, d’une postface et d’un « en matière de conclusion » qui ferait bâiller un dentier dans son verre de flotte.

Moi, toujours novateur assoiffé, je te vous ponds mon introduction avant toute chose. J’attends que le reste suive. Je chauffe, comprenez-vous ? On bavarde un chouille avant de se mettre à l’établi. On déconne à vide, à blanc. Vous pouvez sauter. Foncer au « Chapitre premier » là que commence la puissante histoire fignolée « Fleuve Noir » que je vous ci-jointe avec l’assurance de mes sentiments les meilleurs et les plus juteux. Je m’en fâcherais pas. Les cons se décantent tout seuls, c’est leur seule vertu. Ils se cataloconnent spontanément, dans un élan blottisseur. Parce qu’un con, son unique refuge — ô miracle ! — c’est précisément sa connerie ! Alors, que les lecteurs cons connent en chœur, joyeux troupeau. Qu’ils aillent s’enfrileuser le cervelet plus loin. Je vais penser à eux, promis, certifié ! Foi de moi ! Ils auront leur taf de ce qu’ils me veulent. Je leur ferai la bonne mesure ! La ration géante de conneries. Avec assortiment de calembredaines variées qu’à force d’en rire leur rate pétera, je souhaite. Je te leur mijote des tartes à la crème grosses comme des Mont-Blanc ! Et des à-peu-près serrés comme les épis dans un champ de blé. Seulement, faut que je m’y prépare. La concentration de l’athlète, ça s’appelle. Je viens faire des gammes entre nous. On est peinards : j’ai accroché la pancarte do not disturb au loquet de mon livre. En français ça se dit « Avant-Propos ». Et c’est terriblement radical. Ils marchent sur la pointe des nougats en passant près de ma lourde, pas que je les voie, que je les hèle ! Y a des polis dans le nombre. On peut être con et bien élevé. Certains se croiraient obligés de s’associer à la cérémonie préliminaire.

T’as des mecs qui raffolent de l’odeur de la langouste et qui pourtant utilisent leur rince-doigts, pour ne pas se singulariser. Tiens, je vous parie que certains se sont déjà glissés parmi nous. Pour faire semblant. Ils m’écoutent vocaliser à mine de rien ou recueillie. Mais je leur voltige au-dessus du cerveloche, dans les azurs du s’enfoutisme. Leur fait bye-bye de tout là-haut. Leur adresse des baisers mutins (mutin dans le sens d’indiscipliné). Ça fait tant et si longtemps que je les emmerde ; à force ils me sont devenus indispensables comme une démangeaison frénétiquement grattée. Ah oui, si longtemps… J’ose plus compter. Ça cataracte si fort ! Ils deviennent vieux si vite, tous ; et moi avec, plus lentement me semble-t-il, mais tant irrémédiablement ! Vieux et lourds, moches et encore plus fanés du dedans que du dehors. Visez-les, accroupis sur leurs belles bedaines. Couvant leur mort tendrement. De plus en plus gâtés, si bien que la pourriture leur déborde par la bouche et par les yeux. Par ailleurs itou, je gage ? Ils suintent leur trépas de tous leurs orifices. La faillite du Créateur, c’est d’avoir fait l’homme avec trous. Sans trous il s’en serait peut-être tiré, l’homo sapiens ; mais déguisé en tuyau c’était foutu d’avance. Ses trous c’est sa perte. Il lui rentre trop de saloperies dans la carcasse, plus encore qu’il en éjecte. La différence devient sa propre matière. Vous dire ! Lorsqu’on a bien compris ça on s’insupporte, c’est fatal ! On s’écoute glouglouter le plus en essayant de goder à outrance pour lutter contre la lente liquéfaction. Bander est une insurrection. Seulement c’est quoi t’est-ce, le temps d’un coït ? Hmm ? Soupir à son début. Y a que la phase aspirante. Qui donc va jusqu’à l’exhalaison complète ? Vous ? Bravo ! Moi, never  ! Je tourne court dans mes miasmes. Rien de moins accommodant qu’une odeur. Elle vous outrage rapidement et profond. Rien d’autant profanateur. Je me souviens d’un jour que je m’étais arrêté sur la route de Damas pour admirer la chaîne de l’Anti-Liban. Y avait autour de moi des plantes odoriférantes fabuleuses. Ça sentait le jasmin sauvage et la merde domestique, à cause des bivouacs piqueniqueurs. Le jasmin et la merde ! Étrange, comme mariage. Au début on croit que le jasmin domine. Ça n’est vrai qu’un instant. Il vous mirage la narine parce qu’on n’a pas l’habitude ; mais la merde l’emporte superbement et le jasmin devient plus que merde par contagion : merde parfumée, la pire !

Je divague ?

Je divaguerai encore, beaucoup, à bloc. Il faut. Le temps m’est venu d’avoir le temps. J’ai trop tellement fait la fine bouche avec lui ! Trop minaudé, trop… temporisé. Il m’intimidait, le monstre, me blasait. Quel bout l’attraper ? Comment laisser couler la rampe sous sa main sans se brûler la paume ? Je le gaspillais de ne pas croire en lui, de mal oser le toucher. Soyez timide avec le temps et vous êtes foutus, roulés comme caillasse de torrent en crue. Il vous domine, vous malaxe dans son grand mépris. Je n’avais plus la force de réagir. C’était une vilaine noyade miséreuse, un bafouement de toute minute. Je sentais ma vie mal emmanchée dans la société. Je galopais à contre-voie. Ah, mes pauvres foutaises à jamais foutues ! Le moment est venu de me filtrer la fumée pour en prélever les escarbilles. Ne restera plus alors de mon passé que la dérisoire poussière d’une urne funéraire. Cendres à disperser dans les eaux merdeuses du Gange ou à pomper de votre Electrolux !

La vie est un entrelacs de rencontres. Des gens qui viennent et repartent de vous. Ainsi font font font les petites marionnettes : trois petits tours de con et puis s’en revont. Ceux qu’on aime plus sournoisement que les autres, catimineurs vicieux ! Le temps (toujours) de vous aguicher l’âme, de se faire une place en vous, de vous devenir commodes, qu’on les situe indispensables et voilà qu’il faut s’en dispenser. Ils vous meurent devant ou bien s’en vont se replanter ailleurs, dans d’autres terres ou d’autres culs.

On arrive à un âge où elles vous ballonnent, ces fréquentations. Te vous gargouillent bide et cerveau, vous criblent de cicatrices qui n’ont plus le loisir de guérir. Le passé tourne à l’état gazeux, comme les sels digestifs dans la flotte. Les peu bandeurs le rotent en douce, dans leur mouchoir ; mais des certains, dont je suis, le mugissent à grands spasmes désordonnés. Ce sont les lions du souvenir. La mémoire est une maladie purulente dont on ne se soulage qu’en l’incisant.