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— Il n’a pas l’air folichon, votre grand-père, dites donc, Rebecca, renchéris-je. Je comprends que vous soyez tentée d’amener des matous chez vous pour faire diversion. Enfin, comme je ne veux pas qu’on vous prive de dessert jusqu’à la fin du mois, je vous quitte. Bonsoir, m’sieur-dame !

Là-dessus, je décris un demi-tour à droite, droite ! impeccable et me mets à dévaler l’escalier.

J’atteins à peu près le troisième étage lorsqu’une voix tombe des hauteurs.

— Hé ! qu’est-ce qui vous prend ?

Je m’arrête et brandis vers le toit mon physique de théâtre. De la cendre de cigare me pleut dans l’œil. Tout là-haut, penchée par-dessus la rampe, j’aperçois la chemise écossaise de dame Nini.

— C’est à moi que vous parlez, mon colonel ? m’enquiers-je.

— Vous me faites un drôle de teigneux dans votre genre, déclare la voix des cimes. Allez, crâne de pioche, remontez qu’on fasse un peu mieux connaissance !

Là-dessus, le buste de la gougnasse disparaît. J’hésite un brin, très peu, mais étant d’un tempérament curieux, je me dis que je ne risque rien (et surtout pas d’être violé) à remonter.

Rebecca est seulâbre sur le palier. Elle me sourit triste, un peu gênée ; on le serait à moins !

— J’avais oublié de vous prévenir que Nini a un caractère de cochon. Mais elle a aussi un cœur d’or et il faut pas trop prendre garde à ses rebuffades.

— C’est votre mari, mon petit loup ? je questionne hardiment.

La môme rougit comme un portail de fer qui vient de recevoir sa première couche de minium[1].

— Je ne comprends pas vos insinuations ! proteste-t-elle.

— Bien sûr que si, dis-je, puisque, précisément vous les prenez pour des insinuations. Fallait le dire tout de suite que vous pratiquiez la retenue à la source, ma chérie, je ne vous aurais pas importunée de mes ardeurs de cerf-violent. Je comprends les choses, moi, vous savez ! Je sais que toutes les gousses sont dans la nature !

Elle hausse les épaules et me fait entrer.

L’appartement est comme je raffole. Avec des pierres apparentes, des poutres énormes et des décrochements un peu partout. On gravit cinq ou six marches et on déboule dans une vaste pièce où pêle-mêlent des meubles Haute Epoque, des sculptures de César et des toiles de Vasarely[2]. D’immenses canapés de huit mètres carrés de superficie constituent des îlots de langueur où des dames se prélassent, tendrement enlacées.

Elles sont une demi-douzaine, pour ne pas dire au moins six, jeunes, belles, bien faites, qui boivent des drinks en se tenant par la taille ou par le cou.

Votre San-A., mes bonnes grands-mères, de débouler au milieu de ce singulier cheptel, ça lui fait un peu comme à un pêcheur à la ligne qui voudrait rattraper du goujon dans la rivière de diamants de Mme Boussac. Il se sent démoralisé, sans espoir, à cligner des châsses.

La virago au cigare est en train de verser du scotch dans un grand verre en cristal taillé (entre parenthèses, j’aimerais bien me tailler également).

Elle me le présente en rigolant.

— Allez, sans rancune, fait-elle. Ben, tu nous présentes ta conquête, Rebecca ?

— Monsieur San-Antonio ! annonce à la ronde ma petite camarade.

La mémère au gros dargif mal équarri me serre la louche. Elle a une poignée de main de catcheur, c’t’ogresse ! C’est pas pour en remettre, mais elle est guère laubée. A se demander ce que la gentille petite môme trouve de raffolant dans cette anomalie ambulante. J’ose pas imaginer leurs z’étreintes, mes sœurs ! Mon cervelet poisse, rien que d’évoquer la chose. L’horrible mégère hermaphro qui te gloutonne ce joli petit sujet, ah, calamitas ! C’est quand même phénoménal, la reluisance, non ? L’absurdité monstrueuse des accouplements.

Notez que ça entretient l’optimisme. Tu peux devenir vieux con adipeux sans trop mouronner en sachant que tes chances d’annapurner une jouvencelle restent intactes. T’abordes le délabrement la tête haute et la zézette glorieuse.

J’accepte le verre. Je salue à la ronde. Les regards qui se posent sur moi sont aussi bienveillants que ceux qu’un marchand de porcelaine accorde à un monôme d’étudiants déboulant dans sa boutique. Quelques sourires torves accueillent mes paroles de courtoisie. J’entends des chuchotements. Une rouquine qui ressemble au Prince Charles, mais avec un peu plus de moustache, pouffe en me défrimant d’un œil cynique.

— Vous voulez voir la terrasse ? me propose Rebecca, sentant que nous baignons dans de l’extrait de malaise.

— Je n’aspire qu’à cela ! affirmé-je.

Disparue la godanche proverbiale du bonhomme ! Je me sens plus chaste que la photographie de sainte Blandine. Comme si j’avais une pelle à gâteau à la place du scoubidou verseur ! La peinardise absolue ! Un désert dans l’Eminence !

Nouvel escalier, plus étroit que les précédents. On atteint une chambrette capitonnée, toute blanche (avec des poufs au lieu de pafs). La bonbonnière luxueuse, propice aux batifolages délicats. Des gravures lascives sur les murs. Ça représente des nymphes entremêlées.

Dans le fond de cette deuxième pièce, un petit escadrin colimaçonne jusqu’au toit. On aperçoit le ciel de nuit à travers un dôme de plexiglas. Rebecca grimpe la première pour ouvrir. Suivre une dame sur une échelle ou un escalier de ce genre, ça devrait être du gâteau, non ? Seulement y a ces saloperies de collants que je ne sais quel horrible sadique maso, quel profanateur d’humanité, quel pédoque exacerbé nous a inventés un jour dans un moment de délire. Et la bêtise insensée de ces idiotes qui sautent là-dedans à pieds joints ! Pressées de se maquiller un sexe en celluloïd comme les poupées d’autrefois ! A une époque où, justement, on leur sculpte la moulasse ou le bitougnet aux poupons de plastique pour faire plus vrai, plus vivant ! Au début je me suis fait un bout de raison. « C’est une mode, donc ce sera bref ! je me réconfortais. On les reverra bien vite, les jolis bas, les mignons porte-jarretelles, les culottes affolantes ! ». Chez Plumeau, oui ! Elles se complaisent dans leur cangue, les sottes ! Se déguisent en statues. Y a plus que les vieillardes qui obstinent, vaille que vaille, à porter bas et slip, les chéries, qu’à force on va finir par loucher sur leurs chefs-d’œuvre en péril, s’exciter la rétine sur leurs soldes défraîchis, les regarder sortir de bagnole, même, nom de Dieu ! On prendra goût aux flasques Carabosses, je vous annonce, mes gourdes ! et ce sera tant pis pour vous !

Vous moisirez dans vos panties. Et à force de jouer les Jeanne d’Arc en armure vous finirez par rester pucelles !

Je vous disais que l’escalade tire-bouchonneuse sur les talons de Rebecca ça me rémoustille le compteur bleu. Elle a des jambes sublimes depuis leur source jusqu’à leur delta. Et toujours ce valseur dont le balancement m’a fasciné dès notre première rencontre. Chez les frangines, y a toujours un trac qui d’emblée t’accapare l’attention. Chez les unes c’est un strabisme, chez d’autres la bouche ou bien leur érudition, leur manière de cuisiner ou d’appartenir au jury du prix Fémina.

Ben, chez Rebecca, sans conteste, c’est son mignon dargiflet qui m’a branché. J’enrage à l’idée que c’est la grosse Nini qui en a l’usufruit. Filer ce bijou rare à ce mannequin de chez Olida, c’est une vraie agression contre la nature et les bons sens.

On déboule sur la terrasse. J’exclame d’admiration car le spectacle est presque aussi féerique que le baigneur à Rebecca. Notre-Dame illuminée, le Panthéon, la chapelle Sixteen, et puis les toits de Paname à l’infini. Ses cheminées en cortège pétrifié. Un vrai bonheur pour la rétine de l’artiste que je suis.

— N’est-ce pas que c’est beau ! renchérit la jeune fille (car mon silence est éloquent).

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1

Vraiment, je me fais pas mes compliments ; mais c'est indépendant de ma volonté. Chaque fois que j'essaie de me retenir, je fais de l'occlusion intestinale.

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2

Comme me le faisait remarquer naguère une jeune femme qui m'est chère, un Vasarely, c'est pas que c'est difficile à confectionner, mais faut du temps.