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Quelques bous joueurs de bombarde.

A côté d'elle marchaient son frère Pierre d'Arc, robuste soldat lui aussi, et son écuyer d'Aulon qui portait sa bannière particulière, semée de fleurs de lys et ornée de peintures.

— Et bien, messire La Hire, nous nous arrêtons?

— Pour ouïr des nouvelles de Compiègne, répondit La Hire, Flavy est toujours le capitaine vaillant que nous avons vu; soldats et bourgeois combattent de leur mieux, mais cola fait toujours peu d'hommes de guerre aux remparts,

— C'est vrai, dit Bonvarlet, mais je ne suis plus incpaiet, messire, si vous y venez avec la vaillante .lehanne, avec messire Pothon de Xaintrailles.

— Les assiégeants sont nombreux, les Bourguignons ont rejoint les Anglais, ils veulent la ville, fit Xaintrailles la mine soucieuse, et nous avons peu de gens à mener à la rescousse contre l'armée du comte d'Arundel et du duc de

J irai voir mes bons amis de Compiègne.

Bourgogne, nous ferions peut-être bien d'attendre à Crépy d'avoir réuni plus de monde.

— Bah ! nous avons cinquante lances, trois cents bonnes épées, quelques arbalètes, plus quelques gaillards qui sont bons joueurs de bombardes et couleuvrines et qui l'ont bien prouvé au siège d'Orléaiis.

— Juste comme messire de Flavy en réclame pour le rempart, fit Bonvarlet.

— En roule.

— Tous de vaillantes gens qui n'ont pas voulu laisser rouiller leurs épées dans l'inaction de l'autre côté de la Loire, s'écria Jehanne, et qui viennent de bon cœur au combat, les Anglais l'ont vu hier à Lagny. On nous promettait défaite et trahison, et vous voyez, la déroute a été pour l'ennemi, comme à Beaugency, comme à Pata3..

— Oui, c'est assez pour donner bon aide à ceux de Compiègne, acheva La Hire en faisant sonner son gantelet sur son genou, un jour de repos k Crépy pour laisser souffler hommes et chevaux et ensuite nous boutons en avant!

— C'est dit. Pour moi, après-demain, déclara Jehanne, quoi qu'il arrive, j'irai voir mes bons amis de Compiègne...

— Et nous tombons sur l'Anglais. Allez votre chemin, maître Bonvarlet, continua La Ilire tout bas, et aussitôt à Compiègne, prévenez Flavy qu'à l'aube d'après-demain nous arrivons par la forêt et que tout soit prêt pour l'attaque.

— Que Dieu vous garde! fît Bonvarlet d'une voix grave en levant son bonnet.

Déjà la petite troupe reprenait sa marche, le groupe des chevaliers, avec Jehanne au milieu, s'éloignait dans un bruit de fer froissé, d'épées frappant sur les jambards des hommes, sur les bardes des chevaux. On entendait en avant quelques voix de soldats qui reprenaient une chanson pour égayer un peu la marche en cette journée maussade et pluvieuse.

Sons lo liastioii de la Vierga

II ne pleuvait plus et la nuit était belle. Lorsqu'une éclaircie se produisait dans les masses de nuages tourbillonnant et roulant dans le ciel, poussée par le vent, la lune apparaissait éclairant la ligne des remparts de Com-piègne, du côté tourné vers la forêt près de la porte Pierre-fonds, sous une grosse tour en forme de trèfle qui défendait un saillant de l'enceinte. Cette grosse tour, d'aspect très particulier, s'appelait le bastillon de la Vierge, en raison d'une statue placée à la pointe du trèfle, au-dessus des créneaux.

La forêt qui venait alors presque jusqu'aux murs de la ville, masse sombre aux profondeurs mystérieuses, semblait dans la nuit hostile et menaçante.

Ce n'était pas alors la belle forêt aménagée aux trois derniers siècles, percée dans tous les sens de routes innombrables et de larges avenues que nous connaissons. Cette forêt de Guise ou de Compiègne formait un immense territoire sauvage, à peine traversé par quelques mauvais chemins, comme l'antique voie romaine dite chaussée Brunehaut, les chemins de Senlis, de Crépy et de Pierrefonds ; ici fourré impénétrable coupé de gorges profondes, de sombres ravins où venaient se perdre des cours d'eau, ailleurs futaies séculaires autour des étangs, filés majestueuses de grands hêtres, chênaies aux arbres formidables étendant leurs grandes branches tordues, cavernes de feuillage où les mystères druidiques avaient été célébrés, taillis enchevêtrés, antres broussailleux habités par toutes les bêtes fauves, où le loup avait son repaire, le sanglier sa bauge, où les bardes de cerfs et de biches passaient sous la protection de vieux mâles farouches aux bois immenses.

Dans cet enchevêtrement très peu pénétrable, il y avait pourtant çà et là en des clairières difficiles à découvrir, des hameaux de bûcherons reliés par des sentiers, des monastères enfoncés dans le silence de quelque vallon perdu, des postes fortifiés pour les sergents forestiers chargés de la garde et juridiction dans l'immense domaine; mais depuis les soixante années de guerre qui ravageaient le Valois, savait-on ce que la forêt recelait de dangers dans ses profondeurs? Où étaient bûcherons et forestiers? Quelques prieurés et ermitages avaient été ruinés, les nonnes de l'abbaye de Saint-Jean-aux-Bois devaient trembler derrière leurs murailles, ou s'étaient réfugiées dans la cité de Comsâ.

gi

piègne, remplacées ^^^ peut-ôtre par quelque bande

de brigands.

Cependant depuis un mois déjà que la ville de Conipiègne était assiégée, le côté du rempart en face de la forêt demeurait libre. Les assiégeants ne tenaient que la rive droite de l'Oise et n'aventuraient de l'autre côté que des partis de batteurs d'estrade qui se risquaient peu en foret. Depuis'un mois la ville faisait bonne défense, mais les forces ennemies augmentaient tous les jours; sentant qu'elle était la clef de l'Ile-de-France, Anglais et Bourguignons avaient décidé de l'avoir à tout prix. Ils tenaientJNoyon, ainsi , , ., , .. que toutes les places d'alentour, et le château de Choisy, à une lieue de Compiègne, venait de tomber

entre leurs mains; ils allaient donc pousser le siège avec vigueur. En attendant un secours des troupes que Jelianne d'Arc, la Hire et Xaintrailles essayaient de réunir, les gens de Compiègne se montraient pleins de résolution.

Dans les taillis à l'extrémité de la forêt, un homme à figure hâve, auxvêtements déguenillés, boueux et sanglants,

Dans les ruiii'

s'avançait à grands pas, le corps penché en avant, avec des marques d'extrême fatigue, en s'appuyant sur un énorme bâton, massue plutôt, terminé par un marteau de fer. C'était Jehan des Torgnoles dans un assez triste état. Presque sans repos depuis la nuit précédente, il errait dans les bois entre Senlis et Compiègne, tantôt poursuivant, courant derrière les routiers avec l'espoir d'empêcher le malheureux Jacques Bonvarletde tomber entre leurs mains, tantôt poursuivi lui-même et traqué dans les halliers.

Comme il succombait à la fatigue et à la faim, il avait pu, dans le courant de la journée, en fouillant les ruines d'une ferme brûlée tout récemment par les Anglais de Creil, dénicher un morceau de lard encore accroché dans la cheminée, (irâceà cette bonne aubaine il avait repris quelques forces et retrouvé la lucidité de son esprit troublé par la fièvre de sa blessure, l'extrême tension de ses nerfs et la violente excitation de toutes ces courses éperdues et anxieuses.