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Je l'ai abandonné pour me consacrer à Marie-Jo qui venait de sortir sa plaque et la considérait en silence. Le spectacle était pathétique. Marie-Jo baignait dans un nuage de particules lumineuses qui voltigeaient dans un rayon de soleil ronflant à une fenêtre. Sa lèvre inférieure tremblait légèrement.

J'ai regardé Francis Fenwick, pensant que nous allions partager ce moment d'émotion et de recueillement, mais va te faire foutre, il n'avait pas l'intention de me lâcher aussi facilement. Il paraissait très tendu. Comme s'il s'était mis à fumer du crack à son tour.

«Où étais-tu pendant qu'elle avait besoin de toi? Hein, où traînais-tu au juste?»

Quel coup bas, vous imaginez? D'une brutalité inouïe. J'en ai titubé sur place.

«Non, Francis, je vous en prie, a murmuré Marie-Jo.

– Non, Francis? Et pourquoi, non, Francis? a-t-il rétorqué en me fusillant du regard. De la faute à qui, tout ça? J'écoute. Qui était occupé à flanquer le feu dans les rues au lieu de faire son boulot? Devinez qui. J'écoute.»

Là, il me faisait très mal. Un instant, j'ai eu l'impression que tout vacillait autour de moi tandis qu'une affreuse mélancolie venait se nicher dans ma poitrine et broyait mon cœur. Un instant, j'ai cru que la nuit était tombée.

Marie-Jo a baissé la tête. Je me suis pris la mâchoire dans une main pour examiner la situation.

Pendant ce temps-là, Francis Fenwick continuait sur sa lancée et abordait un autre sujet fort sensible, celui de ma vie privée dont il critiquait la perversité et les alliances contre nature.

«Et tu vois où ça nous mène? a-t-il conclu en m'agitant sous le nez ce que je supposais être ma convocation pour le conseil de discipline. Tu vois ce que tu as fait? Tu vois à quoi ça conduit?»

Nous nous sommes empoignés et nous nous sommes battus comme des chiens. Je l'avais annoncé. Nous avons renversé des chaises et roulé sous les bureaux. Je l'aurais tué. Malgré mon muscle déchiré qui me brûlait l'épaule.

Puis, avant que les choses ne se compliquent vraiment pour moi, j'ai attrapé les poignées du fauteuil de Marie-Jo et nous avons filé en vitesse.

Je me revois franchir avec appréhension la volée de marches qui nous séparait du trottoir, avec Marie-Jo qui se cramponnait courageusement à ses accoudoirs sans prononcer un seul mot.

Et comme j'ai couru jusqu'au prochain carrefour avant de reprendre mon souffle. Comme les passants s'écartaient.

«Hou là là. Tu as commis une grosse bêtise, a soupiré Marie-Jo. Tu vas t'en mordre les doigts.»

Nous nous sommes engagés dans une rue ombragée.

«C'est dur de quitter la police», elle me dit.

Je grimace en me tenant l'épaule.

«C'est dur, Nathan, de ne plus être avec toi. C'est vraiment dur», qu'elle me dit.

Philippe Djian

***