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— Laisse ton adjudant s’en charger, Johnnie. Je veux que tu dormes un peu.

— Mais, capitaine…

— Etends-toi. C’est un ordre. Prépare-toi à dormir… Un, deux, trois… Johnnie !

— Capitaine, avec votre permission, je souhaiterais aller inspecter mes postes d’écoute d’abord. Ensuite, je dormirai, si vous me l’ordonnez. Mais pour l’instant, j’aimerais mieux rester éveillé parce que…

Blackie éclata de rire.

— Fiston !… Tu viens de dormir pendant une heure et dix minutes !

— Capitaine ?

— Regarde l’heure… (C’est ce que je fis. Et je me sentis plutôt stupide.) Tu es bien réveillé, Johnnie ?

— Oui, capitaine. Je le pense.

— Bon. Les choses ont bougé. Réveille tes nombres impairs et fais dormir tes nombres pairs. Avec un peu de chance, ils auront droit à une heure de sommeil… Inspecte tes postes et rappelle-moi.

Je commençai ma ronde sans un mot à l’adresse de mon adjudant de section. Je lui en voulais autant qu’à Blackie.

Après avoir inspecté les postes 3 et 1 (pas le moindre son, et tous deux étaient à l’avant de la zone occupée par les Punaises) je me sentis un peu plus rassuré.

J’appelai :

— Adjudant ?

— Oui, monsieur Rico ?

— Voulez-vous faire un petit somme avec les nombres pairs ? Je vous réveillerai une ou deux minutes avant eux.

Il hésita une seconde, puis :

— Mon lieutenant, j’aimerais inspecter moi-même les postes d’écoute.

— Vous ne l’avez pas déjà fait ?

— Non, mon lieutenant. J’ai dormi pendant une heure.

— Comment ?

D’un ton embarrassé, il me répondit :

— C’était un ordre du capitaine. Il m’a fait remplacer par Brumby et m’a fait dormir après que je vous ai eu relevé.

Je faillis répondre, puis je ne pus m’empêcher de rire.

— Vous voulez que je vous dise, adjudant ? Vous et moi, nous ferions mieux de retourner nous coucher. C’est le capitaine Blackie qui commande cette section. Nous n’avons rien à y faire.

— Mon lieutenant… J’ai cru comprendre que le capitaine avait toujours ses raisons.

Je hochai la tête, oubliant que j’étais à plus de vingt kilomètres de mon interlocuteur.

— Oui. C’est vrai. Il a toujours ses raisons… Et puisqu’il nous a envoyés nous coucher tous les deux, c’est qu’il nous veut bien éveillés et en forme maintenant.

— Je pense que c’est exactement ça.

— Euh… Et pourquoi, selon vous ?

— Monsieur Rico, dit-il lentement, si le capitaine le savait, je crois qu’il nous le dirait. Jamais il n’a gardé un renseignement pour lui. Mais, quelquefois, il fait certaines choses sans pouvoir les expliquer. Il a des intuitions… et j’ai appris à les respecter.

— Vraiment ? Adjudant… Les chefs de peloton sont tous des nombres pairs. Ils dorment.

— Oui, mon lieutenant.

— Alertez les caporaux de chaque peloton. Nous n’éveillons encore personne pour l’instant mais, quand il faudra le faire, chaque fraction de seconde comptera.

— Vu, mon lieutenant !

J’inspectai le dernier poste avant, puis ceux qui couvraient la cité des Punaises. Je devais prendre sérieusement sur moi pour écouter parce que, voyez-vous, on les entendait distinctement. C’était comme un bavardage incessant, là-bas, dans les profondeurs. Et ça vous donnait une terrible envie de courir et de ne plus entendre. Mais c’était bien la dernière chose à faire.

Je me demandai si ce « senseur spatial » n’était après tout qu’un homme à l’ouïe particulièrement sensible…

En tout cas, les Punaises se trouvaient bien là où il avait dit qu’elles étaient. A l’E.E.O., on nous avait fait entendre des enregistrements et les quatre postes d’écoute transmettaient des sons correspondant à une importante cité. Une espèce de pépiement, entre autres, qui était sans doute leur langage. Mais avaient-elles besoin d’un langage si elles étaient contrôlées en permanence par les cerveaux ? Et un bruissement, aussi. Comme des feuilles et des branches sèches sous les pas. Et puis un son aigu, une sorte de sifflement que l’on capte toujours à proximité des colonies et qui doit correspondre à une machinerie. Peut-être à leur système d’aération…

Mais je ne percevais pas le bruit caractéristique que font les Punaises en forant la roche.

Au-dessus du « boulevard », les sons étaient encore différents. Il y avait surtout un vrombissement qui se transformait de temps en temps en un grondement sourd. On aurait dit que des centaines de véhicules circulaient là-dessous. Au poste 5, j’eus une idée… et je la vérifiai en plaçant un homme à chacun des quatre autres postes. Ils criaient Top ! chaque fois que le grondement s’intensifiait.

— Capitaine !

— Oui, Johnnie ?

— La circulation sur ce boulevard ne se fait que dans un sens. Elle va vers vous, par rapport à moi. La vitesse est à peu près de cent quatre-vingts kilomètres à l’heure. Un élément toutes les minutes.

— C’est à peu près ça, Johnnie… J’ai calculé cent soixante-dix kilomètres et cinquante-huit secondes.

— Oh, dis-je, plutôt dépité. (Je changeai de sujet :) Aucune trace de cette compagnie de sapeurs, capitaine.

— Ils ne viendront pas. Ils sont tombés sur un point chaud à l’arrière du secteur des « Chasseurs de Têtes ». Désolé, Johnnie, j’aurais dû te le dire. Rien d’autre ?

— Non, capitaine.

Je me sentais mieux. Même Blackie pouvait oublier certains détails importants. Et mon idée n’était pas mauvaise.

Je quittai la zone du boulevard pour inspecter le poste 12, à droite et en retrait de la zone des Punaises.

Là, comme ailleurs, il y avait quatre hommes. Deux étaient endormis, un à l’écoute, l’autre en sentinelle.

— Rien ? demandai-je à la sentinelle.

— Non, rien, mon lieutenant.

L’homme d’écoute, qui était l’une de mes recrues, leva la tête à cet instant :

— Monsieur Rico… je crois qu’il se passe quelque chose.

— Voyons ça…

Je m’avançai et je pris les écouteurs.

Du bacon frit ! Un bruit assourdissant !

— Alerte première section ! Debout ! Debout ! Au rapport !

Je passai du circuit général au circuit des officiers.

— Capitaine ! Capitaine Blackstone ! Alerte !

— Du calme, Johnnie ! Fais ton rapport.

— Bacon frit ! (Je luttais désespérément pour conserver un ton calme :) Poste 12. Coordonnées Easter 9 de Carré Noir Un !

— Easter 9… Décibels ?

En hâte, je jetai un coup d’œil à l’enregistreur.

— Je ne sais pas, capitaine. Supérieur au maximum ! On dirait qu’elles sont sous mes bottes !

— Merveilleux ! lança Blackie. C’est la meilleure nouvelle de la journée ! Ecoute-moi bien, fiston : réveille tes bonshommes…

— C’est fait, capitaine !

— Très bien. Fais rappliquer deux hommes vers le poste 12. Qu’ils essaient de déterminer le point d’émergence des Punaises. Et dégage de ce coin ! Tu m’entends ?

— Je vous entends, capitaine… mais je ne comprends pas.

Il soupira.

— Johnnie, tu vas me donner des cheveux blancs… Ecoute-moi bien : nous voulons qu’elles sortent, qu’elles se montrent. Plus il y en aura, mieux ça vaudra. Tu n’as pas de quoi les contenir, sinon en faisant sauter leur tunnel… et ça, tu ne dois le faire en aucun cas ! Si elles sortent en force, même un régiment n’arrivera pas à les repousser. C’est ce que veut le général, tu comprends ? Il a des armes lourdes en orbite qui n’attendent que cette occasion… Alors, tu te contentes de me repérer cette sortie, tu te replies et tu observes. Si elles sortent dans ton secteur, tu auras droit à tous les galons de l’armée. Alors, reste en vie. Tu saisis ?