Выбрать главу

— Capitaine Blackstone… répondez !

J’essayais de repérer sa balise, mais l’horizon était limité par les collines de Carré Noir Deux.

— Adjudant ! Pouvez-vous me relayer avec le capitaine ?

A cet instant précis, la balise de mon adjudant de section disparut.

Je fonçai dans sa direction. Je n’avais pas surveillé mon écran assez attentivement. Mon adjudant avait pris la section en main pendant que j’étais aux prises avec les Punaises.

Je repérai Brumby et Cunha, leurs chefs de pelotons et les patrouilleurs de groupes.

— Cunha ! Où est mon adjudant de section ?

— En reconnaissance dans un trou, mon lieutenant.

— Dites-lui que je rejoins. (Je changeai de circuit sans attendre confirmation.) Première section à deuxième section ! Répondez !

— Que voulez-vous ? grommela le lieutenant Koroshen.

— Je n’arrive pas à avoir le capitaine.

— Impossible.

— Mort ?

— Non. Il n’a plus de jus.

— Oh… Alors, c’est vous qui commandez la compagnie ?

— Ouais, ouais, ouais… Et alors ? Vous avez besoin de secours ?

— Non… Non, mon lieutenant.

— Alors fermez-la. On a assez de boulot comme ça.

— O.K. !

Et moi aussi, je venais de découvrir que j’avais du boulot. Sur mon écran, un par un, je voyais disparaître les hommes de mon premier groupe. La balise de Brumby s’était éteinte en premier.

— Cunha ! Cunha ! Qu’arrive-t-il au premier groupe ?

— Ils suivent l’adjudant de section, mon lieutenant.

S’il y a quelque chose dans le règlement qui justifie cela, j’aimerais qu’on me le montre. Est-ce que Brumby avait agi sans ordres ? Ou bien n’avais-je rien entendu ? Mais il était déjà dans un trou de Punaises, invisible, hors de portée. Ce n’était pas le moment de décider si oui ou non il était en faute. On aurait le temps d’éclaircir tout ça demain – si demain venait jamais.

— Très bien, Cunha. Je suis revenu. Au rapport !

Mon dernier saut venait de me ramener au milieu des hommes. Il y avait une Punaise juste sur ma droite et je l’abattis avant de toucher le sol. Cette fois, ça n’était pas une ouvrière. Elle avait réussi à faire feu avant de mourir.

— J’ai perdu trois hommes, dit Cunha d’une voix haletante. Je ne connais pas les pertes de Brumby. Les Punaises sont sorties par trois trous. Mais, maintenant, on les repousse.

Juste à la seconde où je sautais, une terrible onde de choc me fit vaciller. Trois minutes et trente-sept secondes… Disons cinquante kilomètres de distance… Est-ce que nos sapeurs étaient en train de « poser leurs bouchons » ?

— Attention, premier groupe ! Préparez-vous au choc !

Je me posai tant bien que mal, au milieu de trois ou quatre Punaises. Elles n’étaient pas mortes mais elles ne se battaient pas. Elles bougeaient, c’est tout. Je leur larguai une grenade avant de sauter.

— Allez-y ! Elles sont groggy ! Et attention à ce…

Le choc, justement, m’interrompit. Mais il n’était pas aussi violent que le premier.

— Cunha ! Rappelez votre groupe ! Faites-les grouiller ! On nettoie le coin !

Le rappel fut désordonné et lent. En visuel, je pouvais compter les pertes. Mais le nettoyage fut rapide et précis. Je progressais sur les flancs et je descendis une bonne demi-douzaine de Punaises. Les dernières se mirent en mouvement à peine une seconde avant que je les grille. L’onde de choc semblait les avoir touchées plus sérieusement que nous. Pourquoi ? Parce qu’elles ne portaient pas de scaphandre ? Ou bien parce que leurs grands cerveaux eux-mêmes, quelque part dans les profondeurs, avaient été secoués ?

Je fis le compte des effectifs. Dix-neuf hommes valides, deux morts, deux blessés, plus trois hommes dont les scaphandres ne répondaient plus. Pour deux d’entre eux, Navarre s’en tira en récupérant les piles des scaphandres des morts. Le troisième n’avait plus ni radio ni radar et il était irréparable. Navarre assigna l’homme à la garde des blessés. C’était le maximum que nous pouvions faire pour lui.

En compagnie de Cunha, j’allai reconnaître les trous que les Punaises avaient empruntés. D’après la carte, ils correspondaient aux endroits où le tunnel était le plus proche de la surface. Ce que n’importe qui aurait pu deviner.

Un trou était obturé par un amas de rochers. Aucun signe d’activité ennemie dans le second. Je donnai l’ordre à Cunha d’y placer un caporal et un soldat. Ils devaient fermer le trou avec une bombe si les Punaises revenaient en trop grand nombre. D’accord, l’Amiral du Ciel, là-haut, avait décidé que les trous ne devaient pas être bouchés, mais moi, j’avais une situation entre les mains, pas une théorie.

Et je me penchai sur le troisième trou, celui qui avait avalé mon adjudant avec la moitié de la section.

Sur quinze mètres, et à environ six mètres de profondeur, un couloir s’était effondré. Le toit rocheux avait disparu et les bords du trou étaient inclinés et rainurés. La carte expliquait ce qui s’était produit. Les deux autres trous étaient à l’extrémité de tunnels étroits, alors que celui-ci devait appartenir au labyrinthe principal. Sans doute les deux trous mineurs avaient-ils fait partie du plan de diversion, l’attaque principale ayant été menée à partir de celui-ci.

Ces satanées Punaises pouvaient-elles voir à travers la roche ?

D’où je me trouvais, je ne distinguais aucun signe de vie. Ni Punaise ni homme. Cunha me désigna la direction prise par le deuxième groupe. Mon adjudant de section avait maintenant disparu depuis sept minutes et quarante secondes. Mon regard fouillait les ténèbres et j’avais l’estomac serré.

— Adjudant Cunha, dis-je, rassemblez votre groupe. (J’essayais de paraître confiant.) Si vous avez besoin d’aide, appelez le lieutenant Koroshen.

— Des ordres, mon lieutenant ?

— Non, aucun. A moins que vous en receviez d’en haut. Je vais essayer de descendre là-dedans et de retrouver le deuxième groupe. Nous n’aurons plus de contact pour un moment.

Et je sautai sans attendre, parce que mes nerfs commençaient à flancher.

Et, derrière moi, j’entendis :

— Rassemblement ! Premier peloton ! Deuxième peloton ! Troisième peloton ! Suivez-moi !

Et Cunha sauta. Derrière moi.

Et je me suis presque senti moins seul.

Je demandai à Cunha de laisser deux hommes en arrière. Un à l’entrée du tunnel, l’autre en surface. Et je pris la tête, fonçant aussi vite que possible à la poursuite du deuxième groupe. Le « possible » était limité par la voûte du tunnel, qui était juste au-dessus de nos casques. En scaphandre propulsé, un homme arrive à se déplacer selon une espèce de glissement, en levant à peine les pieds. Mais je pense que, sans scaphandre, nous aurions pu courir plus vite.

Immédiatement, il fallut utiliser les lunettes infrarouges. Ce qui nous confirma la théorie selon laquelle les Punaises voyaient dans la gamme infrarouge. Avec les lunettes, le tunnel apparaissait parfaitement éclairé. Le sol était plan, les parois lisses et luisantes.

Nous avons alors atteint une intersection et je me suis arrêté. Il existait pas mal de théories sur le combat souterrain mais leurs auteurs n’avaient jamais eu l’occasion de les mettre à l’épreuve. Jusqu’à l’Opération Reine, nul n’était jamais revenu des profondeurs pour faire un rapport comparatif sur les diverses tactiques.

L’une de ces tactiques préconisait de placer une sentinelle à chaque intersection. Comme celle-ci. Mais nous nous étions déjà privés de deux hommes pour garder l’orifice du tunnel. En laissant 10 pour cent de nos forces à chaque intersection, nous n’aurions plus que la mort comme diviseur.