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C’est à ce moment que j’ai décidé que nous ne devions pas nous séparer ni nous laisser capturer. Pas par les Punaises.

J’ai examiné les deux tunnels. Pas trace de Punaises. J’ai appelé, sur le circuit des sous-officiers :

— Brumby !

Le résultat fut stupéfiant. En surface, vous entendez à peine votre propre voix, mais là, dans ce réseau de tunnels de roche lisse, ma voix éclata dans mes oreilles comme si le labyrinthe tout entier n’était qu’un immense amplificateur.

BRRRUMMMBBYY !

J’en restai étourdi une seconde. Puis j’entendis :

— MONSIEUEUR RIIICCOOO !

— Moins fort, Brumby. (J’essayais de parler très bas.) Où êtes-vous ?

— Je ne sais pas, mon lieutenant. On est perdus.

— Ne vous en faites pas. Nous arrivons. Vous n’êtes plus très loin. Est-ce que l’adjudant est avec vous ?

— Non, mon lieutenant. Nous ne l’avons…

— Ça va. (Je passai sur le circuit privé.) Adjudant ?

— Je vous entends, mon lieutenant. (Sa voix était calme et il parlait bas.) Brumby et moi, nous sommes en contact radio mais nous ne sommes pas parvenus à nous retrouver.

— Où êtes-vous, adjudant ?

Il eut une demi-seconde d’hésitation.

— Mon lieutenant, je vous conseille de rejoindre le groupe de Brumby et de regagner la surface.

— Répondez à ma question !

— Monsieur Rico… vous pourriez passer une semaine ici sans réussir à me trouver… Et je ne peux pas bouger. Il faut…

— Suffit, adjudant ! Etes-vous blessé ?

— Non, mon lieutenant, mais…

— Alors, pourquoi ne pouvez-vous pas bouger ? A cause des Punaises ?

— Il y en a des tas. Elles ne peuvent pas m’atteindre… mais je ne peux pas sortir non plus. Je pense donc que vous…

— Adjudant, vous perdez du temps ! Je suis certain que vous savez exactement quelle direction vous avez prise. J’ai la carte. Donnez-moi une lecture vernier. C’est un ordre. Exécution !

Il s’exécuta. Avec précision. Avec concision. J’allumai la lampe de mon casque et vérifiai sur la carte.

— Ça va. Vous êtes juste en dessous, à peu près à deux niveaux. Je sais où il faut tourner. Tenez bon.

Je changeai de circuit.

— Brumby ?

— Oui, mon lieutenant.

— A la première intersection, vous êtes allé tout droit ou bien avez-vous tourné à droite ou à gauche ?

— Je suis allé tout droit, mon lieutenant.

— O.K. Cunha, allons-y. Brumby, avez-vous eu des ennuis avec les Punaises ?

— C’est à cause d’elles que nous nous sommes perdus, mon lieutenant. On a été accrochés par toute une bande… Après, on ne savait plus où on était.

J’ai failli lui demander quelles étaient les pertes, mais les mauvaises nouvelles pouvaient attendre. Je voulais d’abord retrouver mon peloton et ficher le camp. Cette cité Punaises sans Punaises était encore plus horrible. Brumby nous guida aux deux intersections suivantes et je lançai des bombes-entraves dans les couloirs que nous n’empruntions pas. Les bombes-entraves étaient une amélioration par rapport au gaz que nous avions utilisé auparavant. Elles ne tuaient pas. Elles étaient seulement incapacitantes.

Dans un long segment de tunnel, je perdis le contact radio avec Brumby. Sans doute un effet de réflexion des ondes, parce que je l’entendis à nouveau à l’intersection suivante.

Mais là, il fut incapable de me dire quelle direction prendre. C’était dans ce secteur que les Punaises les avaient attaqués.

Et c’est là qu’elles nous attaquèrent.

Je ne sais pas d’où elles surgirent. L’instant d’avant, tout était calme et silencieux. Et puis, j’entendis le cri.

— Les Punaises ! LES PUNAISES !

C’était derrière moi, dans la colonne. Je me suis retourné. Elles étaient de tous côtés. Je pense que ces parois lisses n’étaient pas aussi épaisses que nous le croyions et que les Punaises étaient passées à travers. C’est la seule explication plausible à la soudaineté de leur attaque.

Impossible d’utiliser les lance-flammes ou les bombes. Nous nous serions entre-tués. Mais les Punaises n’avaient pas ce genre de scrupule. Il nous restait nos mains et nos pieds…

Ça ne dura sans doute pas plus d’une minute… Et puis… Et puis, il n’y eut plus que des fragments de Punaises épars sur le sol… et quatre de mes hommes.

L’un était l’adjudant Brumby. Mort. Pendant la bagarre, le deuxième groupe avait dû faire la jonction. Ils n’étaient sans doute pas loin. Le bruit les avait guidés.

Avec l’aide de Cunha, je vérifiai que les trois autres étaient également morts. Je reformai les deux groupes en un seul de quatre pelotons et la descente reprit.

Nous sommes tombés très vite sur les Punaises qui assiégeaient mon adjudant de section.

Cette fois, le combat fut encore plus rapide. Il m’avait dit à quoi nous attendre. Il avait capturé un « cerveau » et utilisait l’énorme corps boursouflé comme bouclier. Il ne pouvait pas faire un geste mais les Punaises ne pouvaient l’attaquer sans se suicider, puisqu’elles frapperaient le cerveau qui les commandait.

Nous n’avions pas le moindre handicap et nous avons attaqué sur leurs arrières.

Quelques secondes après, quand j’ai pu contempler l’horrible chose que tenait l’adjudant-chef, en dépit de nos pertes, j’ai éprouvé une joie farouche. Et puis, tout à coup, il y a eu ce bruit de bacon frit. La voûte du tunnel s’est effondrée et, en ce qui me concernait, ce fut la fin de l’Opération Reine.

J’étais dans un lit, sans doute à l’Ecole des Officiers, et j’avais fait un très long cauchemar rempli de Punaises. Mais non. Ce n’était pas l’E.E.O. J’étais dans la section sanitaire du transport Argonne. J’avais combattu avec ma section pendant douze heures.

J’étais un simple blessé parmi d’autres. Je souffrais d’un empoisonnement au protoxyde d’azote et d’une heure d’exposition aux radiations, plus quelques côtes brisées et un coup sur le crâne.

Il me fallut pas mal de temps pour obtenir tous les détails sur l’Opération Reine et quelques points demeurèrent obscurs. Par exemple, pour quelle raison Brumby avait-il conduit son groupe dans le labyrinthe. Il était mort, ainsi que Naidi. J’étais heureux qu’ils aient pu porter leurs galons tout neufs sur la planète P.

Je finis par savoir, par contre, pourquoi mon adjudant de section avait décidé d’explorer la cité des Punaises. Il avait entendu mon rapport au capitaine Blackstone, quand je m’étais aperçu que les Punaises qui sortaient en Easter 11 étaient toutes des ouvrières. Les Punaises qui sortaient dans son secteur étaient de véritables soldats et il en avait conclu (à juste titre et quelques minutes avant l’Etat-Major) que les Punaises tentaient une sortie désespérée, sinon elles n’auraient pas sacrifié leurs ouvrières uniquement pour détourner notre feu.

La contre-attaque opérée par les Punaises à partir de leur cité n’était pas aussi importante qu’on aurait pu le croire. Deuxième conclusion : l’ennemi ne disposait pas de réserves importantes. C’était donc le moment idéal pour tenter un coup dans les profondeurs et essayer de capturer une des « reines ». Il ne faut pas oublier que c’était l’objectif numéro 1 de l’Opération Reine.

Et l’adjudant avait réussi.

Pour la première section des « Blackies », c’était « mission accomplie ». Des centaines de sections avaient été engagées dans l’action et il y en avait bien peu qui pouvaient s’enorgueillir de ce rapport. Aucune « reine » n’avait été prise vivante mais nous détenions six cerveaux. Ils ne furent jamais échangés car ils ne vécurent pas assez longtemps. Mais les gars de la Guerre Psychologique avaient pu travailler sur des spécimens vivants et je pense que, sur ce plan, l’Opération Reine avait été un succès.