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Qui s’excuse s’accuse

Rappelons d’abord qu’on ne doit pas s’excuser soi-même mais prier autrui de bien vouloir accepter vos excuses. Faute évitée si l’on applique la maxime. Que nous dit-elle ? Qu’en s’excusant, on avoue avoir fait quelque chose de mal. Donc, si personne ne vous accuse, ne vous excusez surtout pas ! Elle est, en somme, assez immorale et n’incite guère à assumer ses propres responsabilités ; elle peut même encourager les moins scrupuleux à accuser les autres à leur place. Le proverbe a vraisemblablement gagné sa popularité grâce à sa rime riche (on peut même parler de paronymie, les deux mots étant presque homonymes). Il est employé dès le XIVe siècle dans le Mystère de la Passion d’Arnoul Gréban (v. 1425 — v. 1485) :

« D’autre part, vous avez mespris, car, quant meschant homme s’excuse et en s’excusant il s’accuse, c’est petite excusacion. »
(Vers 3464–3467.)

Excusatio non petita est accusatio manifesta (« L’excuse non demandée est une accusation manifeste ») en est la version latine.

Fi d’garce !

Interjection favorite de grand-père.

Fi n’a pas ici le sens que l’on trouve dans la simple interjection fi ! (ou fi donc !) qui marque le mépris, le dégoût ou le blâme, ces deux petites lettres équivalant à « C’est mal ! » ou « C’est honteux ! ». Ce fi-là est désuet et ne s’emploie plus guère que dans l’expression faire fi de, « dédaigner, ne pas tenir compte de ».

Dans Fi d’garce ! fi est l’altération de « fils » et aurait donc valeur d’insulte (« fils de garce ») si l’expression n’était pas, la plupart du temps, seulement employée pour dire l’étonnement ou l’admiration, notamment en saintongeais. Rappelons que garce, avant d’être un terme grossier et vulgaire appliqué à une femme débauchée, n’était considéré que comme le féminin de « garçon », ce qui, naguère, était encore le cas en Saintonge, Angoumois, Aunis et Gironde.

« Bonnes gens, écoutez la triste ritournelle Des amants errants en proie à leurs tourments. »

Au début de la Complainte des infidèles (musique de Mouloudji et paroles de Sacha Guitry), bonnes gens est synonyme de « braves gens ». C’est une formule destinée à attirer l’attention du bon peuple, comme dans le fameux appel médiéval qui conjugue le verbe ouïr : « Oyez, oyez, bonnes gens ! »

Bonnes gens, comme l’employait souvent grand-mère, n’avait guère cette signification. Comme le dit Pierre Jônain dans son Glossaire saintongeais (1869), c’est une « exclamation de bonne pitié » qui incite l’interlocuteur à se lamenter sur la triste nouvelle dont on discute.

« Savez-vous, bonnes gens, qu’elle est bien malade ! »

Très fréquente en Saintonge, cette exclamation prend souvent la forme locale bounes ghens (ou boun’ghens) dont le « h » note la prononciation aspirée du « g », typiquement charentaise.

Discuter le bout de gras

On peut, de la même façon, « tailler une bavette » (voir supra). Il n’est d’ailleurs pas exclu que l’une (discuter le bout de gras) soit issue de l’autre (« tailler une bavette ») car on dit aussi tailler le bout de gras. Si tel n’est pas le cas, l’origine de ce bout de gras est énigmatique. Mentionnons toutefois l’hypothèse pertinente qui fait de l’expression une traduction de l’anglais to chew the fat, littéralement « mâcher le gras », expression que le parler cockney substitue à to chat, « bavarder ». Rappelons comment les Cockneys (Londoniens issus de la classe ouvrière) se comprennent entre eux : ils remplacent un mot donné par une expression qui rime avec ce mot (on parle de rhyming slang). Ainsi stairs (« escaliers ») devient apples and pears (« pommes et poires »), mouth (« bouche ») est remplacé par north and south (« nord et sud »), etc.

En ce temps-là…

Jésus dit à ses disciples : « Vous m’avez cassé ma pipe ! »

et à ses apôtres : « Vous m’en paierez une autre ! »

En ce temps-là… Commencer une phrase par ces mots peut ne rien dire qui vaille. On s’attend en effet à des propos nostalgiques sur un passé à jamais enfui et qui était forcément meilleur qu’aujourd’hui, un discours plus ou moins triste, du genre Prévert/Kosma (« En ce temps-là la vie était plus belle / Et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui ») ou Trenet (« En ce temps-là, nous vivions ensemble. / En ce temps-là l’amour nous aimait. »). Bref, des paroles à vous flanquer le bourdon et qui se concluent inévitablement par « C’était le bon temps ! ». Alors, quand quelqu’un commençait son laïus par En ce temps-là, mon mécréant de grand-père l’interrompait net et, se mettant à paraphraser les Évangiles, faisait un facétieux distinguo entre disciples et apôtres pour se fendre d’un petit blasphème : « En ce temps-là… Jésus dit à ses disciples : “Vous m’avez cassé ma pipe !” et à ses apôtres : “Vous m’en paierez une autre !” »

Pas de ça, Lisette !

Quand grand-mère nous surprenait à faire quelque bêtise (les exemples sont trop nombreux pour n’en choisir qu’un), elle y mettait bon ordre en s’écriant : « Pas de ça, Lisette ! », ce qui était dissuasif sans être aussi péremptoire que « Je t’interdis de faire ça ! ». La terminaison rigolote de ce mignon prénom féminin adoucissait l’injonction. Comme Cosette, Louisette ou Suzette, Lisette avait des airs de soubrettes ou de cousettes qui nous faisaient cesser nos bêtes amusettes.

Richelet (1680) nous dit que Lisette est un « nom de femme dont on se sert dans les chansons et dans les épigrammes ». Le prénom connut un succès aux XVIIe et XVIIIe siècles qui le fit adopter par bien des auteurs, notamment Marivaux qui, dans plusieurs pièces, l’applique tour à tour à une servante, une suivante, la maîtresse d’Arlequin ou une paysanne délurée qui n’a pas sa langue dans sa poche (La Double inconstance, Le Prince travesti, Le Dénouement imprévu, La Seconde Surprise de l’amour, Le Jeu de l’amour et du hasard, L’École des mères, L’Heureux Stratagème, La Méprise, etc.). Pas de ça, Lisette ! ressemble à une réplique (réelle ou imaginée) de comédie ou de vaudeville, devenue en tout cas très populaire. Lorédan Larchey (1861) prétend qu’il s’agit d’une « formule négative due sans doute à la vogue de cette chanson connue : Non ! non ! vous n’êtes plus Lisette », mais cette chanson de Béranger (1780–1857) est, de toute évidence, bien postérieure à la locution.