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L’organisation des

universités médiévales

Les étudiants sont jeunes — de quatorze à vingt ans —, nombreux — plusieurs milliers au XVe s. dans les grandes universités

— et répartis en groupes linguistiques et nationaux.

On distingue les facultés des « arts »

(arts libéraux), qui constituent l’enseignement secondaire, et l’enseignement supé-

rieur. Rien n’est moins systématique que la répartition de ce dernier : chaque université est spécialisée dans une branche.

On va à Paris pour les arts et la théologie, à Montpellier pour la médecine, à Bologne pour l’enseignement juridique.

Les statuts aussi sont différents selon les villes. À Bologne, au Moyen Âge, les étudiants gouvernent ; à Paris, les écoliers sont associés au pouvoir, mais les maîtres en ont la réalité.

Procureurs, recteurs, doyens, chanceliers sont élus ; quant aux maîtres, ils sont choisis par leurs pairs.

L’évolution de la pensée

médiévale

Les « fondateurs du Moyen Âge »

y Boèce (v. 480-524). Le philosophe de l’Antiquité ayant exercé la plus forte influence sur le développement de la science médiévale fut un grand personnage de la cour du roi goth Théodoric : Boèce. C’est à travers lui que se perpétua la tradition de la philosophie antique : jusqu’au XIIIe s., on ne connaîtra la logique qu’à travers les traductions qu’il fit de l’Organon d’Aristote*. Son ambition, héritée du néo-platonisme, était de concilier Platon* et Aristote. Cela ne va pas, semble-t-il, sans quelque incohérence (c’est ainsi que, à propos du problème des universaux, tantôt, commentant Aristote, il tint pour impossible que les idées générales soient des substances séparées des choses sensibles, tantôt il soutint l’existence d’un monde intelligible de nature platonicienne...), mais explique aussi l’importance de son influence, certains médiévaux retenant l’aspect aristotélicien, d’autres l’aspect platonicien de son oeuvre. Dignitaire de la Cour, il fut accusé de conspiration, dépossédé de ses biens et emprisonné. C’est avant d’être exécuté, et pour affermir son âme devant le supplice, qu’il composa son oeuvre la plus connue, d’inspiration platonicienne, De conso-latione philosophiae (De la consolation de la philosophie). De style très soigné, l’ouvrage connut un immense succès, et il eut d’innombrables imi-

tations (dans des circonstances, heureusement, la plupart du temps, moins dramatiques). Bien que le De conso-latione ne contienne aucune référence à l’Écriture, il semble que l’on ne puisse mettre en doute les convictions chrétiennes de Boèce, à qui on attribue cinq traités théologiques.

y Cassiodore (v. 480 - v. 575). Il a, tout comme Boèce, exercé une activité politique sous Théodoric ; mais ce fut un érudit plus qu’un philosophe.

Il assura la conservation de la culture classique et patriotique, notamment en rassemblant une riche bibliothèque dans son monastère de Vivarium en Calabre. Quant à son oeuvre, Institutiones divinarum et humanarum lectionum (les Institutions des lettres divines et séculières), c’est une sorte d’encyclopédie qui contient une introduction à la théologie et à l’Écriture sainte ainsi qu’un précis des sept arts libéraux.

y Isidore de Séville (v. 560-636). Cet archevêque espagnol rassembla toute la science de son temps dans ses Ety-mologiae (Étymologies). Il y reprend l’idée familière à l’Antiquité selon laquelle les noms, loin d’avoir été arbitrairement choisis, reflètent la nature des choses : on sait par exemple presque tout de l’essence de l’homme quand on s’avise que son nom vient de la terre, homo ex humo... Les mé-

diévaux, adeptes de cette conception, répétèrent de génération en génération cette masse d’étymologies le plus souvent fantaisistes.

Le problème des

universaux

Le fameux problème, familier à toute la pensée du Moyen Âge, était le suivant : les genres et les espèces sont-ils des réalités subsistantes par elles-mêmes ou bien n’ont-ils d’existence que dans l’esprit qui les conçoit ? Par-delà la formulation un peu technique et abstraite, on peut voir dans ce problème l’effort de la pensée mé-

diévale pour confronter les deux sources fondamentales de l’Antiquité : Platon et Aristote.

La renaissance carolingienne

En dehors d’Alcuin et de ses disciples

— Frédégis († 834) en France, Raban Maur (v. 780-856) en Allemagne —, un « penseur génial » caractérise cette époque : Jean Scot* Érigène. D’origine irlandaise, il arriva à la cour de Charles II le Chauve vers 846 pour enseigner. Ses premières oeuvres sont des commentaires et des traductions (notamment ceux de la Hiérarchie cé-

leste du pseudo-Denys l’Aréopagite).

Son penchant le porte irrésistiblement vers les textes grecs. Son De divisione naturae (De la division de la nature, 865) traité en cinq livres, est son oeuvre capitale. L’ouvrage est plusieurs fois condamné par l’Église. C’est que Jean Scot place si haut la raison qu’il lui subordonne l’autorité des Pères. Pour lui, d’ailleurs, il ne saurait y avoir de véritable conflit entre l’une et l’autre : toute cloison est abolie entre philosophie et religion. Mais de l’affirmation de saint Augustin* : « La vraie philosophie n’est autre que la vraie religion, et, réciproquement, la vraie religion n’est autre que la vraie philosophie », il retient surtout la seconde partie : la philosophie est la voie royale d’accès au ciel... Son instrument en est la dialectique, qui procède de l’un au multiple, et réciproquement.

Aucun disciple ne lui est, même de loin, comparable, mais son influence est perceptible, en particulier dans l’école monastique d’Auxerre (dont les deux représentants principaux sont Heiric [841 - v. 876] et Rémi

[† v. 908]).

La dialectique chez Jean

Scot Érigène

Dans De la division de la nature, la dialectique est d’abord un procédé de la pensée qui permet de considérer l’univers soit

« divisé », comme le titre l’indique, c’est-

à-dire multiple, soit un, puisqu’on peut ramener à l’unité la division fondamentale du Créateur et de la créature. Mais, selon une vision grandiose et beaucoup plus moderne, elle est aussi, en quelque sorte, une réalité historique. Elle se réalise dans l’Histoire sainte. La division s’introduit dans la créature de Dieu (l’homme) par le

péché. L’apparition du corps est le terme extrême de la descente. Le mouvement de réunification est constitué par le retour de l’homme à sa nature originelle ; il est préfiguré par l’incarnation du Verbe, qui annonce la remontée universelle de la fin des temps, quand le corps lui-même rede-viendra esprit et que la nature humaine sera finalement totalement transportée en Dieu. Ainsi, l’enfer lui-même se résorberait finalement au sein de la divinité...

Le XIe siècle

Le XIe s. est dominé par la personnalité de saint Anselme*. Dans la lignée d’Augustin et de Jean Scot, Anselme associe étroitement foi et raison. Mais il insiste particulièrement sur le rôle de phare, de lumière que joue la foi :

« Fides quaerens intellectum », dit-il (la foi cherchant l’intelligence). On ne cherche pas à comprendre pour croire, mais on croit pour comprendre. Le point de départ de la connaissance n’est pas entièrement rationnel, il est élan ; son point d’arrivée, qui est amour de Dieu, ne l’est pas non plus.

L’argument ontologique

C’est l’argument unique du livre de saint Anselme, le Proslogium. La tradition philosophique l’a appelé argument « ontologique ». Il consiste à déduire l’existence de Dieu de son essence. Il est évident que Dieu est l’Être tel qu’on n’en peut penser de plus grand ; si cet être existait seulement dans l’intelligence et non pas dans la réalité, il serait possible de penser un autre être qui : aurait toutes les perfections du premier, avec, en plus, celle d’exister dans la réalité ; ce second être serait donc plus grand que celui dont on a dit qu’on n’en peut concevoir de plus grand, ce qui est absurde ; en conséquence, l’être dont on ne peut concevoir de plus grand existe dans la réalité, et c’est Dieu.