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Un moine de Marmoutier, Gaunilon, ob-jecta qu’il n’est pas d’une saine méthode de déduire l’existence de l’essence... Critique profonde que Kant*, plus tard, adres-sera à Descartes*.

La renaissance du XIIe siècle

C’est une réactivation de l’héritage culturel de l’Antiquité, un peu à la façon qui sera celle du XVIe s.

y Elle est accomplie tout d’abord par l’école de Chartres* déjà célèbre au XIe s. sous l’évêque Fulbert et où s’illustrent : Bernard de Chartres, pédagogue remarquable (écolâtre de downloadModeText.vue.download 6 sur 625

La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14

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1114 à 1119, puis chancelier de 1119

à 1126) ; Gilbert de La Porrée, théologien subtil (chancelier de 1126 à 1140) ; surtout Thierry de Chartres (chancelier de 1142 à 1150), qui ac-cède au platonisme par l’intermédiaire de Boèce et, au-delà, au pythagorisme (il mêle la science du nombre et les considérations métaphysiques, créant une sorte de pythagorisme chrétien, qui, à sa manière, est un effort d’intellection de la foi comme chez saint Anselme) ; Guillaume de Conches

(v. 1080 - av. 1154) et son disciple Jean de Salisbury (v. 1115-1180) enseignent également à Chartres à partir des textes de Platon, de Sénèque, de Boèce.

y Abélard*. Sans en avoir fait partie, Abélard se rattache à l’école de Chartres par ses positions dans les controverses d’alors. Dans la querelle des universaux, notamment contre les positions réalistes de Guillaume de Champeaux, il affirme son « nomina-lisme », soutenant que les idées géné-

rales sont de purs « noms » et n’ont pas de réalité en dehors de l’esprit qui les conçoit.

y Il faut également signaler l’école contemporaine de celle de Chartres, fondée à Paris en 1108 par Guillaume de Champeaux (milieu du XIe s. -

1121) dans l’abbaye des chanoines augustins de Saint-Victor où s’illustre notamment Hugues de Saint-Victor

(fin du XIe s. - 1141).

y Saint Bernard*, abbé de Clair-

vaux, et les Cisterciens* prêchent au contraire le retour à la simplicité de l’Évangile ; Guillaume de Saint-Thierry (v. 1085-1148) est, cependant, imbu de culture classique, comme

beaucoup de moines cisterciens.

y Vers la même époque prêche un illuminé, le Calabrais Joachim de Flore (v. 1130-1202). Il annonce un « troisième âge » qui prendrait le relais des âges de l’Ancien et du Nouveau Testament, et qui serait l’âge du Saint-Esprit, dans lequel la lettre de l’Évangile se verrait dépassée par l’intelligence spirituelle. Beaucoup d’esprits sont séduits par cette « folie ».

y Les sentences. C’est également au XIIe s. que prend naissance un genre littéraire, les recueils de sentences. Il s’agit de morceaux choisis des Pères, groupés non selon l’ordre de succession de la Bible, mais selon un plan doctrinal destiné à réduire les divergences de la Tradition. Le « Maître des sentences », à cette époque, est Pierre Lombard (v. 1100-1160).

Le XIIIe siècle

Deux nouveautés sociologiques importantes donnent une nouvelle forme à la pensée : la création des universités et la découverte d’Aristote, dont on ne connaît que les oeuvres logiques.

C’est seulement au XIIIe s. que Robert Grosseteste (v. 1168 ou 1175-1253), et surtout, sur la demande de saint Thomas d’Aquin, Guillaume de Moerbeke (1215-1286) traduisent directement le texte grec des traités relevant de la métaphysique et de la philosophie naturelle. Par le biais de l’aristoté-

lisme, les hommes du XIIIe s. ont accès aux philosophies extérieures au monde latin, arabes (Avicenne*, Averroès*) et juives (Maimonide*).

À l’université d’Oxford, l’helléniste Robert Grosseteste fait montre d’une curiosité surtout scientifique. Son disciple Roger Bacon* jette les bases de la science expérimentale.

Réagissant contre cette vague d’aristotélisme, saint Bonaventure*, dans son Itinerarium mentis ad Deum (Itinéraire de l’esprit vers Dieu, 1259), reproduit fidèlement la dialectique ascendante augustinienne. Au cinquième degré de l’élévation, il cite une formule provenant d’une compilation ancienne : Dieu est « comme une sphère intelligible

dont le centre est partout et la circonférence nulle part », formule que l’on retrouvera chez Pascal*.

Saint Albert* le Grand, dominicain, sera le maître de saint Thomas. Il ne réussit pas tout à fait à organiser l’immense somme de connaissances qu’il avait emmagasinée (cultures grecque, arabe, juive).

Mais c’est bien sûr saint Thomas*

d’Aquin, le « Doctor angelicus », qui domine par sa personnalité le XIIIe s.

et, peut-on dire, toute la philosophie médiévale (v. thomisme).

L’enseignement

scolastique

La scolastique est fondée sur la compré-

hension des textes faisant autorité. L’analyse grammaticale et sémantique est suivie d’une interprétation symbolique et morale.

Pratiquement, l’enseignement est donc une lecture commentée, suivie d’une discussion ; le maître est chargé de faire la synthèse finale.

De cette scolastique, la postérité retiendra surtout les dangers et les déviations.

La sclérose sera en fait assez tardive. Elle surviendra comme fruit du dogmatisme et d’une piété mystique qui mettra fin à la problématique centrale des penseurs médiévaux, en interdisant toute tentative de conciliation entre la raison et la foi.

Mais il ne faut pas oublier qu’auparavant la scolastique a été l’instrument de clarification de la pensée médiévale : saint Thomas* d’Aquin, Roger Bacon*, Guillaume* d’Occam, Jean Buridan, autant de « maîtres » d’universités dont la pensée prit forme en son sein.

La fin du Moyen Âge

À la fin du XIIIe s. se développe l’averroïsme sous forme d’un culte sans réserve de l’aristotélisme : Siger de Brabant (v. 1235-1281) affirme l’éternité du monde et le retour éternel.

Condamné par l’Église, il doit quitter son enseignement et va mourir en Italie.

Le Catalan Raymond Lulle* lutte contre l’averroïsme ; mais, surtout, il constitue contre la logique aristotélicienne, certes excellente pour démontrer, mais impuissante à inventer, un

« ars inveniendi » (art d’inventer), sorte d’algèbre théologique dont le maniement doit conduire tout homme aux grandes vérités chrétiennes.

Le XIVe s. se ressent de la dureté des temps (guerre de Cent Ans). On le connaît d’ailleurs moins bien que les précédents.

Le franciscain écossais Duns*

Scot mérite sa réputation de « Doctor subtilis » par une pensée profondément originale : ainsi affirme-t-il, à l’encontre du thomisme, que l’intelligence humaine possède un mode de connaissance intuitive, par lequel elle atteint les êtres concrets et singuliers, à commencer par le sujet connaissant lui-même.

Maître Eckart*, dominicain alle-

mand, est un étrange personnage.

Hegel* et Schopenhauer* le tiennent pour l’ancêtre de leur système. D’après les vingt-huit propositions condamnées en 1329 par le pape Jean XXII, ce « chevalier de l’erreur » aurait professé l’éternité du monde, proscrit le regret du péché, la prière de demande, le souci des oeuvres extérieures.

Guillaume* d’Occam, franciscain

anglais, a, lui aussi, maille à partir avec le pape Jean XXII. Il demeure célèbre par un principe d’économie de la pensée que l’on a appelé le rasoir d’Occam : selon lui, il ne faut pas poser une pluralité sans y être contraint par une nécessité venant de la Raison, de l’ex-périence ou de l’autorité de l’Écriture ou de l’Église. Cette méthode lui fera résoudre le problème des universaux en niant que les idées générales aient une existence séparée ou même soient en puissance dans le sensible ; l’universel, pour lui, n’est qu’un signe, celui d’une pluralité de choses singulières.