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Sans commentaire.

La carte du haut, maintenant. Celle de l’objectif à atteindre.

– La Justice, j’annonce.

– Équilibre et harmonie seront au rendez-vous, continue ma mère. Mais tu devras assumer ton passé, agir avec logique et rigueur, sans jamais dépasser les limites.

La dernière, tout en bas.

La conclusion.

– Le Monde…

– C’est génial, mon chéri ! s’exclame ma mère. Ta réussite sera totale ! Ton œuvre grandiose et reconnue. Quelles que soient les épreuves qui t’attendent, tu te donneras les moyens d’en sortir vainqueur.

Elle ne croit pas si bien dire. J’ai triché en choisissant la dernière carte !

L’avenir sera ce que j’en ferai et je ne laisserai personne – surtout pas une carte – me dire le contraire.

Brouillon d’une lettre de Jasper à mademoiselle Rose, écrite trois semaines après les événements ayant conduit à la destruction de la rue du Horla, et commentée machinalement lors de sa rédaction.

Chère Mademoiselle Rose,

Je vous remercie beaucoup pour le mot que vous avez eu la gentillesse de m’envoyer. Votre temps est sûrement compté !

Je suis ravi que le miroir que j’ai retrouvé (oh, le menteur !) dans les décombres de l’immeuble (officiellement, un gros problème de gaz ; très pratique, le gaz, on peut le mettre à tous les étages) vous fasse autant plaisir. J’ignorais qu’il vous appartenait et que vous y teniez autant (menteur, menteur).

Je ne sais pas si vous vous plaisez dans votre bureau de Londres, mais ici, vous nous manquez.

Depuis que vous nous avez quittés pour prendre la direction de l’Association, en remplacement de Fulgence (officiellement en fuite, c’est devenu l’homme le plus traqué du monde ; je suis le seul à savoir qu’on ne l’attrapera jamais…), Walter est à la fois triste et détendu (à la faveur de confidences autour d’un verre de whisky - pour lui - et d’un café - pour moi - j’ai eu le fin mot de l’histoire : le Sphinx et lui étaient tous les deux amoureux de mademoiselle Rose ! Rose a refusé de choisir et ce non-choix a conduit chacun à se refermer sur lui-même…).

Nous parlons de vous souvent, dans les nouveaux locaux du Bureau parisien, installé au 9 de la rue Jilano.

Sous la direction de Walter (qui ne porte plus de cravate et qui s’est remis au sport !), la réorganisation de l’équipe s’est faite très naturellement. À ce propos, merci de nous avoir promus Agents titulaires (j’ai la réponse à ma question : on ne signe aucun renoncement à ses proches en devenant Agent…)!

Jules, en quelque sorte, a pris notre place. Il gère l’administratif (c’est grâce à lui que l’Association n’a pas implosé ; les images de l’attaque qu’il a enregistrées ont convaincu les différents Bureaux que Fulgence était un salaud - et, par voie de conséquence, que Walter et mademoiselle Rose étaient des héros. J’ai vérifié discrètement : Jules n’a rien filmé de compromettant pour moi ; je l’aurais vu tout de suite sur sa figure, trouillard comme il est !).

Nina recrute les Agents stagiaires (ce n’est plus ma copine, on est devenus amis ; elle a encore du mal à l’accepter mais c’est mieux comme ça : certains secrets sont terriblement lourds à porter et le poids du mien l’aurait écrasée…).

Quant à moi, j’ai récupéré ce que j’ai pu de l’ancienne armurerie pour reconstituer un arsenal digne de ce nom et je suis désormais sur le terrain. Quand je n’enseigne pas aux stagiaires les finesses de la sorcellerie et du combat rapproché, je patrouille en ville.

À ce sujet, mille fois merci pour la nomination du troll Erglug au rang d’Agent auxiliaire ! Depuis qu’il m’accompagne dans mes tournées, les Anormaux se tiennent hyper tranquilles (mon ami poilu adore son job, qui lui permet de distribuer de nombreuses baffes et de citer Hiéronymus à tout bout de champ).

Je suis content que vous ayez décidé de dissoudre la MAD (une enquête, à laquelle j’ai collaboré, a définitivement rendu la Milice responsable de la mort d’Ombe et du Sphinx. Lorsque j’ai récupéré Romuald et Lucile, passablement amochés, sur l’Île-aux-Oiseaux, ils n’ont fait aucune difficulté pour accepter une exfiltration vers le Nûr-Burzum ; ce que mon père leur a réservé, à eux et à Fulgence, je n’en sais rien et ne veux pas le savoir ; mais ce n’est sûrement pas pire…). À mon avis, une association secrète n’a pas besoin d’héberger une sous-association secrète !

J’ai retrouvé avec plaisir ma chambre et mes habitudes dans notre appartement de l’avenue Mauméjean. Ma mère essaye d’être là plus souvent (je ne lui ai rien dit au sujet de ma véritable nature ; les mots peuvent construire mais également détruire ; tout dire n’est pas forcément bon. Est-ce que je lui en veux de m’avoir si longtemps caché la vérité ? Pour être franc, je ne sais pas si je l’aime pour son silence ou malgré lui…). On gagne chaque jour en complicité. Elle m’apprend à faire le thé et à lire le tarot, j’ai réussi à l’intéresser à la cornemuse (j’ai dû m’en racheter une, ayant laissé la mienne aux trolls qui se sont découvert une passion pour cet instrument fin et léger).

J’ai également repris les cours (Jean-Lu est redevenu mon meilleur pote ; il faut dire qu’on a vécu ensemble le genre d’aventures qui rapprochent ! Je lui ai fait jurer le secret au sujet des lycans, et Arglaë a obtenu son adoption par le clan de l’Île-aux-Oiseaux). J’essaye d’avoir les meilleures notes possible pour me débarrasser du lycée et passer à autre chose.

Vous me redemandez, dans votre lettre, où j’avais disparu pendant que vous étiez dans l’immeuble, et ce qui s’est passé exactement lors de mon affrontement avec Fulgence.

Comme je vous l’ai déjà dit, je suis descendu dans l’armurerie à la recherche d’ingrédients (menteur…) et, en fouillant, j’ai trouvé un passage secret qui m’a conduit dehors. Mon intention était de vous venir en aide de l’extérieur (ça, par contre, c’est vrai). Je n’avais pas prévu que Fulgence tisse un sortilège d’exclusion autour du Horla ! Il m’a fallu du temps pour en venir à bout (Jasper…). Quand je suis revenu, l’immeuble était effondré et vous étiez sous une bulle de protection. J’ai préparé l’assaut contre Fulgence et ses hommes, en utilisant le Livre des Ombres d’un sorcier disparu, spécialiste des batailles entre magiciens (c’est nul mais je n’ai trouvé que ça). L’âpreté de l’affrontement nous a conduits hors du cratère. J’ai défait les mages et, quand Fulgence s’est retrouvé seul et qu’il a constaté que j’étais plus difficile à vaincre que prévu, il s’est enfui. Je n’ai pas trouvé la force de le poursuivre. Ensuite, je suis revenu vous aider puisque le sort qui vous protégeait vous immobilisait également (j’ai fait semblant d’avoir du mal à défaire l’enchantement, mais il m’a suffi de quelques mots de Parler Noir, murmurés discrètement, pour que la gourmette accepte de les libérer. Cette gourmette, donnée à Omb’r par notre père pour assurer sa protection quand elle était bébé, est à notre image : corps de métal humain et cœur d’essence démoniaque).

Ah ! j’entends la sonnerie de la porte d’entrée. C’est sûrement Nina. Elle vient me chercher. Ce soir, le groupe Alamanyar (constitué à présent et officiellement de Jean-Lu à la guitare, d’Arglaë à la basse, de Nina au chant et de moi à la cornemuse) joue aux Abattoirs, un lieu branché tenu par des vampires et sécurisé par des lycans (à la suite de leur grosse bagarre et après s’être bien défoulés, vampires et loups-garous ont conclu une trêve ; j’ai exigé un accord signé ; Nacelnik a un peu renâclé mais, après avoir perdu au bras de fer contre Erglug, il a accepté ; étrangement, Séverin s’est soumis tout de suite ; je crois qu’il a plus peur de moi que du troll… Quant au corps de la reine, je me suis occupé personnellement - et discrètement - de son inhumation aux côtés du Sphinx, dans le cimetière gardé par les arbres).