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— Très bien. » Geary indiqua l’hologramme d’un geste. « Quel est donc votre avis ?

— Je vous l’ai donné. Aller à Héradao.

— Et je vous ai répondu que je l’avais envisagé. »

Elle attendit vainement la suite puis secoua la tête. « Vous avez peur. J’ai vu votre peur grandir depuis Lakota et Cavalos. »

Geary la fixa, stupéfait d’entendre ces mots dans sa bouche. « Est-ce là l’avis qui devrait m’éclairer ? Pourquoi parlez-vous comme Numos ou Faresa ? »

Desjani s’empourpra de façon alarmante. « Ne vous aventurez pas à me comparer à ces deux personnages ! Capitaine. »

Geary s’efforça de réprimer sa fureur et il ravala une réponse cuisante. Desjani avait parfaitement le droit de se fâcher. Il n’aurait jamais dû sous-entendre qu’elle ressemblait à ces deux officiers. Ce n’était pas une intrigante, elle n’avait jamais remis en cause son commandement de la flotte et, en outre, c’était un excellent commandant de vaisseau. Tout cela en faisait quelqu’un de totalement différent d’un capitaine Numos aux arrêts ou de feu le capitaine Faresa. « Toutes mes excuses, répondit-il avec la roideur qui convenait. Mais pourquoi m’accuser d’avoir peur ?

— Je ne vous ai pas accusé. » Desjani faisait de visibles efforts pour maîtriser sa propre colère. « Je ne cherche pas à déterminer celui d’entre nous qui a les plus grosses gonades. Mais, en parlant avec vous et en vous observant, j’ai remarqué un changement subtil, qui s’amplifie depuis Cavalos. » Elle désigna l’hologramme d’un brusque signe de tête. « Depuis le jour où vous avez assumé le commandement de la flotte, vous avez toujours recouru, pour déstabiliser l’ennemi et remporter la victoire, à des tactiques tantôt hardies, tantôt prudentes. Selon ce que vous dicte votre instinct, à mon avis, car ni moi ni personne d’autre n’avons jamais pu discerner de schéma dans ce comportement. Mais j’en distingue un à présent, et il me souffle que vous avez peur. »

Si quelqu’un d’autre dans la flotte… un de ses adversaires notoires ou même Rione lui avait dit cela… Mais il s’agissait de Desjani. Il n’avait pas eu allié plus ferme, soutien plus solide et compétent dans la flotte depuis qu’il en avait pris le commandement. Elle avait foi en lui, au début parce qu’elle faisait partie de ceux qui le croyaient envoyé par les vivantes étoiles pour sauver la flotte et l’Alliance, certes, mais aussi, à présent, pour ce qu’elle avait affirmé voir en lui. Refuser de l’écouter serait de la stupidité crasse. Il prit deux profondes inspirations pour se calmer.

« Quel schéma ? »

Elle semblait elle aussi apaisée, et elle s’exprima avec détermination mais sans aucune véhémence : « Je me suis efforcée de voir par vos yeux de commandant de la flotte. Dans le système mère syndic et par la suite, les probabilités pour que la flotte parvienne à rentrer chez elle étaient très faibles. On prenait plus aisément des risques parce que toute ligne d’action comportait de sérieuses menaces. La prudence n’était pas fréquemment de mise parce qu’il fallait faire preuve de hardiesse et qu’une trop grande prudence aurait sans doute entraîné la destruction de la flotte. Mais nous sommes désormais proches de chez nous. » Elle montra la représentation de Dilawa puis sa main pivota pour indiquer l’espace de l’Alliance. « Si proches. Et courir des risques vous paraît désormais beaucoup plus dangereux dans la mesure où nous avons parcouru ce chemin contre toute attente, et qu’en en prenant conscience, comme de la faible distance qui nous sépare de notre destination, vous vous persuadez qu’il serait horrible d’avoir amené la flotte jusque-là pour la conduire maintenant à son anéantissement en commettant une énorme bévue.

— J’ai déjà fait de très grosses erreurs, objecta-t-il. Comme de la conduire à Lakota, par exemple…

— C’était un risque calculé et il a finalement payé ! Cavalos aussi en était un parce que nous aurions pu y tomber sur les Syndics, que ça s’est effectivement produit et que nous les avons battus. » Desjani serra le poing sans cesser de le regarder dans les yeux. « Nos pertes dans ces deux systèmes ont été les plus lourdes depuis que vous avez pris le commandement. Vous n’en êtes pas responsable. Tout autre commandant en chef de ma connaissance aurait perdu davantage de vaisseaux que vous dans ces combats et, par le fait, y aurait été vaincu. Ces pertes n’ont pas été vaines. Nous avons infligé de sérieux dommages aux Syndics et nous sommes près de chez nous. »

Les mots jaillirent du plus profond de son être : « Ni les bâtiments que nous avons perdus à Lakota et Cavalos ni leurs équipages ne rentreront jamais chez eux.

— Ils sont morts pour que leurs camarades survivent ! Ne réduisez pas à néant leur sacrifice en craignant à ce point de nouvelles pertes que vous finiriez par tout perdre ! Le temps des risques n’est pas révolu. Je peux comprendre que vous redoutiez d’échouer maintenant, après avoir conduit la flotte si loin, mais nous sommes toujours en territoire ennemi et la prudence excessive comporte un grand danger en soi. Vous ne pouvez gagner qu’en vous y efforçant, mais vous risquez de tout perdre en vous en abstenant. »

Elle marquait un point. Après tous ces succès, la crainte de l’échec l’aurait-elle effectivement poussé à éviter de prendre les risques qu’il savait nécessaires pour vaincre et survivre ? Geary fixa l’hologramme en s’efforçant de mettre de l’ordre dans ses pensées et de passer ses sentiments au crible. « Dois-je ou non suivre mon instinct, finalement ? demanda-t-il, autant pour lui-même que pour Desjani.

— Que vous souffle-t-il pour l’instant ?

— Que, si nous nous retrouvions de nouveau en mauvaise posture, les conséquences…

— Ça, ce sont vos appréhensions. Mais que vous dicte votre instinct ? »

Il croisa de nouveau son regard et se rendit compte qu’elle avait raison. « Héradao.

— Alors suivez-le. »

Geary exhala pesamment puis montra la situation de la flotte qu’affichait l’hologramme. « Tanya, vous connaissez aussi bien que moi l’état de la flotte. Il ne nous reste plus que vingt cuirassés, même en comptant l’Orion, et l’Orion semble bien décidé à vérifier quel délai exact exigent ses réparations. La flotte n’a plus que seize croiseurs de combat, dont le Courageux, l’Incroyable, l’Illustre et le Brillant, tout juste aptes au combat après les dommages subis à Cavalos. La division de cuirassés de reconnaissance est réduite à un seul vaisseau survivant, la flotte ne détient plus que quarante et un missiles spectres et quinze mines, et tous ses croiseurs et destroyers ont au moins un de leurs systèmes de combat rafistolé afin de leur permettre de rester opérationnels. En outre, les réserves de cellules d’énergie de tous les vaisseaux sont tombées à une malheureuse moyenne de cinquante-deux pour cent. Pas question d’engager une bataille. »

Au lieu de répondre immédiatement, Desjani tendit la main et passa en surbrillance le statut des quatre auxiliaires de la flotte. « Je sais que vous avez déjà vérifié. Gobelin, Sorcière, Djinn et Titan se décarcassent pour fabriquer ce dont la flotte a besoin pour continuer. Mais, depuis le début, tous leurs efforts ont échoué à nous faire gagner du terrain en terme de logistique, alors que nous devions constamment affronter des menaces en territoire syndic. En dépit de tous les risques que nous avons pris pour les ravitailler en minerais bruts, ils ne possèdent tout bonnement pas la capacité de pourvoir aux besoins de la flotte en cellules d’énergie et autres munitions dépensées lors des combats. Pas avec toutes les manœuvres exigées par vos tactiques. »