Elle arbore un beau sourire pour arbre de Noël, Nancy.
— Entrez et asseyez-vous, lui dis-je en accrochant subrepticement l’écriteau Do not disturb au pommeau extérieur de ma porte.
Elle obéit.
— Ouf ! fais-je (car j’ai de la conversation) en me laissant tomber auprès d’elle sur le canapé.
— Vous paraissez épuisé, note-t-elle.
— Ce n’est qu’apparent, je possède encore des ressources que vous ne soupçonnez pas. Si on prenait un drink pour conclure la journée ?
— Pourquoi pas ? J’aimerais un whisky-Coke plutôt léger.
Je fais droit à sa requête bien que je n’eusse jamais été préparateur en pharmacie. Moi, je m’octroie un gin-tonic fifty-fifty. On trinque.
Elle boit, puis demande :
— Vous êtes satisfait de vos visites ?
— Pas mal.
— Vous recherchez quoi, si ce n’est pas indiscret ?
— A reconstituer un passé de trente ans.
— C’est beaucoup !
— Oui et non : il reste encore des témoins.
Elle souhaiterait me questionner davantage, mais elle sait que dans sa profession il ne convient pas d’être curieux.
Quand elle a terminé son verre, elle le dépose sur la table basse.
— Quel est le programme de demain ?
— Je n’en sais encore rien, mais je peux vous indiquer celui de maintenant.
Avant qu’elle ne parle, je la prends dans mes bras et lui bouffe la gueule comme un sauvage.
Bien que tu sois un peu mou de la membrane, tu sais combien la fatigue stimule le désir. A peine ses nichebards me frottent-ils la poitrine que je me sens pousser, non pas des ailes, mais une tuyère grosse comme celle du lanceur « Ariane ».
Elle réfute pas, la Nancy. S’en ressent tellement pour ma pomme qu’elle fait l’impasse sur les petites rebufferies d’usage avant cession du fonds de commerce. C’est un oui franc et massif qu’elle me fait. La preuve : elle déboutonne elle-même sa veste de tailleur, puis l’ayant ôtée, procède de même avec son chemisier. Ses seins de bronze me jaillissent au visage. Tu parles d’un site à visiter ! Tu me verrais faire la brasse papillon au milieu de ces merveilles ! Ah ! je suis dans mon élément, ça je l’affirme très fort. Je m’en gnaf-gnaffe jusqu’aux oreilles.
N’ensuite de quoi, je la dévale avec la bouche. La jupe va rejoindre son complément supérieur sur le plancher et j’atteins la brousse équatoriale. Là, c’est pas pareil : faut s’expliquer avec son échinocactus, épineux mais gorgé d’eau comme préviennent les dicos. Les figues des Noirpiotes sont des figues de Barbarie, savoureuses, seulement faut savoir les éplucher avant de les déguster. Les poils de cul à ressort ne nous sont pas familiers à nous autres, pauvres et piètres Occidentaux habitués à brouter du soyeux. Mais la difficulté accroît le plaisir et quand tu as su vaincre le roncier de la chérie, ce qui se passe alors est plus exceptionnel qu’un requiem de Mozart. Ah ! le sublime breuvage, savoureux comme le lait de coco, si frais au sein du péricarpe garni de fibre !
Elle n’est pas accoutumée à ce traitement, Nancy ! Du chibre de zèbre, d’accord, mais un tel solo de tuba, c’est une grande première pour elle. La menteuse en tuile romaine à l’envers, puis ensuite en vrille, tel le pampre de la vigne, puis à plat et élargie au max, façon filet de limande, elle pouvait pas se douter, la merveilleuse ! Et moi, grand connétable de la minette chantée, tu imagines si je déploie mes dons ! Elle est pour ainsi dire en friche, cette chatte ! Toute une initiation à faire ! Heureusement que nous avons le temps. Je l’entreprends à larges traits, comme un peintre recouvre la toile avant de peindre vraiment. Et déjà ça l’enfolise, ma perle noire. Elle trémulse du valseur en exclamant de légers cris, mi de surprise, mi de plaisir.
Moi, je m’installe dans une posture durable, pas me mettre à ankyloser des postérieurs. Assis sur mes talons, tu vois ? Elle a ses mollets sur mes épaules et je les y maintiens pour pas qu’ils glissent. J’aurai besoin de mes mains un peu plus tard, mais rien ne presse. Une demi-heure de cette première phase, afin de ne pas bâcler. Ensuite je resserre mon propos, l’effectue de manière plus insistante, plus appuyée.
Alors, là, oh ! pardon : message reçu. Elle devient follingue, la miss ! C’est carrément la beuglante des savanes ! Des clameurs émises dans le dialecte de ses ancêtres d’Afrique et qui ont survécu à l’esclavage. T’as toujours un moment, chez l’homme, où l’hérédité ramène sa fraise, comme disait Henri III, reine de Pologne, puis de France et départements d’outre-mer.
Cette jouissance fortement exprimée en mangbetou me stimule les centres corrosifs. Le mangbetou est un magnifique dialecte qui fait songer un peu au bambara avec les sonorités du kwa, si tu vois ce que je veux dire ? Sauf que le « h » aspiré se prononce à l’envers, tu saisis ?
Nouvelle demi-heure pour la phase 2 ; c’est à partir de cet instant qu’il me faut récupérer ma main droite pour l’opération dite de la fourche Claudine (on prétend que c’est la grande Colette qui l’aurait inventée).
Cette fois, elle ne peut aller beaucoup plus loin, la Superbe. Alors c’est la pâmoison nègre avec youyous, agitation des mains, ce qui fait tintinnabuler ses bracelets d’argent riches en pendeloques, cambrement du dos, pédalage des jambes (j’en ai les oreilles chauffées au rouge). Un panard tout à fait exceptionnel. Après lequel elle se met à gésir sur le canapé, comme foudroyée par une décharge de ligne à haute tension.
J’en sais plusieurs milliers qui, à ma place, se diraient : « Et maintenant, à toi de jouer, Popaul ! » Ils enfourcheraient sans vergogne ni pitié cette exquise monture fourbue pour se dégager les voies respiratoires sud. La calceraient soudard, impétueusement et vitos afin de se mettre à jour au plus tôt, et puis retomberaient comme des cons sur la moquette, la zézette en compte-gouttes.
Mais la classe du Sana le retient d’animaler ainsi.
Au lieu de, il place la fabuleuse dans une position récamière, de repos. Lui baisote les tempes, ensuite les cabochons qu’elle a d’un brun foncé velouté. Pour finir, il pose sa joue sur le ventre plat de Nancy et, la queue toujours à l’équerre, éperdue de solitude insatisfaite, dodelinante et en cours de prélubrification, il glisse dans une somnolence proche de la volupté.
C’est doux, c’est tiède, c’est parfumé. J’aimerais écouter de la belle musique : le menuet de Boccherini ou l’ouverture de Fidelio de Beethoven, par exemple.
Moment ténu, impondérable, chuchotement du néant. Ma débande s’opère doucement, comme se ferme un volubilis à l’approche du soir.
Soufflés par l’aérateur, les voilages de la fenêtre produisent un imperceptible friselis.
Sublime !
7
LE SOULIER DE SAPIN[18]
Elle est partie tard dans la nuit. Je voulais la conserver avec moi, seulement elle tenait à rentrer, because la gamelle de son vieux papa.
Mais avant sa décarrade, on a fait trembler les montants de mon plumard, je te prie !
Il y a eu ce temps de récupération béni dont je t’ai fait un bref résumé dans l’excellent chapitre précédent. Qu’après quoi, j’ai renouvelé mes caresses expertes qui l’ont débusquée de sa léthargie, espère !
Cette fois, ce que je lui sers, c’est pas du réchauffé, c’est du Reichshoffen ! La Charge ! interprétée par la musique de la Garde républicaine sous la conduite du chef Radezobbinche. Passion, grandes orgues, amours ! Délices garanties.