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Dans la cellule d'à côté

On y fait couler la fontaine

IV

Que je m'ennuie entre ces murs tout nus

Et peints de couleurs pâles

Une mouche sur le papier à pas menus

Parcourt mes lignes inégales

Que deviendrai-je ô Dieu qui connais ma douleur

Toi qui me l'as donnée

Prends en pitié mes yeux sans larmes ma pâleur

Le bruit de ma chaise enchaînée

Et tous ces pauvres cœurs battant dans la prison

L'Amour qui m'accompagne

Prends en pitié surtout ma débile raison

Et ce désespoir qui me gagne

V

Que lentement passent les heures

Comme passe un enterrement

Tu pleureras l'heure où tu pleures

Qui passera trop vitement

Comme passent toutes les heures

VI

J'écoute les bruits de la ville

Et prisonnier sans horizon

Je ne vois rien qu'un ciel hostile

Et les murs nus de ma prison

Le jour s'en va voici que brûle

Une lampe dans la prison

Nous sommes seuls dans ma cellule

Belle clarté Chère raison

Septembre 1911.

Automne malade

Automne malade et adoré

Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies

Quand il aura neigé

Dans les vergers

Pauvre automne

Meurs en blancheur et en richesse

De neige et de fruits mûrs

Au fond du ciel

Des éperviers planent

Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines

Qui n'ont jamais aimé

Aux lisières lointaines

Les cerfs ont bramé

Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs

Les fruits tombant sans qu'on les cueille

Le vent et la forêt qui pleurent

Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille

Les feuilles

Qu'on foule

Un train

Qui roule

La vie

S'écoule

Hôtels

La chambre est veuve

Chacun pour soi

Présence neuve

On paye au mois

Le patron doute

Payera-t-on

Je tourne en route

Comme un toton

Le bruit des fiacres

Mon voisin laid

Qui fume un âcre

Tabac anglais

Ô La Vallière

Qui boite et rit

De mes prières

Table de nuit

Et tous ensemble

Dans cet hôtel

Savons la langue

Comme à Babel

Fermons nos Portes

À double tour

Chacun apporte

Son seul amour

Cors de chasse

Notre histoire est noble et tragique

Comme le masque d'un tyran

Nul drame hasardeux ou magique

Aucun détail indifférent

Ne rend notre amour pathétique

Et Thomas de Quincey buvant

L'opium poison doux et chaste

À sa pauvre Anne allait rêvant

Passons passons puisque tout passe

Je me retournerai souvent

Les souvenirs sont cors de chasse

Dont meurt le bruit parmi le vent

Vendémiaire

Hommes de l'avenir souvenez-vous de moi

Je vivais à l'époque où finissaient les rois

Tour à tour ils mouraient silencieux et tristes

Et trois fois courageux devenaient trismégistes

Que Paris était beau à la fin de septembre

Chaque nuit devenait une vigne où les pampres

Répandaient leur clarté sur la ville et là-haut

Astres mûrs becquetés par les ivres oiseaux

De ma gloire attendaient la vendange de l'aube

Un soir passant le long des quais déserts et sombres

En rentrant à Auteuil j'entendis une voix

Qui chantait gravement se taisant quelquefois

Pour que parvînt aussi sur les bords de la Seine

La plainte d'autres voix limpides et lointaines

Et j'écoutai longtemps tous ces chants et ces cris

Qu'éveillait dans la nuit la chanson de Paris

J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde

Venez toutes couler dans ma gorge profonde

Je vis alors que déjà ivre dans la vigne Paris

Vendangeait le raisin le plus doux de la terre

Ces grains miraculeux qui aux treilles chantèrent

Et Rennes répondit avec Quimper et Vannes

Nous voici ô Paris Nos maisons nos habitants

Ces grappes de nos sens qu'enfanta le soleil

Se sacrifient pour te désaltérer trop avide merveille

Nous t'apportons tous les cerveaux les cimetières les murailles

Ces berceaux pleins de cris que tu n'entendras pas

Et d'amont en aval nos pensées ô rivières

Les oreilles des écoles et nos mains rapprochées

Aux doigts allongés nos mains les clochers

Et nous t'apportons aussi cette souple raison

Que le mystère clôt comme une porte la maison

Ce mystère courtois de la galanterie

Ce mystère fatal fatal d'une autre vie

Double raison qui est au-delà de la beauté

Et que la Grèce n'a pas connue ni l'Orient

Double raison de la Bretagne où lame à lame

L'océan châtre peu à peu l'ancien continent

Et les villes du Nord répondirent gaiement

Ô Paris nous voici boissons vivantes

Les viriles cités où dégoisent et chantent

Les métalliques saints de nos saintes usines

Nos cheminées à ciel ouvert engrossent les nuées

Comme fit autrefois l'Ixion mécanique

Et nos mains innombrables

Usines manufactures fabriques mains

Où les ouvriers nus semblables à nos doigts

Fabriquent du réel à tant par heure

Nous te donnons tout cela

Et Lyon répondit tandis que les anges de Fourvières

Tissaient un ciel nouveau avec la soie des prières

Désaltère-toi Paris avec les divines paroles

Que mes lèvres le Rhône et la Saône murmurent

Toujours le même culte de sa mort renaissant

Divise ici les saints et fait pleuvoir le sang

Heureuse pluie ô gouttes tièdes ô douleur

Un enfant regarde les fenêtres s'ouvrir

Et des grappes de têtes à d'ivres oiseaux s'offrit

Les villes du Midi répondirent alors

Noble Paris seule raison qui vis encore

Qui fixes notre humeur selon ta destinée

Et toi qui te retires Méditerranée

Partagez-vous nos corps comme on rompt des hosties

Ces très hautes amours et leur danse orpheline

Deviendront ô Paris le vin pur que tu aimes

Et un râle infini qui venait de Sicile

Signifiait en battement d'ailes ces paroles

Les raisins de nos vignes on les a vendangés

Et ces grappes de morts dont les grains allongés

Ont la saveur du sang de la terre et du sel

Les voici pour ta soif ô Paris sous le ciel

Obscurci de nuées faméliques

Que caresse Ixion le créateur oblique

Et où naissent sur la mer tous les corbeaux d'Afrique

Ô raisins Et ces yeux ternes et en famille

L'avenir et la vie dans ces treilles s'ennuyent

Mais où est le regard lumineux des sirènes

Il trompa les marins qu'aimaient ces oiseaux-là

Il ne tournera plus sur l'écueil de Scylla

Où chantaient les trois voix suaves et sereines

Le détroit tout à coup avait changé de face

Visages de la chair de l'onde de tout

Ce que l'on peut imaginer

Vous n'êtes que des masques sur des faces masquées