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— Dobredin ! J’ai souvent entendu parler de vous. Vous étiez la bête noire du Premier Directorate. Que devient votre belle fiancée, Alexandra ?

Décidément le KGB avait de bons fichiers.

— Elle va bien, répliqua Malko, avec un petit pincement de cœur.

Il avait encore dû laisser la comtesse Alexandra entre les mains de play-boys aux intentions glauques. Hélas, le fidèle Krisantem ne pouvait quand même pas camper entre ses cuisses. Le Russe se pencha vers Malko, et dit sur le ton de la confidence :

— J’ai commandé de l’osciètre. Ici, il n’est pas trop cher. Pour vous ! ajouta-t-il. Effectivement, l’osciètre russe servi sur de la glace se révéla délicieux. Serguei Oulanov laissa Malko s’en régaler avant de se lancer dans le vif du sujet.

— Je sais que vous enquêtez sur le triple meurtre de la rue Lendvay, dit-il. J’ai pu avoir quelques informations. Les deux Tchétchènes abattus n’ont pas d’importance, ce sont des hommes de main. Il y en a une vingtaine qui traînent à Budapest et se louent au plus offrant. On les a tués pour ne pas laisser de témoins. Mais le troisième c’est différent. J’ai pu apprendre son nom : Stephan Sevchenko. Un Ukrainien, un petit voyou de Kiev. Il est arrivé ici dans le sillage de toute une mafia kirghize et ukrainienne. Surtout des macs et des spécialistes du racket. Des gens dangereux. Ils sont en train de s’emparer du contrôle de la prostitution à Budapest et de toutes les boîtes de strip-tease et de live-show.

— Les voyous locaux ne se défendent pas ? interrogea Malko.

L’officier du KGB nettoya soigneusement le bol de caviar, avant de laisser tomber :

— Ils ne sont pas de force. Il n’y a pas longtemps, les mafiosi russes voulaient s’emparer d’une boîte à putes, le Black and White. Les locaux ont renâclé. Le lendemain, Stephan venait tirer des rafales de Kalachnikov dans la porte, juste avant l’ouverture… Les Hongrois ne sont pas habitués à ces méthodes. Ce sont des doux.

— Et la police hongroise ?

Le Russe attendit que le garçon pose leur foie gras grillé devant eux.

— Elle est traumatisée, expliqua-t-il. Nous sommes restés trop longtemps chez eux. Ils nous haïssent, mais ils nous craignent encore.

— Alors ce Stephan, que savez-vous de lui ?

— Il travaillait pour un certain Karim Nazarbaiev. Un Kirghize. Celui-là, c’est un grand voyou, un vrai valioutniki[9], qui ferait n’importe quoi pour des dollars. Il est propriétaire de l’Eden, la plus grande disco de la ville, où il fait travailler une trentaine de filles qu’il a amenées avec lui du Kirghiztan. Je crois que le « Red Mercury », c’est lui.

Tout cela recoupait les informations du stringer de la CIA.

— Qu’est-ce qui vous le fait penser ? demanda Malko.

— Il a déjà escroqué des Libyens avec ça il y a quelques mois… Il a un conseiller technique soviétique et ce sont les Soviétiques — des gens du State Commitee — qui ont mis l’escroquerie du « Red Mercury » au point.

— Qui est ce conseiller ?

— Je ne peux pas vous le dire. C’est lui qui me renseigne. De toute façon cette affaire n’a aucun intérêt.

Il jeta un rapide coup d’œil à Malko avant de continuer, d’un ton en apparence badin :

— Ce n’est pas digne de vous. Alan Spencer aurait très bien pu traiter ce problème avec les Hongrois.

Visiblement, le rezident du KGB ne comprenait pas pourquoi un chef de mission de l’envergure de Malko venait perdre son temps pour une minable histoire de petits trafiquants. Alan Spencer s’était bien gardé de lui parler du plutonium 239. Le KGB et la CIA étaient maintenant des amis, mais il valait mieux garder ses petits secrets. Malko tenta de désarmer la curiosité du Russe.

— C’est vrai, admit-il, ce n’est pas une affaire passionnante, mais les gens de Langley se demandent si ce mafioso kirghize ne pourrait pas avoir accès à du matériel plus sensible. C’est ce que je suis chargé d’éclaircir.

L’officier du KGB haussa les épaules.

— Il s’en fout, il gagne assez d’argent avec les filles, le racket et les petits trafics. C’est un niekulturny[10].

Serguei Oulanov regarda sa montre et avala une ultime rasade de Johnnie Walker. Visiblement, il aurait bien emmené la bouteille…

— Il faut que je parte maintenant. Je vous laisse le numéro de ma ligne directe. Mais si vous m’appelez, ne donnez quand même pas votre nom.

Malko paya une fortune en forints et se prépara pour son rendez-vous suivant. Comment un petit voyou comme Karim le Kirghize avait-il pu se trouver en possession de plutonium 239 ?

* * *

Un soleil brûlant chauffait la vitre du penthouse d’Ishan Kambiz dominant la baie de Ipanema, du haut de ses dix-huit étages. Un appartement tout blanc avec quelques meubles anciens, livré clé en main par le célèbre décorateur Claude Dalle. Ishan Kambiz avait suivi l’exemple de plusieurs des plus grosses fortunes de Rio, également clientes du décorateur parisien.

L’Iranien ouvrit l’œil, envoya la main et caressa machinalement la croupe callipyge, d’une fermeté incroyable, de Linda, la jeune créature qui dormait sur le ventre à côté de lui. Seize ans, importée de Angra dos Reis à deux cents kilomètres au sud de Rio, garantie séronégative. Il passa délicatement un doigt entre les fesses café au lait et, docilement, dans son demi-sommeil, la fille ouvrit les cuisses. Réflexe conditionné d’une bonne salope tropicale.

Ishan Kambiz continuait son exploration quand un de ses quatre téléphones se mit à sonner. Le bleu. Très peu de gens possédaient ce numéro-là et il décrocha immédiatement.

— Ishan ?

Il reconnut instantanément la voix basse, un peu cassée de son interlocuteur et sa tension monta en flèche.

— Baleh[11].

— J’ai reçu ton compte rendu, dit Mehdi Chimran. Je ne comprends vraiment pas ce qui a pu se passer. Tout était arrangé.

— Je ne comprends pas non plus, admit Ishan Kambiz.

Nerveux. Même si Mehdi Chimran n’appelait pas de Téhéran, cette conversation risquait d’être interceptée par les « Grandes Oreilles » de la NSA américaine. Il avait intérêt à ne pas trop en dire. De toute façon, le rapport qu’il avait fait parvenir à Téhéran détaillait tout ce qui s’était passé. Il y eut un silence au bout du fil. Visiblement, Mehdi Chimran était perplexe lui aussi.

Réveillée par le téléphone et croyant bien faire, la jeune Brésilienne se retourna et enfourna dans sa bouche le sexe recroquevillé d’Ishan afin de lui redonner vie. Ce dernier l’écarta sèchement et lui fit signe de gagner la salle de bains. Ce qu’elle fit, en roulant des hanches d’une façon atrocement provocante. Elle ne perdait rien pour attendre, se dit-il. Mais même s’il n’y avait qu’une chance sur un million qu’elle saisisse le sens de sa conversation en farsi, il ne pouvait pas prendre le risque.

— J’ai parlé avec mon correspondant, annonça Mehdi Chimran, il ne comprend pas non plus.

Ishan Kambiz faillit lui dire que les Russes étaient de fieffés menteurs mais il ne voulait pas prononcer le mot « russe ». Il se contenta de laisser tomber :

— Il doit bien y avoir une explication.

— Il m’a promis de la découvrir, affirma Mehdi Chimran. Dès que la situation sera mûre de nouveau, il te fera prévenir par le canal habituel. Je compte sur toi pour mener les choses à bien. Tu ne vas pas pouvoir me joindre pendant quelques jours, je dois me faire opérer.

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9

Mafioso.

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10

Inculte.