Dans la, grande glace, Malko, entre deux rafales, admirait la courbe de sa croupe superbe, la masse de ses seins orgueilleux. Et puis, elle se mit à quatre pattes sur la mousse, la croupe saillante, et se retourna, les yeux presque vitreux de désir. Quand il s’enfonça en elle, elle hurla de plaisir, sa croupe se dressa encore plus, remuant frénétiquement comme pour se débarrasser du membre qui la transperçait. Mais quand Malko, involontairement, sortit de la fournaise, elle poussa un cri atroce comme si on l’avait martyrisée.
Il revint sur elle, maintenant cette fois ses hanches à deux mains. Elle avait pris le matelas à pleines dents pour ne pas hurler et regardait dans la glace, les yeux révulsés, Malko la prit par-derrière. Celui-ci avait l’impression de chevaucher un étalon. Il accéléra, sentant la sève monter de ses reins, elle fut agitée de spasmes frénétiques qui la soulevaient du sol.
Et quand elle jouit, ce fut le même hurlement que dans la voiture, en beaucoup plus fort… Après un dernier soubresaut, elle demeura aplatie sur la couche de mousse, Malko encore fiché en elle. Jusqu’à ce qu’elle s’ébroue et lui lance :
— J’ai tout de suite eu envie de toi, l’autre jour au Gerbaud. Tes yeux… Viens, maintenant j’ai à faire.
Elle se rhabilla aussi vite qu’elle s’était déshabillée. Malko commençait à comprendre pourquoi elle l’avait emmené dans cet endroit désert. Dans n’importe quel hôtel normal, ce genre de coït aurait déclenché une alerte d’incendie…
— Ce que c’est bon, soupira Zakra. C’est mon salaud de père qui m’a donné le goût des hommes. Quand j’avais quinze ans, il m’a violée. Je dormais, il faisait très chaud. J’ai cru qu’il venait me dire bonjour, mais il s’est couché sur mon dos de tout son long, comme pour jouer. Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur, il m’avait déjà planté sa grosse verge au milieu des fesses…
« Plus tard, à l’oreille, il m’a demandé pardon, il m’a dit que j’avais une croupe créée par Satan, pour perdre les hommes.
Mais trois jours plus tard, il est revenu. Peu à peu, j’en ai pris l’habitude. Après j’ai eu beaucoup d’hommes. Je les aime forts et bien membrés. Un de mes premiers amours travaillait dans un cirque comme athlète. Un jour, je me suis amusée à le faire jouir dans ma bouche pendant qu’il portait cinq hommes sur ses épaules, à l’entraînement. J’ai cru qu’il allait mourir de plaisir.
Tout en parlant, elle s’était remaquillée. Quel personnage ! A côté d’elle, la sulfureuse Mandy Brown, c’était sœur Theresa. Elle se retourna et demanda avec un sourire provocant :
— Maintenant que tu connais ma vie, veux-tu m’épouser ?
Malko scruta longuement les prunelles noires pour voir si Zakra plaisantait. Aussitôt, elle plongea la main dans sa poche, en sortit un passeport rouge ex-soviétique et le brandit devant Malko.
— Je suis de nouveau un être humain, annonça-t-elle triomphalement. J’ai récupéré mon passeport. Il y a eu des changements : le patron de Karim est arrivé et l’a viré. Maintenant, je fais partie de l’Organisation. Je ne crains plus personne.
— Bravo, fit Malko, mais… La Kirghize le coupa.
— C’est bien, mais pas suffisant. Je peux être expulsée de Hongrie en dix minutes, je ne veux plus vivre dans la peur. Avec ce chiffon de papier, je n’irai nulle part. Tu es autrichien, non ? Épouse-moi. Je ne t’ennuierai pas. Je te donne dix mille dollars et le droit de te servir de moi. Dès qu’il le faudra, nous divorcerons. A propos, tu n’es pas marié ?
— Non, avoua Malko.
Zakra eut un sourire triomphant.
— Donc il n’y a pas de problèmes ! Tu diras à tes amis que c’est de la blague. Juste du business. Et ensuite, je me débrouillerai toute seule.
Malko se voyait en train d’expliquer à Alexandra les subtilités du mariage blanc. Elle lui aurait arraché les yeux et les aurait gobés avant qu’il ait terminé sa phrase. Très chatte, Zakra vint se couler contre lui.
— Tu n’as pas envie de continuer à baiser avec moi ?
— Je vais réfléchir, promit Malko.
— Réfléchis vite, trancha Zakra. Maintenant tu m’attends ici, j’ai quelque chose à faire en haut. Je reviens et tu me donneras ta réponse.
Elle tourna les talons et disparut dans le couloir.
Cyrus et Ali attendaient dans une vieille Mercedes 300 stationnée à l’entrée de la rue Révész. Chacun un MP5 sur les genoux, dissimulé par un journal. Modérément rassurés. Le quartier ne leur disait rien et encore moins cette usine abandonnée. Ils s’attendaient à chaque seconde à voir surgir une meute de Tchétchènes qui ne feraient qu’une bouchée d’eux. Le grincement de la porte de l’usine les fit sursauter. L’apparition de Zakra acheva de les déstabiliser. Un peu déhanchée, les seins pointant orgueilleusement sous la robe rouge, les cuisses moulées de noir, la lourde ceinture pendant sur le ventre, les cheveux défaits, c’était la réincarnation des Houris gardant le paradis d’Allah.
Elle leur adressa un sourire dévastateur et pivota lentement sur elle-même, comme pour leur montrer qu’elle n’avait pas d’arme. Puis, d’un signe elle leur demanda de la rejoindre.
Les deux Iraniens se consultèrent du regard, inquiets, mais ils avaient des instructions impératives. Leur arme collée au corps, ils gagnèrent en courant l’usine désaffectée. Zakra avait reculé et, d’un coup d’œil, ils purent se rendre compte que le grand hall était vide, ce qui fit baisser leur tension. La Kirghize les contemplait d’un air ironique.
— Vous avez peur ? lança-t-elle.
— Pourquoi on aurait peur ? demanda Cyrus, déjà agressif.
Zakra allongea la main, relevant la manche de l’Iranien et découvrant la Rollex qu’il portait au poignet gauche.
— A cause de ça, dit-elle ; J’étais avec Stephan quand il l’a achetée. Maintenant, je connais les salauds qui l’ont tué.
Ali et Cyrus se figèrent, regardant machinalement autour d’eux, brusquement très nerveux.
— Nitchevo, continua la jeune Kirghize, aujourd’hui, j’ai seulement un message à vous transmettre.
Malko grimpait à pas de loup l’escalier rouillé menant du sous-sol au rez-de-chaussée, pistolet au poing. Sa tête effleura le niveau du hall et il aperçut trois paires de jambes. Celles de Zakra et deux blue-jeans. Le haut des corps était masqué par une poutrelle et il était trop loin pour entendre ce qui se disait.
Il grimpa les dernières marches et se mit à progresser, dissimulé par des piliers qui ne tenaient plus que par leur rouille. Il était si attentif à ne pas se montrer qu’il n’aperçut pas une tige d’acier tordue, attachée à un bout de ferraille. Quand il la heurta, elle fit un boucan du diable.
Il s’arrêta, tous les muscles bandés, entendit un cri bref :
— Inja ![12]
Aussitôt, le bruit saccadé d’une rafale d’arme automatique déchira le silence. Des projectiles ricochèrent dans tous les coins et Malko, prêt à riposter, essaya de se fondre dans son pilier. Apparemment, les interlocuteurs de la pulpeuse Kirghize étaient nerveux. Il risqua un œil et aperçut fugitivement un profil avec une tignasse noire bouclée. Un Moyen-Oriental.