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Des photos de Zakra avaient été prises à Budapest par des gens de la station, et diffusées aussitôt. Ses bagages examinés subrepticement, grâce aux Hongrois, n’avaient rien révélé, en dépit du passage à un compteur Geiger. Malko se demandait si finalement il ne faisait pas fausse route. Avant de partir, il avait eu le temps de découvrir le restaurant Semiramis, derrière le Parlement qui ressemblait à Westminster, juste en haut de la rue Aikotmàny. Un local minuscule où traînaient quelques Arabes. Ce serait pour le retour, s’il y avait un retour… Personne n’avait pu lui procurer une photo récente d’Ishan Kambiz. Sur celle que la CIA lui avait remise, l’Iranien ressemblait vaguement à Farouk, avec une couronne de cheveux noirs.

— Les passagers du vol pour Rio, embarquement immédiat, annonça le haut-parleur.

Malko aperçut la flamboyante chevelure rousse de sa « fiancée » et la laissa passer devant. Grâce aux amis de la CIA, on leur avait attribué en première des sièges voisins… Mais cela, elle l’ignorait encore.

Il attendit qu’elle ait disparu dans la passerelle pour entrer à son tour, salué par les hôtesses. La cabine des premières était à moitié vide. Il posa son attaché-case et s’assit à côté de Zakra qui regardait par le hublot. Sa présence lui fit tourner la tête et elle se trouva nez à nez avec lui. Il vit distinctement ses pupilles s’agrandir et sa mâchoire tomber. Muette de stupéfaction.

Malko se pencha vers elle et l’embrassa gentiment.

— Tu t’es trompée d’avion ! remarqua-t-il d’un ton léger. Avec celui-ci, tu n’arriveras jamais à Kiev.

La jeune Kirghize s’ébroua, avala sa salive et parvint à dire :

— Mais qu’est-ce que tu fais là ?

— Je ne pouvais plus me passer de toi, dit suavement Malko. Puisque nous allons nous marier, nous partons en voyage de noces.

Pour la première fois depuis leur rencontre, Malko vit la dure Kirghize déboussolée. Elle le regardait comme si c’était un fantôme. Lorsque l’hôtesse passa avec une bouteille de Moët, elle prit une coupe et l’avala d’un coup avant de demander d’une voix étranglée :

— Où vas-tu ?

— Comme toi, à Rio.

— A Rio ! Mais c’est impossible.

Il y avait quelque chose de plus que du refus dans le cri. Son regard vacillait. Malko réalisa soudain qu’elle exprimait un sentiment nouveau : la peur. Pourquoi ?

— Tu vas retrouver un homme ? demanda-t-il. Son regard, vrillé dans le sien, ne quittait pas les prunelles sombres. Elle se troubla.

— Oui. Non. Enfin, je ne peux pas te dire.

Sortie de son milieu naturel, elle ressemblait à une petite fille en dépit de sa tête de salope et de ses seins de bronze. Le 747 était en train de monter rapidement et ils se turent quelques instants, à cause du grondement des réacteurs. Malko avait décidé, plutôt que de la suivre en catimini, de l’attaquer directement. Il estimait avoir de bonnes chances de la « retourner ». Mais il lui manquait encore des éléments. Elle paraissait avoir repris son sang-froid. Presque pathétique, elle se tourna vers Malko et dit d’une voix posée :

— Écoute, je t’ai menti, c’est vrai, parce que c’est du business. Karim m’a chargée de faire quelque chose pour lui. Mais je ne dois en parler à personne.

— De la drogue ?

— Non, fit-elle. Je ne peux pas te le dire. Comment as-tu su que j’étais dans cet avion ? Et pourquoi es-tu venu ? Je croyais que tu avais du travail à Budapest.

— Pour le moment, je n’ai rien à faire. Et puisque je dois t’épouser, je voulais savoir ce que tu allais faire au Brésil.

Elle le regarda, soudain décontenancée.

— Qui es-tu ? Tu es dans le nàstaiashiî biznes toi aussi ?

Elle semblait sincèrement intriguée. Malko sauta sur l’occasion et dit mystérieusement :

— Oui, c’est un peu ça.

— Tu travailles pour qui ?

— Cela dépend, dit-il. Je suis un intermédiaire. Elle se retrouvait en terrain connu, bien que quelque chose lui échappe. Soudain, elle dit, comme pour changer de conversation :

— J’ai téléphoné au numéro que tu m’as donné. On m’a dit que tu étais en voyage.

— Tu connais un certain Ishan Kambiz ? demanda-t-il à brûle-pourpoint.

Une incompréhension totale envahit les traits de la jeune femme.

— Ishan quoi ?

Là, elle ne mentait pas. Apparemment, Malko s’était trompé. L’énorme dispositif mis en place à Rio pour sa protection risquait de ne servir à rien. Il en serait quitte pour un beau voyage fatigant. Mais que diable allait-elle faire là-bas ? De nouveau, la crainte crispait ses traits.

— Il faut que tu me promettes quelque chose, dit-elle d’une voix inhabituellement très dure.

— Quoi ?

— A Rio, il faut faire comme si tu ne me connaissais pas… Sinon, ce serait très grave pour moi. En sortant de l’avion, nous partirons séparément. Je vais te dire à quel hôtel je suis. Le Caesar Park. Nous pourrons nous voir en cachette. Tu es d’accord ?

Elle allait au-devant des vœux de Malko…

— D’accord, fit ce dernier.

On apportait le dîner. Tandis qu’il étalait le caviar sur son toast, il se demandait encore qui Zakra allait retrouver au Brésil. Elle continuait à lui mentir. Karim était mort, donc quelqu’un d’autre l’avait envoyée pour une mission bien précise. Probablement le mystérieux Pavel.

Le repas terminé, Zakra réclama à l’hôtesse deux Cointreau « on ice », un pour elle, un pour Malko. Ensuite ils allongèrent leurs deux fauteuils où ils étaient comme dans des lits. Le transport aérien s’était bien amélioré depuis le temps où il fallait une semaine en DC3 dans des sièges de toile pour aller d’Europe en Asie. Le ronronnement des réacteurs du 747 d’Air France était à peine perceptible ; avec les lumières tamisées, les couvertures, ils avaient l’impression de se trouver dans un hôtel de luxe et non à 10 000 mètres d’altitude en train de traverser l’Atlantique sud.

Il tourna la tête vers la jeune Kirghize et remarqua soudain un objet nouveau sur elle : un collier fait de boules d’or qui descendait jusqu’à la vallée de ses seins.

— Tu as un beau collier, remarqua-t-il.

— C’est un cadeau, dit-elle, sans commentaires. Machinalement, il soupesa les boules dorées. Il mit quelques secondes à analyser la sensation étrange qu’il éprouvait. Le collier lui chauffait doucement les doigts. D’abord, il crut qu’il s’agissait de la chaleur naturelle de Zakra. Celle-ci avait fermé les yeux. Le pouls à 120, il se força à en faire autant et attendit ; la jeune femme s’endormit d’un coup, épuisée par ces émotions et le Champagne.

Il attendit une dizaine de minutes puis, lorsque Zakra fut endormie, il posa à nouveau la main sur le collier niché au creux de ses seins et effleura plusieurs boules dorées à la suite. Quelques instants plus tard, il savait pourquoi la Kirghize allait à Rio.

Chapitre VIII

Zakra transportait autour de son cou des billes de plutonium 239 recouvertes de peinture dorée, mélangées à de véritables perles d’or. Les premières, comme celle sur laquelle Malko avait posé les doigts, dégageaient une légère chaleur.

Il n’y avait plus qu’à découvrir à qui Zakra allait remettre son collier. Euphorique, il s’endormit, bercé par le ronronnement des réacteurs.

C’est un soleil éblouissant qui le réveilla. Le 747 était en train de tourner autour du Pào de Açùcar[17] pour prendre sa piste à l’aéroport du Galeao. Rio était telle qu’il l’avait laissée des années plus tôt. Les morros[18] émergeaient des gratte-ciel bleus, comme de gros champignons verts, les plages noires de monde bordées d’un vrai mur de béton… L’Atlantique était grisâtre, avec de grosses vagues qui chassaient les baigneurs. Zakra avait ouvert les yeux.

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17

Pain de sucre.

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18

Collines boisées.