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— On va pas bouffer des saloperies pareilles ! fit plaintivement Chris Jones. Si un mec de là DFA[19] passait par là, il se trouverait mal.

— Les Brésiliens raffolent de la fejouada, assura Malko. Ils en mangent une fois par semaine.

— Moi, je veux pas crever, fit courageusement Milton Brabeck.

Il chargea son assiette de beurre, de pain et prit trois yoghourts, le cœur soulevé par le fumet qui s’échappait des marmites, et rejoignit Malko déjà assis à sa table. A cinq mètres de Zakra, toujours allongée sur le ventre, les yeux dissimulés derrière de grosses lunettes noires. Elle ébaucha un vague sourire dans sa direction avant d’aspirer une paille plongeant dans un verre à whisky plein de Cointreau et de glaçons. Rien ne se passa pendant une demi-heure, puis un haut-parleur grésilla, annonçant :

— Room 1103, téléphone please.

L’annonce fut répétée plusieurs fois avant que Zakra ne se lève et ne file vers le bar, en ondulant de sa croupe incendiaire. Elle prit le téléphone en main, écouta quelques secondes et raccrocha pour revenir ensuite à son bronzage.

Un Brésilien empâté croulant sous les chaînes en or vint s’allonger à côté d’elle, mais elle lui tourna ostensiblement le dos. Lui avait-on donné un rendez-vous ? Malko grillait d’envie de lui parler mais c’était trop risqué. Chris et Milton transpiraient comme des malheureux. Avec l’effet de serre des baies vitrées, la température devait avoisiner les 40°. Malko autorisa les deux gorilles à aller se rafraîchir dans leur chambre, restant pour garder un contact visuel. Un peu plus tard, Zakra ôta ses lunettes et alla faire trempette. Visiblement, elle ne savait pas nager, d’après la gaucherie de ses mouvements…

Quand elle ressortit, encore plus sexy avec son minuscule deux-pièces collé à ses courbes, elle expédia une œillade assassine à Malko avant de se draper dans un peignoir de bain et de quitter la piscine. Le collier d’or et de plutonium 239 toujours autour du cou.

* * *

Ishan Kambiz écouta avec attention le rapport de l’Iranien qu’il avait envoyé surveiller le coup de téléphone. Celui-ci avait comme objectif principal d’identifier l’envoyée de Pavel Sakharov. C’était fait et cela le surprenait. Surtout, parce que celle-ci ressemblait plus à une call-girl de haute volée qu’à une trafiquante. La description qu’on lui en avait faite lui mettait l’eau à la bouche ; à côté, Linda, sa petite Brésilienne, lui semblait tout d’un coup fade. En tout cas, personne ne l’avait abordée, sauf des dragueurs professionnels, pendant les deux heures où elle avait été observée à son insu.

— Hashemi, demanda-t-il, fais-lui porter son costume à l’hôtel et dis-lui qu’on viendra la chercher vers onze heures pour le bal.

C’était une occasion parfaite. Ce soir-là, il y avait à la Scala, à Leblon, le « Grand bal gay ». Au milieu de la foule des travestis c’était l’endroit rêvé pour une rencontre discrète. D’autant qu’il avait réservé une camarote[20] au premier étage de la Scala, dominant la foule des invités ordinaires, et dont l’accès était strictement réglementé.

Dans quelques heures, il allait savoir si l’histoire du plutonium 239 était une nouvelle arnaque ou une affaire sérieuse. La pulpeuse envoyée de Pavel Sakharov le faisait saliver. Rien ne lui interdisait de joindre l’agréable à l’utile.

Le téléphone sonna dans la chambre de Malko. C’était la voix câline de sa « fiancée ».

— Je suis dans ma chambre, annonça-t-elle, viens me voir, je n’ai pas envie de bouger pour le moment, il fait trop chaud et puis, j’ai des choses à te dire.

Le risque était limité. Il prévint les deux gorilles en planque dans le hall et descendit au onzième étage. La clef était sur la porte de la chambre 1103, mais il frappa. Zakra lui ouvrit, uniquement drapée dans un paréo noué très bas sur la taille, ses seins lourds entièrement nus avec, déjà, la marque du soleil. La Kirghize traversa la chambre, balançant ses hanches au rythme lancinant d’une samba sortant de la télé Akai. Elle se retourna, dansant sur place. Ses yeux brillaient d’une joie enfantine.

— Je veux vivre ici ! annonça-t-elle. C’est formidable, les hommes vous mangent des yeux, il y a la mer, du soleil, des fringues inouïes.

Son collier se balançait entre ses seins, la rendant encore plus désirable.

— Quels sont tes projets plus rapprochés ? demanda Malko. Tu veux dîner avec moi ce soir ? Son sourire s’effaça.

— Non, ce soir, je dois voir quelqu’un. Du business. On m’a téléphoné tout à l’heure. Mais je pense qu’à partir de demain, je serai plus libre.

— Un Brésilien ne te lâchera pas comme ça, remarqua Malko.

Zakra ne l’écoutait plus, regardant sur l’écran de la télé une Noire, presque aussi belle qu’elle, dégoulinante d’érotisme, en train de se déhancher au rythme de E Carnaval, le succès du Carnaval 92… Elle se mit à l’imiter, rythmant les « boum-boum-boum » des tambours, mettant peu à peu son ventre en contact avec Malko. Elle apprenait très vite… Il allait lui arracher son paréo quand on frappa à la porte. Zakra, sans cesser de danser, alla ouvrir tandis que Malko, prudent, filait dans la salle de bains. Zakra vint l’y chercher, un grand carton dans les bras. Elle ouvrit l’enveloppe qui y était scotchée et leva la tête vers Malko.

— Je suis invitée à un bal ! annonça-t-elle. Au bal des pédés ! Ça va être super. Et ça, c’est le costume. Quel dommage que tu ne puisses pas venir…

— Je te verrai de loin, promit Malko, mi-figue, mi-raisin. Zakra se rembrunit.

— Je t’en prie, ne me cause pas de problèmes ! Je préfère que tu ne viennes pas… Si tu veux, je te retrouverai ici en rentrant.

Un rayon de soleil illumina la chambre et Zakra poussa un cri de joie.

— Le temps se lève, je vais aller à la plage ! Alors, à ce soir.

Elle trépignait comme une petite fille. Malko décida de s’éclipser. Pour organiser sa soirée.

* * *

L’ascenseur s’arrêta avec une secousse au treizième et Chris Jones y entra le premier, précédant un Milton rougissant comme une première communiante. Une demi-douzaine de Noires occupaient la cabine, toutes plus splendides les unes que les autres, vêtues uniquement de minuscules maillots pailletés, maquillées avec des faux cils d’un kilomètre. Elles tenaient presque toute la place… Elles mesuraient toutes plus de 1,80 m. C’était la première fois que les deux gorilles pouvaient regarder une femme dans les yeux sans se baisser. Elles parlaient très fort en portugais, remuant sans cesse des croupes cambrées et dures. En voyant les deux hommes, elles se mirent à roucouler, leur jetant des œillades de lance-flammes.

Des danseuses d’une école de samba…

Milton Brabeck se retrouva coincé entre un fessier quasiment nu et une hanche pulpeuse dont la propriétaire s’amusait à lui donner de petits coups. Il fut soulagé de voir les portes s’ouvrir au rez-de-chaussée. Elles s’éloignèrent en ondulant, altières et salopes à la fois, faisant rêver tous ceux qu’elles croisaient…

— Holy shit ! Quelles filles ! soupira Chris Jones en retrouvant Malko. Il y en a une qui a mis son cul dur comme du marbre au creux de ma pogne. On aurait été seuls…

Le soleil de Rio faisait fondre comme neige au soleil son vieux fond de puritanisme. Malko dut se retenir pour ne pas pouffer.

— Chris, je me demande si vous n’êtes pas en proie à des instincts contre nature. Le soleil tropical ne vous vaut rien…

— Pourquoi ? fit le gorille stupéfait.

— Parce que ce sont des hommes. Des travestis, spécialité brésilienne. Ces fesses que vous touchiez, c’était moitié silicone, moitié hormones… Mais je dois reconnaître qu’à première vue, c’est tentant.

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19

Drug and food administration.