Выбрать главу

Zakra arriva, encore choquée, sous la protection des deux gorilles. En la voyant, l’homme qui avait planté le parasol dans le ventre du gamin récupéra le collier dans ses doigts crispés et vint l’offrir à la jeune Kirghize, avec un sourire dégoulinant, vite rappelé à l’ordre par sa femme. Zakra le remercia et remit le collier autour de son cou avant de s’éloigner vers le Caesar Park escortée de Malko et des deux gorilles. Mentalement, Malko s’essuyait le front. A un poil près, toute l’opération complexe qu’il pilotait échouait à cause d’un petit voyou brésilien.

Ishan Kambiz avait l’impression qu’on lui enfonçait une tige de fer rougie dans les intestins. D’une main tremblante, il se versa une grande rasade de Gaston de Lagrange XO et se força à l’avaler par petites gorgées. L’alcool le détendait un peu. Said, un de ceux qui surveillaient Zakra, venait de revenir, lui relatant l’incident de la plage. Pour l’Iranien, c’était clair : l’envoyée de Pavel avait autour d’elle un dispositif de sécurité efficace et puissant. Des gens qu’elle connaissait. Et pas des Brésiliens.

Ce qui signifiait que l’opération « Darius » avait été pénétrée par un grand service — probablement les Américains — et qu’il était en danger de mort.

Seulement, il était impossible de renoncer au rendez-vous de la Scala. Si vraiment cette femme avait apporté un échantillon de plutonium, il devait le savoir. Mais, de toute façon, ses plans étaient bouleversés.

— Said, ces trois types qui ont arrêté les voleurs, ils ressemblent à quoi. ?

— Ce sont des professionnels. Ils n’ont pas eu peur du couteau. Il y avait un policier avec eux, un Brésilien, mais avec un revolver.

C’était de pire en pire ! Ishan Kambiz bénéficiait pourtant de nombreux soutiens au sein du gouvernement brésilien. On lui avait même laissé utiliser de « vrai-faux » passeports brésiliens, dans certaines circonstances, pour des voyages en Iran. Il se promit de contacter le chef de la police fédérale à qui il avait fait de multiples cadeaux. Par lui, il allait en savoir plus sur ces inconnus qui veillaient sur l’envoyée de Pavel. Qui étaient-ils ?

Des Américains ?

Des Israéliens ?

Ou, tout simplement, des concurrents ?

Dans tous les cas, il devait redoubler de prudence.

Une fois l’échantillon de plutonium récupéré, il n’allait pas faire de vieux os à Rio. Il n’y avait plus que le point de passage obligé : le grand Bal des Travestis. Là, c’était le risque maximum. Il se tourna vers Said.

— Ce soir, tu viendras avec Hashemi et Mohsein. Vous aurez peut-être à intervenir. En attendant, va relayer Hashemi et ne lâche pas cette fille.

* * *

Une foule fellinienne se pressait dans le hall du Caesar Park, tous ceux ou celles qui s’apprêtaient à partir au Bal des Travestis. Zakra ne s’était pas encore montrée. Malko regarda du coin de l’œil Milton et Chris. Avec leurs cheveux coupés très court, leur chemisette blanche et leur pantalon gris contenant à peine leur puissante carrure, ils ressemblaient à ce qu’ils étaient : des gorilles. Dans l’environnement glauque du Bal, ils allaient se faire remarquer comme des mouches dans un verre de lait… Ce qui n’était pas vraiment l’idéal. Mais que faire ? Il était trop tard pour trouver un déguisement…

Soudain, trois hommes débarquèrent de l’ascenseur, parlant très fort, et s’assirent non loin d’eux. Des Américains, d’après l’accent. Des « gays ». Dans une tenue surréaliste : les cheveux presque aussi courts que Chris et Milton, avec à peine une pointe de maquillage sur les yeux, uniquement vêtus d’un box-short et de chaussures, un nœud papillon autour du cou, à même la peau !

Cela donna une idée à Malko. Il se pencha sur Chris Jones.

— Chris, annonça-t-il, je vais vous demander un sacrifice. Vous êtes trop voyants, tels que vous êtes. En vous habillant comme ceux-là, vous passerez inaperçus. Je vais vous trouver des nœuds papillons.

Chris Jones faillit tomber de sa banquette.

— Vous plaisantez !

— Non, fit Malko.

Pour couper court à toute velléité de résistance, il ajouta :

— C’est un ordre.

— C’est pas possible, gémit Milton Brabeck, et notre artillerie ?

— Là-bas, vous n’en aurez pas besoin, souligna Malko, c’est plein de flics brésiliens. Inutile de déclencher un massacre. Remontez dans vos chambres, je vais vous chercher ce qu’il faut.

Chris Jones, son nœud papillon autour du cou, avait l’air épanoui d’une carmélite déguisée en meneuse de revue. Évidemment, dans cette tenue, personne au monde n’aurait pu deviner qu’il s’agissait d’agents de la CIA… Et dans la folie ambiante ils passaient totalement inaperçus. Sauf des trois « gays » voisins toujours assis dans le hall. L’un d’eux se leva et ondula jusqu’aux gorilles avec un sourire concupiscent pour leurs pectoraux.

— Vous nous avez copiés ! lança-t-il d’une voix haut perchée, mais vous avez raison. Quels beaux muscles. Vous êtes de Venice[23] ?

Chris Jones pâlit sous le regard brûlant du jeune homme et murmura entre ses dents :

— S’il me touche, je le tue…

— Il faut vous joindre à nous, continua un autre gay. Après le bal, nous avons une petite sauterie avec des copines brésiliennes. Ça va être très gai.

Il rit, ravi de son jeu de mots.

— Vous allez élire Miss Sida ? grommela Milton Brabeck, traumatisé.

— Oh ! Comme vous êtes méchants ! lança le gay. Il ne faut pas se moquer de ces choses-là. Ça peut nous arriver à tous.

Un éclair de flash coupa la réponse de Chris. Un photographe venait de prendre le groupe. Avec un rugissement étranglé, Chris Jones se rua sur lui et lui arracha son appareil. Le photographe, un Brésilien, battit en retraite en couinant, se réfugiant derrière la réception. Malko calma le gorille.

— Quiet ! C’est pour l’usage local. Ne faites pas de scandale.

— Mais, vous vous rendez compte ! Si c’est imprimé dans un magazine, protesta le gorille, et que ça tombe sur le service de sécurité de Langley, je suis viré. Quant aux copains…

— Je certifierai que vous étiez en service commandé, affirma Malko. Et que vous agissiez sous mes ordres. Attention, la voilà.

Nouveau choc : un personnage incroyable venait de sortir de l’ascenseur. Moitié religieuse, moitié pute. Le beau visage de Zakra était encadré par une coiffe ovale blanche et noire, un ensemble qui couvrait ses épaules d’une chape amidonnée, un peu comme une tenue de scaphandrier. Jusqu’à la hauteur des seins, dissimulés par le tissu raide. On lui aurait donné le bon Dieu sans confession, y compris avec le gros crucifix qui pendait sur sa poitrine et en dépit du regard de braise et de la grosse bouche rouge qui détonaient un peu…

A partir de la taille, cela se gâtait. Zakra portait un pantalon collant lacé de haut en bas laissant apparaître de chaque côté une large bande de peau nue, permettant de s’assurer qu’elle ne portait rien d’autre dessous… Le pantalon en stretch moulait sa croupe incendiaire à faire pâlir d’envie tous les travestis du monde. Juchée sur des escarpins de quinze centimètres, elle dépassait tout le monde d’une tête… Elle traversa le hall d’une démarche balancée, altière, suivie par les regards de tous les mâles.

Au passage, Malko remarqua le collier d’or sous le crucifix.

Il la vit s’engouffrer dans une Cadillac aux vitres noires qui démarra aussitôt. Les gens partaient tous et ils en firent autant. Seul problème, il ne connaissait pas Ishan Kambiz, à part un mauvais portrait robot composé à partir de vieilles photos.

вернуться

23

Célèbre plage de Californie célèbre pour ses salles de bodybuilding.