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Un coup de klaxon le fît sursauter et il réalisa qu’il était en train de zigzaguer sur la large avenue-Teréz, face à la gare du Sud…

Son excitation tomba d’un coup. Il comprit que pour aller au bout de son plaisir, il fallait qu’il s’arrête : courageusement, la fille continuait ses efforts.

Il contourna la place du 7 Novembre, devenue place Oktogon, pour emprunter l’avenue Andrâssy filant vers le parc Varosliget. Quittant aussitôt la chaussée principale, il s’engagea dans une des contre-allées bordées de villas luxueuses et stoppa un peu plus loin.

Personne en vue. Il recula son siège afin de permettre à sa partenaire d’exercer plus commodément son talent de vestale et glissa les deux mains sous son T-shirt.

Celle-ci se lança dans la dernière ligne droite, faisant tourner sa langue à toute vitesse autour du membre gorgé de sang.

Ishan Kambiz ne résista que quelques secondes. Le corps arqué en arrière, il grimpa littéralement le long de son siège avant d’éjaculer dans la bouche complaisante, ébloui de plaisir. Cette fille valait décidément le détour ! Ses doigts étaient restés crispés sur ses nattes, maintenant son sexe au fond de son gosier. L’Iranien exhala un profond soupir, tous ses muscles se détendirent et il rouvrit les yeux, aveuglé par un réverbère. Son regard tomba alors sur la montre de bord : dix heures dix. Il était en retard, les meilleures choses avaient une fin.

Tranquillement, la fille remettait son T-shirt dans son jeans. En voyant son client tourner le contact, elle demanda :

— We come back Hilton ?

Ishan Kambiz secoua la tête, se penchant pour ouvrir la portière du côté de sa passagère.

— No time, annonça-t-il simplement. La fille regarda la portière ouverte et reçut une rafale de bise glaciale.

— We come back, insista-t-elle.

Ses yeux bleus étaient assombris par la rage. Il la jetait comme un Kleenex ! Ishan Kambiz affronta son regard, brutalement furieux. Le mot « gentleman » ne faisait pas partie de son vocabulaire ; dans sa civilisation, la femme se situait à mi-chemin entre le cheval et le chien.

— Raus ! lança-t-il en allemand. Schnell[5]. Comme elle ne bougeait pas, d’une violente bourrade, il la poussa à moitié dehors. La fille s’accrocha à la portière. Alors, pivotant sur son siège, Ishan Kambiz dégagea sa jambe droite et, d’une détente précise, jeta sa fellatrice sur le trottoir… Celle-ci se reçut à quatre pattes. L’Iranien se pencha pour refermer la portière et démarra aussitôt, brûlant le feu rouge suivant au coin de la rue Bajza. Dans le rétroviseur, il aperçut la fille debout, brandissant le poing dans sa direction, regardant sa voiture s’éloigner. Il ne s’était pas fait une amie…

Hâtivement, il se rajusta, le ventre en paix, et se concentra sur la suite de sa soirée.

Trois cents mètres avant d’arriver au hideux bâtiment gréco-romain de la place des Héros, marquant la fin de l’avenue Andrâssy, Ishan tourna à gauche, pour s’engager dans une rue perpendiculaire, Munkacsy utça, puis prit à droite dans Lendvay utça, parallèle à l’avenue Andrâssy.

Ses phares éclairèrent des trottoirs déserts. C’était le quartier résidentiel des ambassades, avec de vieilles villas en mauvais état, jadis réservées aux apparatchiks. Il ralentit, scrutant les voitures en stationnement et aperçut les feux rouges allumés d’une Opel garée le long du trottoir de gauche. Il s’arrêta à sa hauteur. Aussitôt, la glace se baissa électriquement, révélant deux moustachus.

Les deux hommes de la Force Al-Qods, Cyrus et Ali.

Ils échangèrent quelques mots en farsi, puis Ishan Kambiz redémarra, scrutant les numéros. Vingt mètres plus loin, presque en face de l’ambassade de France, il repéra le 20, une vaste cour desservant une villa massive et vieillotte qui paraissait inhabitée.

L’Iranien pénétra dans la cour vide, et manœuvra, afin de pouvoir repartir en marche avant. Il coupa ensuite son moteur et ses phares. Il était à pied d’œuvre. Intrigué. Cyrus lui avait appris que celui qu’il allait rencontrer avait demandé qu’on lui apporte six cent mille dollars. Sans instructions sur ce point, ils n’avaient pas tenu compte de cette demande.

Vingt minutes s’étaient écoulées et le silence était total. Ishan Kambiz commençait à s’engourdir et à s’inquiéter. Il avait mis la radio en sourdine pour ne pas trop s’ennuyer. Que signifiait ce retard ?

Le double pinceau des phares d’une voiture pénétrant dans la cour l’arracha à sa torpeur. Le faisceau de lumière balaya son habitacle et la voiture — une Mercedes gris sombre — s’arrêta le long de la villa, à une dizaine de mètres de lui. Les phares s’éteignirent et presque aussitôt, trois portières s’ouvrirent. Par celle du passager avant, émergea un homme de taille moyenne au visage en lame de couteau, sanglé dans un imperméable. Rejoint aussitôt par deux énormes types, vêtus identiquement de blousons, T-shirts et jeans, les pieds chaussés de baskets. Tous les deux le crâne rasé, avec des visages plats aux traits grossiers. Les bras écartés du corps, ils avançaient en glissant, la tête dans les épaules. Ishan Kambiz ne fut pas surpris. Les chefs de la mafia russe utilisaient toujours comme « gorilles » des lutteurs ou des spécialistes des arts martiaux rarement équipés d’armes à feu. Ils étaient cependant redoutables, capables de briser un homme en morceaux en quelques secondes, grâce à la technique du « full contact » ou du Taek-Won-Do.

Le trio s’arrêta à quelques mètres de la voiture. A son tour, Kambiz ouvrit sa portière et sortit, s’avançant vers l’homme à l’imperméable. Celui-ci lui tendit la main et annonça en anglais avec un fort accent russe :

— Je suis Stephan.

Ishan Kambiz prit la main tendue sans répondre. Un peu étonné devant un tel déploiement de forces. C’était la procédure utilisée seulement lorsqu’il y avait un échange clandestin d’argent contre une marchandise quelconque. Ce qui n’était pas le cas, aujourd’hui.

Il scruta le visage plat du Russe, et demanda dans sa langue :

— Je crois que tu dois me remettre quelque chose, Stephan ?

— Da, da, acquiesça le Russe. Seulement il ne bougea pas.

— Alors, qu’est-ce que tu attends ? insista Kambiz.

Stephan dit quelques mots à voix basse à un de ses gorilles qui aussitôt courut vers leur voiture. Il en revint avec une mallette métallique qu’il posa sur le sol, en face du Russe.

Ishan Kambiz eut un coup au cœur. Le message ne parlait que d’un échantillon. Mais avec les Russes, on ne savait jamais. Subitement calmé, il demanda :

— Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ?

Sans lui répondre, Stephan s’accroupit, déverrouilla la mallette, puis souleva le couvercle. Ensuite, complaisamment, il la fit pivoter vers Ishan Kambiz afin que ce dernier en voie le contenu. Un des gorilles avait allumé une torche et dirigeait le mince faisceau dessus. L’Iranien aperçut des sacs en plastique transparent, remplis d’une poudre rougeâtre. Stupéfait, il leva la tête.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? Un sourire presque aimable illumina le visage en lame de couteau de Stephan.

— C’est la marchandise. Il y en a quatre kilos. Nous avons eu du mal à les réunir, car il y a beaucoup de demande en ce moment.

Ishan Kambiz ne comprenait plus. Il s’accroupit et prit un des sacs. Il l’ouvrit et plongea la main dedans, prenant un peu de poudre rougeâtre entre ses doigts. C’était granuleux et froid.

Il remit la substance dans le sac en plastique, le referma et se releva. Stephan précisa aussitôt :

— Chaque sac pèse deux cent cinquante grammes. Il y en a seize. Je les ai tous pesés personnellement.

— Ah bon, fit Ishan Kambiz, d’une voix dangereusement rouée.

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5

Fous le camp ! Vite.