Cette vision fit sauter les plombs d’Ishan Kambiz. Il se rua derrière elle, se colla à la croupe qui le faisait fantasmer, puis écartant des deux mains les globes enflés, se posa contre l’entrée des reins de la jeune Kirghize. Celle-ci bondit sous le contact, ses terminaisons nerveuses à vif, reculant d’un réflexe, faisant pénétrer de quelques millimètres le sexe qui se préparait à la vriller. Ishan Kambiz, soufflant comme un phoque, poussa de tout son poids et vit son membre disparaître d’un coup, accompagné par le hurlement rauque de Zakra. Il commençait à aller et venir lorsque la semence monta de ses reins, comme une vague de fond. Fébrilement, il eut le temps de s’agiter un peu avant d’exploser, restant collé à la jeune femme comme un chien à sa chienne. Il aurait voulu que cela ne cesse jamais.
Zakra, foudroyée par un orgasme ravageur, ne bougeait pas. Elle arracha ses ongles de la soie du divan pour se débarrasser enfin de sa cornette.
— C’est chaud, ce truc-là, fit-elle d’une voix pâteuse. Ishan Kambiz s’arracha à elle, dégrisé. Il fallait passer aux affaires sérieuses.
— Je vais appeler Hashemi pour qu’il nous apporte à boire, dit-il.
— Moi, je ne bois plus, protesta Zakra, j’ai la tête qui tourne. Ou alors, juste un Cointreau, avec trois glaçons.
— Alors, on va se baigner.
Il la poussa dans la piscine. Il avait bien l’intention d’assouvir encore sa fringale sexuelle sur elle, mais d’abord il fallait soulager son angoisse. Zakra remontait à la surface quand il la ceintura par-derrière. Mal à l’aise à cause de ses escarpins et ne sachant pas nager, elle voulut lui échapper. De nouveau, avec un grand rire, l’Iranien la fit replonger. Ils jouèrent ainsi pendant plusieurs minutes, se rapprochant peu à peu de la partie la plus profonde. Zakra commençait à s’énerver. La dernière fois où elle remonta, ayant avalé un peu d’eau chlorée, elle lança brutalement :
— Arrête, j’en ai marre !
Deux mains pesèrent sur ses épaules par-derrière. Elle tourna la tête et, à travers les gouttes d’eau, aperçut le regard froid d’Hashemi. Il appuya et sa tête passa de nouveau sous l’eau. Affolée, elle se débattit, suffoquant peu à peu. Elle était au bord de l’asphyxie lorsqu’elle put enfin respirer. Crachant de l’eau presque asphyxiée, elle trouva en face d’elle Ishan froid comme un iceberg.
— Salope ! lança l’Iranien, tu vas parler ou on va te noyer.
Zakra cracha encore un peu d’eau et protesta.
— Parler ! Qu’est-ce que vous racontez ? Parler de quoi ?
L’Iranien fît un geste discret et Hashemi appuya sur la tête de la jeune femme. Lorsqu’il la laissa remonter, crachant et toussant, Kambiz précisa :
— Qui est l’homme blond qui t’a accompagnée à Rio ? Pour qui travaille-t-il ?
Comme elle ne répondait pas assez vite, elle replongea. Cette fois, Hashemi la retira de l’eau in extremis… Ils durent attendre plusieurs minutes pour qu’elle retrouve son souffle. Le regard noyé, la voix cassée, Zakra supplia :
— Arrêtez ! Vous vous trompez. Je n’ai rien fait de mal.
— Qui est-ce ?
— Mon fiancé, finit-elle par lancer entre deux quintes de toux.
Ishan Kambiz n’en revenait pas.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
Accrochée au bord de la piscine, la Kirghize vida son sac. Habituée à la violence, elle sentait que ces deux-là étaient capables de la tuer. Aussi, avec des bribes de phrases, elle leur expliqua comment Malko était entré dans sa vie. L’Iranien l’écoutait, glacé jusqu’au fond des os. C’était encore pire que ce qu’il avait imaginé.
— Comment a-t-il su que tu venais au Brésil ? Tu le lui as dit ? demanda-t-il d’une voix douée.
Zakra ne se rendait pas compte que chaque mot qu’elle prononçait était un clou enfoncé dans son cercueil.
— Non, non, protesta-t-elle, j’ignore comment il l’a su. Mais je ne lui ai jamais parlé de vous.
— Ni du collier ?
— Du collier ? Pourquoi je lui aurais parlé de mon collier ? Où est-il ?
— Je l’ai rangé, affirma calmement Kambiz. J’avais peur que tu le perdes.
L’ignorance de Zakra concernant le collier lui mettait un peu de baume au cœur. Mais l’homme qui l’avait suivie à Rio, étant donné les moyens dont il disposait, appartenait sûrement à un grand Service. S’il s’était intéressé sur la plage au collier, ce n’était pas par hasard. Tout cela sentait le Mossad. Pour se consoler, Ishan se dit que l’homme blond devait déjà être à la morgue de Rio.
Il s’extirpa un sourire charmeur.
— Excuse-nous, dit-il à Zakra, je me rends compte que tu n’as rien fait de mal, mais j’ai beaucoup d’ennemis. Je dois me méfier. On va se reposer un peu et puis je te ferai ramener à ton hôtel.
En farsi il lança à Hashemi.
— Je m’en sers encore une fois et puis tu t’occuperas d’elle. Dis à Mohsein que nous partons pour l’aéroport à cinq heures et demie.
Galant, Hashemi aida Zakra à sortir de la piscine et alla même jusqu’à l’essuyer avec une grande serviette de bain. Hébétée, la jeune femme se laissa tomber sur le canapé. Ishan Kambiz lui tendit une capirinha qu’elle but avidement pour ôter le goût acre du chlore dans sa bouche. Il la regardait de nouveau avec concupiscence. Elle n’avait plus qu’une idée, quitter cet appartement et dormir.
— Raccompagne-moi, fit-elle d’une voix mourante.
— Oui, oui, fit Kambiz.
Trois minutes plus tard, la tête de Zakra basculait. Assommée par les capirinhas, elle dormait.
Les yeux de Prudente Freitas semblaient s’enfoncer chaque minute un peu plus au fond de leur orbite, par la fatigue. Depuis une heure, il était au téléphone sans discontinuer, patient, cajoleur. De l’appareil sortaient des bribes de samba, mais pas d’informations… Malko ne tenait plus en place. Rhabillés, enfouraillés jusqu’aux yeux, les deux gorilles attendaient qu’on leur désigne un objectif.
Tout à coup, Malko vit un sourire éclairer le visage du policier brésilien qui se mit à noter quelque chose fébrilement avant de raccrocher.
— Tiito bom ![24] lança-t-il. Le numéro correspond à un immeuble de Ipanema, 240 avenida Vieira Santo. Un appartement au nom d’une certaine société MBA Engineering.
— On y va, dit Malko.
Chapitre XI
Le portier galonné de l’Edificio Biarritz, un superbe building à la façade de marbre noir avec un somptueux hall d’entrée de marbre rosé, à cinq cent mètres du Caesar Park, en bordure de la Praia de Ipanema, sursauta en voyant quatre hommes pénétrer dans l’immeuble. Instantanément, il sortit son riot-gun de sous son comptoir et le braqua sur les arrivants.
— Policia Fédérale ! hurla Prudente Freitas pour couvrir la samba vomie par le combiné Samsung posé sur le bureau du portier.
A cette heure tardive, à Rio, quand un visiteur inconnu se présentait dans ce genre d’immeuble, on tuait d’abord et on lui demandait ensuite ce qu’il désirait… Brandissant son macaron, le policier avança seul vers le gardien méfiant, qui consentit enfin à baisser son arme. Freitas demanda ensuite la liste des occupants et la parcourut des yeux. Pas de MBA Engineering… Commença alors un difficile dialogue entre le portier, considérablement imbibé à la batida, et le policier. Malko vint à la rescousse et entreprit de décrire l’homme qu’il avait vu en compagnie de Zakra. Une lueur de compréhension passa enfin dans le regard du portier.