— Ah, sta bom ! 0 senhor Kambiz[25]. Je vais le prévenir…
Il n’avait pas fini sa phrase qu’il se retrouvait le bras tordu dans le dos, le Smith et Wesson de Milton Brabeck flirtant avec ses narines.
Afin d’éviter toute nouvelle tentative, Chris Jones arracha le fil du standard et jeta le téléphone à terre.
Devant des arguments aussi convaincants, le portier n’insista pas.
— Quel étage ? demanda le policier.
— 17 et 18, mais il ne vous ouvrira pas et il a une porte blindée. En plus, il y a un code pour l’ascenseur.
— Lequel ? demanda aimablement Prudente Freitas.
Après un regard à Chris et Milton, le portier lâcha prudemment :
— 1996.
— Fous-moi la paix, gronda Zakra, à moitié endormie et furieuse. Tu m’as presque tuée et maintenant tu veux me baiser.
Ishan Kambiz, nu comme un ver, avec une érection toute neuve, s’agitait sur elle, mais la Kirghize faisait la morte. L’Iranien lui pinça un sein et elle poussa un cri, lui décochant un coup de pied qui rata d’un millimètre sa glorieuse érection. La capirinha la rendait mauvaise. Elle se leva et se dirigea vers son caleçon lacé, commençant à l’enfiler. Kambiz, cassé en deux de douleur, frustré, devint brutalement ivre de rage. Empoignant son talkie-walkie, il hurla dedans :
— Hashemi, viens !
Comme Zakra achevait de resserrer les lanières de son caleçon, sa poitrine nue pointant moqueusement vers lui, il lui jeta :
— Tu vas crever, chienne !
Comme il avait parlé farsi, elle ne comprit pas, mais la vue d’Hashemi qui venait d’entrer, un long poignard à la main, un sale sourire sur ses traits cruels, lui fit prendre conscience de la situation. Affolée, elle regarda autour d’elle, puis se précipita vers la rambarde entourant le penthouse. Pas d’escalier de secours. L’avenue Vieira Souto dix-huit étages plus bas. Elle se retourna, Hashemi était derrière elle. Il allongea le bras et la pointe s’enfonça dans sa hanche gauche. Zakra poussa un hurlement. L’Iranien n’insista pas, la laissant se sauver un peu plus loin. Il s’était amusé un jour au Liban avec un prisonnier israélien, le saignant à mort peu à peu. Ishan Kambiz contemplait la scène, gourmand. Il voulait que cette salope vienne le supplier de jouir dans sa bouche avant de crever. — Prends ton temps avec cette chienne, conseilla-t-il paternellement. Le sol de marbre rosé coupé de losanges noirs, autre création de Claude Dalle, serait facile à nettoyer. Hashemi avançait en se dandinant, face à Zakra acculée à la rambarde. La jeune Kirghize ne disait rien. Élevée dans la férocité, elle savait que dans ce genre de situation, il ne servait à rien de supplier. Le tout était de choisir sa mort. Le poignard ou le saut dans le vide. La seconde solution était probablement la meilleure.
Milton Brabeck colla un cornet de carton contre la massive porte d’acajou du dix-septième étage et écouta longuement. Pas un bruit : elle était épaisse et blindée. Il y avait bien une sonnette, mais… Malko regarda le battant. Il ne pouvait plus attendre.
— Vous pouvez l’ouvrir ? demanda-t-il.
Chris Jones vint à son tour examiner la porte.
— Sans problème, affirma-t-il.
Il s’accroupit, posant à ses pieds la mallette métallique qu’il avait récupéré dans la voiture. Il en sortit ce qui ressemblait à une boule de mastic de la taille d’une mandarine. Il la sépara en deux, et en appliqua une moitié à la jointure des deux battants, à hauteur de la serrure principale. Le temps d’enfoncer dans le Semtex un petit crayon allumeur et il se retourna.
— Planquez-vous dans l’escalier de service. Milton Brabeck, Prudente Freitas et Malko obéirent. Chris Jones les rejoignit après avoir activé l’allumeur. Dix secondes, une explosion sourde. Ils bondirent tous les quatre sur le palier envahi par une fumée acre. L’armature blindée de la porte toute tordue tenait encore, mais les panneaux s’étaient volatilisés. D’un puissant coup d’épaule, Chris Jones fit sauter la structure restante et pénétra à l’intérieur, son Beretta 92 au poing.
Découvrant une luxueuse entrée aux mur de laque rouge, légèrement abîmée par l’explosion. L’appartement semblait immense et on n’entendait aucun bruit. Malko se souvint que le concierge leur avait dit que c’était un duplex.
— En haut, ordonna-t-il en se lançant dans l’escalier latéral aux marches de perpex.
Zakra ressemblait à saint Sébastien. Son torse et ses cuisses dégoulinaient de sang. Pas des blessures sérieuses, mais des « piqûres » qui l’affaiblissaient et la faisaient beaucoup souffrir. Installé dans le grand canapé où il l’avait sodomisée, Ishan Kambiz assistait à son agonie.
Hashemi le Hezbollah s’en donnait à cœur joie, revenu au bon temps de la prison d’Evin. Il haïssait ces femmes impudiques qui troublaient le cœur de l’homme et l’empêchaient de penser à Dieu. Certes, Ishan se conduisait souvent comme un mauvais musulman, mais son dévouement à la cause intégriste lui faisait pardonner bien des choses.
L’Iranien s’approcha de Zakra tassée contre la rambarde, se pourléchant d’avance. Il avait décidé de s’attaquer à ses seins.
La jeune Kirghize intercepta son regard et se dit que si elle attendait encore, elle n’aurait plus l’énergie de se hisser par-dessus la rambarde. Réunissant ses dernières forces, elle se souleva sur ses bras, cherchant à basculer de l’autre côté.
— Arrête-la ! hurla aussitôt Ishan Kambiz. Même à Rio, une femme qui s’écrase sur le trottoir, cela attire l’attention de la police… Au moment même où l’Iranien se précipitait, une sourde explosion secoua l’appartement, faisant trembler les murs et vibrer les fenêtres. De justesse. Hashemi parvint à saisir la cheville de la jeune Kirghize et à la tirer à l’intérieur.
Ishan Kambiz s’était levé, fou d’angoisse. Said et Mohsein se trouvaient dans l’appartement. Si quelque chose survenait, ils interviendraient. De toute façon, la porte était blindée, défendue par un système de sécurité sophistiqué.
— Finis-la, ordonna-t-il, nerveux. Brusquement, il n’avait plus envie de jouer. Hashemi saisit Zakra par ses cheveux roux qu’il torsada rapidement autour de son poing gauche, de façon à exposer sa gorge. Une vieille technique des commandos syriens où il avait été formé. Celle qu’on réservait aux prisonniers. Au moment où il allait enfoncer la lame de son poignard dans le cou fragile, un bruit sec tout proche le fit sursauter. Cette fois, il n’y avait aucun doute : il s’agissait de la détonation d’une arme à feu.
Une tête crépue au teint mat se pencha par-dessus la balustrade de l’escalier. Chris Jones entrevit un pistolet-mitrailleur tenu à bout de bras et l’entraînement fit le reste. Avant même d’avoir pu pointer son arme, l’homme reçut un projectile de 9 mm en plein front, qui lui fit littéralement exploser la tête. Rejeté en arrière, il pivota et s’étala sur le dos, foudroyé. Chris Jones avait déjà atteint l’étage supérieur. Juste au moment où un second homme surgissait de la cuisine. Là aussi l’effet de surprise joua à plein. Chris et Milton tirèrent en même temps, pour plus de sûreté et sans s’être concertés. Dans un ultime mouvement de réflexe, le Hezbollah eut le temps d’appuyer sur la détente de son MP5. La rafale partit dans le plafond et les murs, détruisant plusieurs œuvres d’art.