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Sans se rendre compte de son changement de ton, Stephan enchaîna :

— Quatre kilos à 150 000 dollars, cela fait 600 000 dollars. Et c’est un prix spécial. Vous avez l’argent, bien sûr ?

L’Iranien hocha la tête sans répondre, décrocha un talkie-walkie de sa ceinture, l’activa et prononça quelques mots en farsi. Une minute plus tard, Cyrus et Ali surgirent de l’obscurité, chacun un attaché-case à la main. A côté des deux gorilles de Stephan, ils paraissaient tout fluets… Ils s’immobilisèrent un peu en retrait d’Ishan Kambiz. Le regard de Stephan se posa avidement sur les attaché-cases et son visage s’éclaira d’un sourire.

— Ah, je vois, l’argent est là-dedans…

Kambiz apostropha en farsi les deux Iraniens, sans cacher sa fureur. C’est eux qui avaient eu le contact pour ce rendez-vous. Visiblement, ils tombaient des nues, eux aussi.

L’Iranien se pencha alors et prit un sac de poudre rougeâtre, le brandissant sous le nez de Stephan.

— Qu’est-ce que c’est que cette saloperie ? gronda-t-il.

Le Russe, un peu décontenancé, répliqua tranquillement :

— C’est du « Red Mercury », comme on a déjà vendu à certains de vos amis. Du très bon.

— Du très bon ! répéta Ishan Kambiz, maîtrisant mal sa rage. Et ça sert à quoi, d’après toi ?

L’homme au visage en lame de couteau bredouilla, et finit par dire :

— Oh, moi, je ne sais pas exactement, mais c’est indispensable pour fabriquer des bombes thermonucléaires. C’est pour cela que cela vaut si cher.

Ishan Kambiz explosa d’un coup.

— Tu te fous de moi, espèce de connard ! Ton truc, cela ne sert à rien ! C’est une escroquerie !

Cette fois, la fureur de l’Iranien était tellement visible que Stephan eut vraiment peur, en dépit de ses deux gardes du corps tchétchènes.

— Moi, je ne suis qu’un intermédiaire, protesta-t-il. Si vous n’avez pas l’argent maintenant, on peut se revoir demain. Mais c’était convenu comme ça.

Ishan Kambiz se retourna, lançant un ordre d’une voix étranglée.

Comme dans une manœuvre bien répétée, les deux Iraniens mirent un genou en terre, posant leur attaché-case en face d’eux. Ils les ouvrirent, laissant le couvercle vertical, empêchant ainsi Stephan et ses amis de voir l’intérieur. Plongeant les mains dedans, ils se redressèrent avec un ensemble touchant. Ils ne serraient pas des liasses de dollars mais de courts pistolets-mitrailleurs MP5 prolongés par de gros silencieux noirs.

Ils les braquèrent sur le trio, les jambes bien écartées, le canon à l’horizontale, calmes et déterminés. En quelques secondes, ils pouvaient farcir de plomb Stephan et ses gardes du corps.

Le Russe fixa les armes, médusé. Dépassé. Ishan Kambiz le contemplait avec une telle fureur qu’il avait l’impression d’être traversé par des rayons X. Être venu du Brésil pour se faire arnaquer comme un de ces petits intermédiaires minables qui rôdaient autour de la Russie comme des coyotes ! L’Iranien fulminait intérieurement. Pourtant, quelque chose lui échappait. C’était bizarre que l’homme avec qui Mehdi Chimran avait été en contact lui ait envoyé Stephan pour lui vendre du « Red Mercury ».

Il fallait en avoir le cœur net.

— Stephan, demanda-t-il, pour qui travailles-tu ?

— Pour Karim Nazarbaiev, répliqua aussitôt le Russe.

Ishan Kambiz n’avait jamais entendu ce nom. Ce n’était pas, en tout cas, celui du correspondant du Dr Chimran. Il tenta de se calmer. Il saurait le fin mot de l’histoire plus tard. Pour le moment, il fallait être certain de ne pas passer à côté de sa mission. Stephan, vexé, lança avec un soupçon d’arrogance :

— Vous pouvez nous voler la marchandise, nous ne sommes pas armés. Mais personne ne vous livrera plus rien. Vous le savez ! Et j’ai d’autres choses très intéressantes à vous proposer, ajouta-t-il, tentateur. Seulement, il faut d’abord régler cette affaire.

Ishan Kambiz ne répondit pas, plongé apparemment dans ses pensées. L’atmosphère s’était brusquement tendue.

Les deux Tchétchènes ne bronchaient pas. Les bras légèrement écartés le long du corps, le regard sans cesse en mouvement, ils guettaient sans trop y croire une faille chez leurs adversaires. Trop professionnels pour ne pas savoir que le meilleur karatéka ne court pas plus vite qu’une balle de pistolet-mitrailleur… Même s’ils avaient été armés, ils n’auraient pas eu le temps de réagir. D’ailleurs, régler un incident aussi violent n’était pas dans leur compétence.

Ishan Kambiz s’était fait une religion : le Dr Mehdi Chimran, brillant scientifique mais piètre commerçant, avait été roulé par les Russes. Il fallait donc qu’il se fasse respecter pour deux. Le visage crispé de rage, il marcha sur la valise pleine de poudre rouge, en arracha un sachet, l’ouvrit et en déversa le contenu par terre.

— Regarde ce que j’en fais de ta saloperie ! gronda-t-il.

La poudre par terre, il la piétina, afin de bien la mélanger à la poussière du sol. Stephan regardait, interloqué et choqué.

L’Iranien fonça sur lui et le prit au collet, postillonnant de fureur.

— Imbécile ! Ton « Red Mercury » ça ne vaut rien et ça ne sert à rien.

— Mais des tas de gens en ont déjà acheté ! protesta Stephan.

— Ils se sont fait avoir ! trancha Ishan Kambiz. Stephan parvint à se dégager, blanc de peur. Ses yeux déjà rapprochés semblaient loucher. Il ne s’attendait pas à ce genre de problème. Lui n’était qu’un petit voyou ukrainien de Kiev, utilisé dans un vaste réseau qui avait des ramifications dans toute l’ex-URSS. A ses yeux, le « Red Mercury » et la poudre de perlimpinpin, c’était pareil. Il se contentait de veiller à la bonne marche des livraisons.

— Karacho ! Karacho ![6] fit-il conciliant. Je remporte ma marchandise mais vous n’aurez rien d’autre.

Il faisait déjà demi-tour. Ishan Kambiz l’arrêta d’une voix sifflante de fureur :

— Niet ! On va te donner une petite leçon. Stephan le fixa sans comprendre. L’affaire prenait vraiment vilaine tournure.

— Sto ?[7]

— Dis à tes deux singes de s’allonger à plat ventre, les bras écartés, à côté du perron.

Après une courte hésitation, Stephan se tourna vers les deux Tchétchènes et transmit l’ordre.

Les deux hommes obéirent sans un mot. Aussitôt, Ishan Kambiz lança quelques mots en farsi et un de ses hommes lui tendit son MP5 qu’il braqua sur les deux silhouettes étendues dans l’ombre.

— Dis-leur que s’ils bougent, je les arrose. A cette distance, ils n’avaient aucune chance d’échapper aux projectiles 9 mm.

Stephan traduisit et fit face à l’Iranien.

— Qu’est-ce que vous voulez ? demanda-t-il d’une voix étranglée.

Ishan Kambiz lui adressa un sale sourire, un très sale sourire. En dépit de sa tête ronde et de son petit corps replet, on n’avait pas du tout envie de se moquer de lui.

— Juste transmettre un message à ceux qui ont eu l’idée de cette arnaque, précisa-t-il, qu’ils n’aient plus jamais envie de recommencer…

Le Russe le regarda, surpris et soulagé, sans comprendre où il voulait en venir.

— Et c’est quoi, le message ?

Ishan Kambiz le fixa avec méchanceté.

— C’est toi ! Se retournant, il lança quelques mots en farsi. Aussitôt, Ali et Cyrus se ruèrent sur Stephan. En un clin d’œil, ils lui eurent lié les poignets derrière le dos avec une fine cordelette, et le forcèrent à s’asseoir. Ensuite, ils le traînèrent vers le perron, non loin de ses deux gardes du corps. L’Iranien, de la main gauche, ramassa la valise pleine de « Red Mercury » et s’approcha de Stephan.

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6

Bien ! Bien !