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Le cinquième jour je commençais à m'impatienter, lorsque mon ami m'envoya une lettre qu'il venait de recevoir pour moi, par laquelle le curé m'invitait à venir dîner chez lui le lendemain, pour y apprendre, de la bouche même de Claudine, des événemens très-extraordinaires, et que j'étais bien loin de soupçonner.

Ce n'est pas sans peine, me dit cet honnête homme, dés qu'il m'aperçut, ce n'est pas sans promesse, et même sans un peu de rigueur, que je suis parvenu à tout découvrir; mais, enfin, nous tenons le secret, et vous allez en être instruit.-Monsieur, répondis-je, vos engagemens seront remplis; toutes les récompenses que vous avez pu promettre seront acquittées; mais quelques mystérieuse, que doivent être nos opérations, quelque certitude que je puisse vous donner qu'une telle cause ne sera jamais jugée, il faut pourtant qu'à tout événement les plus sages précautions soient prises; ainsi, jetez les yeux sur deux de vos paroissiens, gens notables, discrets et bien famés, que nous placerons, si vous le voulez bien, près du lieu où nous allons entendre Claudine, afin qu'ils puissent certifier ses aveux au besoin.-Je n'y vois point d'inconvéniens, me dit le curé, et dans l'instant il envoya prendre deux fermiers, dont il étoit sûr, leur fit jurer le secret et les cacha derrière un rideau de l'autre côté duquel fut placé la chaise destinée à Claudine; elle arriva, et le pasteur l'ayant engagée à répéter les mêmes choses qu'elle lui avait dites; elle convint devant moi des trois faits suivans:

1°. Que, monsieur de Blamont s'était transporté chez elle le 13 août, surveille de la prétendue mort de Claire, et lui avait dit qu'il destinait à cette fille un sort des plus avantageux; mais qu'il avait à faire à une femme pi grièche, qui se déclarait contre l'établissement qu'il projetait pour cet enfant, parce qu'il s'agissait d'aller aux indes; que ne voulant, ni faire perdre à sa fille le riche mariage qu'il lui destinait, ni heurter de front les volontés de sa femme, il avait imaginé de faire passer cette petite fille pour morte, de l'élever secrètement loin de Paris, et de ne déclarer la fraude à sa femme que quand la jeune personne serait mariée; mais que le consentement de la nourrice était nécessaire à la réussite de son projet; qu'il lui demandait donc avec instance de ne pas s'opposer à une légère ruse, dont il ne devait résulter qu'un bien; que, elle, ne voyant rien à cela contre sa conscience, avait consenti à répandre le faux bruit de la mort de cette Claire, moyennant que le président la dédommagerait, ce qu'il avait fait sur-le-champ, par un présent de cinquante louis, et que dès le lendemain elle avait tout préparé pour le succès de la feinte.

2°. Qu'ayant mûrement réfléchi toute la journée du quatorze, au sort heureux dont le président lui avait dit que devait jouir la petite Claire, et sa fille à elle Claudine, se trouvant d'une ressemblance très-singulière avec celle du président, elle avait imaginée de mettre l'une a la place de l'autre, afin de faire le bonheur de sa fille; qu'en conséquence de cette résolution, elle avait préparée les deux ruses à-la-fois; qu'elle avait mis sa petite fille dans le berceau de Claire; qu'elle avait envoyée Claire comme son enfant chez une de ses voisines, en prétextant que le mauvais air était dans sa maison, et qu'elle n'y voulait pas exposer sa fille; que cette première scène arrangée, elle s'était occupée de l'autre; qu'elle avait publié la maladie de la fille de monsieur de Blamont, et peu-après sa mort; qu'elle avait mis le cadavre d'un chien dans une boîte de plomb devant le président même, accouru de Paris sur la nouvelle de la maladie de sa fille; que le service s'était fait, en conséquence, à la paroisse, et que monsieur de Blamont trompé comme il avait voulu tromper les autres, avait emmené dès le soir même la fille de Claudine au lieu de la sienne.