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Seulement, il est lancé, Sana. Il a besoin de dérouler sa bobine jusqu’au bout. Plus de spectateur ? Soit : il attendra seul la fin du film, l’apôtre !

Où en suis-je-t-il ?

— Oh ! yes : la vieille bignole trucidée. Ils reviennent dans la salle de bains et, sais-je quoi ? Le colon, mal noyé qui a ôté un carreau au-dessus de la baignoire et qui appelle à l’aide par l’ouverture. Ce vieux salingue (la plupart des vieux retraités le deviennent) avait trouvé cette astuce, de connivence avec sa voisine pétassière, pour la mater à travers le mur. Elle lui exécutait tout un cinoche cochon qu’il flashait au Polaroid pour, ensuite, égayer ses soirées veuvardes.

« Du reste, le cher homme s’est constitué un mignon album à feuilleter d’une main !

« À cet instant, tout va très vite pour Hans et Elsa. Leurs minutes sont comptées. Le colon mort, Scheunburger passe au salon et, parce que Pétsek, effaré par ces deux assassinats et terrifié par la présence “des autres”, en bas de l’immeuble, prétend déclarer forfait, il l’étrangle. Et de trois ! Puis il s’empare du fusil à retardement et praline le père Raspek, tout prix Nobel qu’il fût et qui mourra plus tard, d’une soi-disant crise cardiaque.

« Ce faisant, il m’aperçoit. Tu penses que des hyperchampions du crime comme lui connaissent leurs classiques. Santantonio en fait partie. L’idée lui vient alors de m’appeler. Ce qu’il veut, c’est créer une opération de diversion par rapport à l’équipe arabe ou israélienne qui les cerne. Il se dit que, intrigué, je vais mouler mes clams et ma maman et me mettre à “cornifler” dans le secteur. Seulement il se trouve que je ne vais réagir que plus tard, dans la soirée. Le destin…

« Pendant que Hans opère dans l’appartement, Elsa se rend chez les voisins. Elle a les photos compromettantes prises par Lemercier et qui dévoilent l’intimité la plus excavatrice de Madame. Chantage. La jolie Nathalie est embringuée de force dans la sale aventure. Pour désendolorir sa conscience, Elsa lui remet un paquet de talbins puis, devant l’imminence des périls, lui enjoint de planquer le fameux plan, objet de tout ce bignz. De la sorte, s’ils se font pincer, son Hans et elle, ils auront une monnaie d’échange pour négocier leurs peaux.

« Redoutant pour la sienne, la Masturbeaux marche à mort dans la combine, allant même jusqu’à accrocher un écriteau sur la porte de la loge de la pauvre Mme Macahuète qui était si gentille, avec ses chats et ses varices.

« Là, il lui a fallu du cran pour agir sans être retapissée par les gros méchants qui guettaient, à la sortie de la maison. »

Tiens, je m’aperçois que, depuis un bon moment, je reparle en français. C’est terrible la langue maternelle : elle t’habite pour toujours.

— Vous m’entendez, Elsa ? C’est Hans qui te parle. Hans ! Hans ! Ton grand amour.

Un chuchotis indistinct, mais qui contient le mot « amour » en allemand, je te parie ma burne gauche, celle qui est plus basse que l’autre parce que plus lourde.

— Vous avez quitté les lieux par les toits, en abandonnant volontairement le fusil. Sacrifice utile, car il allait désorienter et la Police française et vos poursuivants du Moyen-Orient, concentrer les recherches sur la piste Pétsek.

« Vous aviez rendez-vous le lendemain avec Séminal Tabriz au Relais-château du Val Fleuri pour lui livrer l’arme. Comme il devait vous remettre pas mal de blé, vous lui avez téléphoné pour l’informer qu’un empêchement momentané différerait sa remise mais que vous alliez lui donner le suractiveur, pièce maîtresse de l’engin.

« Tabriz a été le prendre mais a “oublié” de vous laisser le blé. Chef du réseau secret des Arbis en Europe, il était au courant de votre trahison. Je gage qu’un commando avait été dépêché au Val Fleuri, seulement il n’a pu que repartir en découvrant que la police cernait l’endroit. »

Ça pue vilain dans cette case ! Il faut une sacrée santé pour pouvoir exister dans un tel gourbi dénue-mentiel.

— Vous êtes une femme extraordinaire, Elsa. Vous avez réussi après l’échauffourée de l’hostellerie à récupérer vos putains de documents chez les Masturbeaux, à les tuer et à prendre vos avions ! Manque de pot, le second s’est crashé. Un coup de vos ex-amis arabes, je suppose ? Ils ont des « ramifications » un peu partout, et il est plus aisé de piéger un coucou des lignes intérieures brésiliennes qu’un jet intercontinental…

« Mais Satan veille sur vous, puisque vous n’êtes pas morte. À ma connaissance, il n’y a qu’un cas de survie comparable. Ça s’est passé au cours de la dernière guerre. Un aviateur anglais ou ricain, je ne me souviens plus très bien, qui a sauté sans parachute de son avion embrasé au-dessus des Alpes bavaroises et que la neige a sauvé. Maintenant, il ne nous reste plus qu’à me dire où sont les documents ? »

Fermé !

Je redis en teuton, mutisme !

Du temps passe. J’élève mon âme pour demander l’aide de « ceux d’en haut » : papa, grand-mère, Marie ». Une telle odyssée !

Et résultat ballepeau.

Je cherche une ruse pour niquer son subconscient. Une fois encore j’emploie l’allemand, prends une voix enrouée par l’amour, prétends être Hans, tout ça… Reviens à la charge, encore, encore, encore, comme on s’obstine à faire la respiration artificielle à quelqu’un qui a déjanté. Je bisotte un coin de son cou imblessé. Caresse sa chatte. Amour ! Hans ! Je t’aime ! Où est THE document ?

La réponse vient enfin, sèche et sûrement vraie :

— Perdu !

J’en chialerais.

Seulement le Requin survient, grand, hideux, mécontent.

— Dites, flic, ça commence à bien faire ! Je n’ai pas envie de passer la nuit près des décombres du zinc. Si vous ne rappliquez pas dare-dare, moi je file !

— O.K., je viens.

Il examine Elsa d’un œil ennuyé.

— Pas brillante, hein ? Vous savez ce que ce vieux dégueulasse d’Indien vient de me raconter ? Qu’il la baise ! Une bonne femme à l’agonie ! Faut avoir une queue d’acier, non ? Il paraît qu’au début il n’y parvenait pas : il a cru qu’elle était « barrée ». En réalité, il s’est aperçu qu’elle avait une capsule métallique dans la chatte !

Cette fois, je chancelle. Faut pouvoir assumer des émotions de cette ampleur !

Et ce bougre de vilain d’ajouter :

— La capsule, ça doit être ce putain d’étui à cigare que le Condor-de-mes-deux a suspendu au plafond, vous ne croyez pas ?

— Si, je crois !

CHAPITRE XXV

ULTIME : dernier, final.

Le ministre est assis à son burlingue, les mains croisées. Il a l’air d’un gros bulldog qui fait semblant d’être méchant.

Il me dit, avec un accent qui balance des bouffées d’ail :

— Môssieur le directeur, je vous félicite. Son Excellence l’ambassadeur d’Israël va arriver dans vingt minutes pour joindre ses compliments aux miens ; il paraît qu’on parle de donner votre nom à une rue de Tel-Aviv !

Il ricane :

— La gloire, non ?

Je sens du persiflage à travers l’ail.

— Les honneurs ne sont que des hochets, répliqué-je.

Le ministre reprend, de sa voix lourde et martelée qui fait penser à un égoutier en train de se déplacer, bottes aux pieds, dans les profondeurs rateuses de Paris :

— Dites-moi, mon cher, qu’est-ce qui vous a valu votre promotion comme directeur ?

Non, mais il m’attaque, gnafron !