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— Non, répliqua-t-il, mais toi, tu peux me rejoindre…

Il attendit sa réaction. Qui ne tarda pas…

— Dis donc, protesta Mandy d’une voix soudain aigre, tu ne serais pas en train de me monter un turbin ? Quand tu m’appelles comme ça, c’est toujours pour me foutre sur des histoires pas possibles. Où tu es ?

— A Brunei.

— Ah bon, fit-elle calmée, ronronnante, la voix brusquement chargée d’érotisme. Oh, ça me fait plaisir de te causer. Tu sais, le vieux Zag, il a quand même été gentil. Bien sûr, il n’a pas fini le palais, mais il m’a quand même filé quelques petites pierres. Il y a un diamant jonquille de vingt carats… Et puis une Silver Phantom. Il l’avait commandée à Londres, le pauvre, il n’a pas eu le temps de la voir. Mais on pourra baiser dedans… Alors on se voit quand ?

— Le temps que tu viennes.

— Ben, je peux être là ce soir.

— Je dirais plutôt demain soir.

— Eh ! protesta Mandy, plus ronronnante que jamais, je ne vais pas y aller en train en Hollande.

— Brunei n’est pas en Hollande, corrigea gentiment Malko. C’est au nord de Bornéo.

— Et alors ?

— Alors, Bornéo c’est à quinze mille kilomètres de Londres.

— Un hurlement de rage secoua le récepteur. Salopard ! Tu me mènes en bateau. Et crac, elle avait raccroché. Angelina éclata de rire… Malko, patient, refit le numéro. Cette fois, Mandy l’accueillit par une bordée d’injures. Dès qu’elle fut un peu calmée, il précisa suavement. – Mandy, j’ai besoin que tu me rendes un service. Un grand service…

— Qu’est-ce que tu as encore comme coup pourri ? lança-t-elle. Je n’ai pas envie de finir comme Sharnilar[24]. Et les Arabes, j’en ai ras le pompon.

— Ici, il n’y a pas d’Arabes, fit-il. Juste des Malais et des Chinois…

— C’est un zoo quoi, fit Mandy la Salope, avec un racisme blasé. Ecoute, quand tu viens à Londres, tu m’appelles et je t’envoie ma Rolls. Tchao !

Et crac, elle avait de nouveau raccroché. Patient, Malko rappela. Angelina se tordait.

— Qu’est-ce que tu veux encore ? hurla Mandy la Salope. Tu as fini de me pourrir la vie !

— Mandy, coupa Malko, tu n’as pas envie de connaître l’homme le plus riche du monde ?

La colère de Mandy tomba de plusieurs crans.

— Qui c’est ?

— Le Sultan de Brunei. Il a trente milliards de dollars d’économies… Et quatre millions de dollars en revenu à l’heure.

— Et alors, il ne va pas m’en faire cadeau…

— II suffit que tu les écornes, remarqua Malko

Mandy Brown soupira.

— Ecoute, j’ai un mec ici, beau comme un dieu, qui a décidé de ne plus être pédé à cause de moi. Il a un château de deux cents pièces et il veut m’épouser…

— Tu lui as parlé de ton passé ? demanda gentiment Malko.

Mandy Brown mit bien trente secondes à comprendre le message.

— Ordure ! glapit-elle. Tu me casserais mon coup. Je veux finir duchesse, moi ! Tire-toi.

Ça tournait mal. Malko n’avait plus qu’une carte à jouer.

— Mandy, fit-il. Nous avons un vieux compte. Souviens-toi, un jour, à Honolulu, je t’ai sauvé la vie… Je suis en danger de mort.

Il y eut un long silence, puis Mandy Brown demanda d’une toute petite voix.

— C’est vrai ?

— Oui. Et tu es la seule à pouvoir m’en sortir. Re-silence. Puis Mandy Brown lança :

— Tu es un enculé ! C’est sûrement pas vrai… Mais tu sais bien que je ne peux pas te dire non. Alors, c’est où ton truc ?

— Je vais te faire porter un billet d’avion, jura Malko.

— Dis donc, fit-elle méfiante, tu me jures que ce n’est pas des Arabes…

— Juré.

— Bon. Viens me chercher à l’aéroport.

— Impossible. Je t’enverrai une amie. Elle est charmante.

Nouvelle explosion.

— Ça ne va pas, non ! Je veux que tu viennes.

— Impossible, répéta Malko. Réveille-toi, maintenant, tu vas sûrement prendre l’avion dans la journée. J’ai hâte que tu sois là. Tu verras, c’est très amusant, Brunei…

— Il y a une plage ?

— Immense !

— Je suis une conne, fit-elle, découragée. Je te jure que c’est la dernière fois que tu me fais le coup…

Elle raccrocha violemment.

— C’est moi qui vais accueillir cette tigresse ? demanda Angelina.

— Elle sera adorable, promit-il. En ce moment, elle s’étiole… Tant qu’elle ne ruine pas un homme ou qu’elle ne brise pas un cœur, elle s’ennuie. Et c’est une coriace.

— Tu crois qu’elle va plaire ici ?

Malko sourit.

— Si elle ne plaît pas, je change de métier…

Mandy la Salope était son dernier atout. Il n’avait pas encore osé annoncer à Angelina que son suspect numéro un était Hadj Ali, son amant. Il allait bien falloir s’y résoudre, pourtant. Comment réagirait la jeune femme ?

* * *

Le prince Mahmoud écarta d’un coup de klaxon impératif une voiture qui ne se garait pas assez vite. Jalan Tutong était encombrée et il dut se faufiler entre les véhicules, faisant rugir le moteur de sa Ferrari rouge.

Soudain, un autre automobiliste avec une grosse Mercedes commença à faire la course avec lui l’empêchant de doubler ! Parfois ça amusait le prince, mais là, il se rendait à l’aéroport et ne voulait surtout pas être en retard.

Tapant comme un fou sur son volant, il accéléra, les traits crispés. Avec ses moustaches fournies en guidon de bicyclette de chaque côté de la bouche, il ressemblait à un mongol, ressemblance accentuée par la mâchoire saillante…

Les deux véhicules débouchèrent enfin sur le petit freeway menant à l’aéroport, mais, comble de lèse-majesté, la Mercedes ne se rangea pas… Mahmoud, ivre de fureur, finit par se faufiler par les bas-côtés Au risque d’écraser l’aile de sa Ferrari, il fit une queue de poisson à la Mercedes et la bloqua. En le reconnaissant, le conducteur pâlit, descendit de sa voiture. Mahmoud lui arrivait tout juste à l’épaule

Pourtant ce dernier se rua vers lui et le gifla toute volée.

— Tu n’as pas honte de te conduire ainsi !

L’autre bredouilla une vague excuse, tandis que Mahmoud remontait dans sa Ferrari. Il voulait bien faire la course à condition de gagner… L’aéroport n’était plus qu’à un kilomètre. Khoo, le « side-kick[25] » chinois, lui avait mis l’eau à la bouche en lui promettant une créature extraordinaire à l’arrivée du vol de Bangkok…

Il se gara en face de l’aérogare et descendit sous les regards respectueux des porteurs. Khoo, embusqué derrière un pilier, surgit, obséquieux à souhait, et se plia en deux.

— Pengiran, l’avion vient de se poser. Mrs Fraser est venue la chercher, mais j’arrangerai très vite un rendez-vous avec Votre Altesse.

* * *

Mandy la Salope avança dans la coursive ripolinée, très droite, les seins en avant, la croupe callipyge moulée par une robe de jersey gris. Les bas noirs à couture soulignaient le galbe de ses jambes. Elle avait complètement oublié qu’il faisait chaud à Bornéo… Le « 747 » d’Air France s’était posé pile à l’heure à Bangkok avant de repartir sur Hong-Kong et elle avait eu largement le temps pour sa correspondance. La balayeuse brunéienne, la tête recouverte d’un foulard, regarda cette créature d’un autre monde avec stupéfaction.

Derrière la vitre, Mahmoud en avalait sa moustache. La moitié des seins de Mandy Brown suffisait déjà à le rendre fou… Il la suivit comme un épagneul en rut. Il la voulait, il la lui fallait… Et cette démarche ! Il l’imaginait déjà sous lui. Quand elle ôta ses lunettes noires à l’Immigration et qu’il reçut le choc de ses yeux bleus, il manqua défaillir.

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24

La veuve de l’Ayatollah.

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25

Faire-valoir.