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SONIA

C’est presque fini.

GERMAINE

Presque n’est pas tout à fait. (Regardant la pendule.) Cinq heures moins cinq. Jacques en retard ! Ce sera la première fois.

SONIA, tout en écrivant.

Le duc a peut-être poussé jusqu’au Château de Relzières pour voir son cousin… bien qu’au fond je ne croie pas que le duc aime beaucoup monsieur de Relzières. Ils ont l’air de se détester.

GERMAINE

Ah ! Vous l’avez remarqué ? Maintenant, du côté de Jacques… il est si indifférent ! Pourtant il y a trois jours, quand nous avons été voir les Relzières, j’ai surpris Paul et le duc qui se querellaient.

SONIA, inquiète.

Vrai ?

GERMAINE

Oui, ils se sont même quittés très drôlement.

SONIA, vivement.

Mais ils se sont donné la main ?

GERMAINE, réfléchissant.

Tiens ! non.

SONIA, s’effarant.

Non ! mais alors ?

GERMAINE

Alors quoi ?

SONIA

Le duel… le duel de monsieur de Relzières…

GERMAINE

Oh ! Vous croyez ?

SONIA

Je ne sais pas, mais ce que vous me dites… L’attitude du duc ce matin… Cette promenade en voiture.

GERMAINE, étonnée.

Mais… Mais oui… c’est très possible… c’est même certain…

SONIA, très agitée.

C’est horrible… Pensez-vous, Mademoiselle… S’il arrivait quelque chose… Si votre fiancé…

GERMAINE, plus calme.

Ainsi, ce serait pour moi que le duc se battrait ?

SONIA

Et avec un adversaire de première force, vous l’avez dit, imbattable ! (Elle s’est dirigée vers la terrasse.) Que faire ? Et l’on ne peut rien… (Brusquement.) Ah ! Mademoiselle !

GERMAINE

Quoi ?

SONIA

Un cavalier, là-bas…

GERMAINE, accourant.

Oui… il galope…

SONIA, battant des mains.

C’est lui ! C’est lui !

GERMAINE

Vous croyez ?

SONIA

J’en suis sûre ! C’est lui !…

GERMAINE

Il arrive juste pour le thé ! Il sait que je n’aime pas attendre. Cinq heures moins une minute… Il m’a dit cinq heures tapant je serai là, et il sera là.

SONIA

Impossible, Mademoiselle, il faut qu’il fasse le tour du parc. Il n’y a pas de route directe. La rivière est là.

GERMAINE

Pourtant, il vient en droite ligne.

SONIA, inquiète.

Non, non, ce n’est pas possible.

GERMAINE

Il traverse la pelouse. Tenez, il va sauter… Regardez-le, Sonia.

SONIA

Mais c’est affreux ! (Se cachant les yeux.) Ah !

GERMAINE, criant.

Bravo ! ça y est ! Il a sauté ! Bravo, Jacques ! C’est un cheval de sept mille francs. Vite, une tasse de thé… Il était admirable en sautant. Ah ! un duc, voyez-vous ! Vous étiez là quand il m’a donné son dernier cadeau ?… Ce pendentif entouré de perles…

SONIA, regardant le pendentif dans son écrin.

Oui, merveilleux.

Scène IV

LES MÊMES, LE DUC

LE DUC, entrant et gaiement.

Si c’est pour moi, beaucoup de thé, très peu de crème et trois morceaux de sucre. (Regardant sa montre.) Cinq heures ! ça va bien.

GERMAINE

Vous vous êtes battu ?

LE DUC

Ah ! vous savez ?…

GERMAINE

Pourquoi vous êtes-vous battu ?

SONIA

Vous n’êtes pas blessé, monsieur le Duc ?

GERMAINE

Sonia je vous en prie, les adresses. (Au duc.) C’est pour moi ?

LE DUC

Ça vous ferait plaisir que ce fût pour vous ?

GERMAINE

Oui, mais ça n’est pas vrai, c’est pour une femme.

LE DUC

Si ça avait été pour une femme, ça n’aurait pu être que pour vous.

GERMAINE

Évidemment, ça ne pouvait pas être pour Sonia ni pour ma femme de chambre. Mais, peut-on savoir le motif ?

LE DUC

Oh ! Un motif puéril… J’étais de méchante humeur et Relzières m’avait dit un mot désagréable.

GERMAINE

Alors, mon cher, si ce n’était pas pour moi, ce n’était vraiment pas la peine.

LE DUC, taquin.

Oui, mais si j’avais été tué, on aurait dit : « Le duc de Charmerace a été tué pour Mlle Gournay-Martin. » Ç’aurait eu beaucoup d’allure.

GERMAINE

N’allez pas recommencer à m’agacer…

LE DUC

Non, non.

GERMAINE

Et Relzières, est-ce qu’il est blessé ?

LE DUC

Six mois de lit.

GERMAINE

Ah ! mon Dieu !

LE DUC

Ça lui fera beaucoup de bien… Il a une entérite… et pour l’entérite, le repos, c’est excellent. Ah ! nom d’un chien, ce sont des invitations, tout ça ?

GERMAINE

Ça n’est que la lettre V.

LE DUC

Et il y en vingt-cinq dans l’alphabet ! Mais vous allez inviter la terre entière, il faudra faire agrandir la Madeleine.

GERMAINE

Ce sera un mariage très bien, On s’écrasera ! Il y aura sûrement des accidents.

LE DUC

À votre place, j’en organiserais… Mademoiselle Sonia, voulez-vous être un ange ? Jouez-moi un peu de Grieg. Je vous ai entendue hier. Personne ne joue du Grieg comme vous.

GERMAINE

Pardon, mon cher, mais Mlle Krichnoff a à travailler.

LE DUC

Cinq minutes d’arrêt, quelques notes, je vous en prie.

GERMAINE

Soit, mais j’ai une chose très importante à vous dire.

LE DUC

Tiens ! au fait, moi aussi. J’ai là le dernier cliché que j’ai pris de vous et de Mlle Sonia. (Germaine hausse les épaules.) Avec vos robes claires en plein soleil, vous avez l’air de deux grandes fleurs.

GERMAINE

Oui, et vous trouvez que c’est important ?

LE DUC

C’est important comme tout ce qui est puéril. Tenez, admirez.

GERMAINE

Affreux ! Nous faisons des grimaces épouvantables.

LE DUC

Vous faites des grimaces, mais elles ne sont pas épouvantables. Mademoiselle Sonia, je vous fais juge… Les figures je ne dis pas… mais les silhouettes… Regardez le mouvement de votre écharpe…

GERMAINE, gravement.

Mon cher…

LE DUC

C’est vrai… La chose importante…

GERMAINE

Victoire a téléphoné, de Paris.

LE DUC

Ah ! Ah !

GERMAINE

Nous avons reçu un encrier Louis XVI et un coupe-papier.

LE DUC

Bravo !

GERMAINE

Et un collier de perles.

LE DUC

Bravo !

GERMAINE

Je vous dis un collier de perles, vous dites bravo. Je vous dis un coupe-papier, vous dites : bravo ! Vous n’avez vraiment pas le sentiment des nuances.

LE DUC

Pardon. Ce collier de perles est d’un ami de votre père, n’est-ce pas ?