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Pas au point d’expédier les objets en gare des Batignolles, j’espère ?

GERMAINE

Non, mais au point de s’affoler, et comme nous avions lu dans un journal de Rennes que Guerchard, le célèbre policier, le seul adversaire vraiment digne d’Arsène Lupin, se trouvait dans cette ville, papa nous y entraîne. En dix minutes on tombe d’accord. La nuit du 27 arrive, Guerchard avec deux inspecteurs de confiance s’installe dans ce hall où se trouvaient alors les collections. La nuit se passe très tranquille, rien d’insolite, pas un seul bruit… Dès l’aurore nous nous précipitons…

LE DUC

Eh bien ?

GERMAINE

Eh bien, c’était fait.

LE DUC

Quoi ?

SONIA

Tout !

LE DUC

Comment tout ? Les tableaux ?

GERMAINE

Enlevés !

LE DUC

Les tapisseries ?

SONIA

Plus de tapisseries.

LE DUC

Et le diadème aussi ?

GERMAINE

Ah ! non ! Il était au Crédit Lyonnais, celui-là. C’est sans doute pour se dédommager qu’il a pris votre portrait, car Lupin n’avait pas annoncé ce vol-là dans sa lettre.

LE DUC

Mais voyons, c’est invraisemblable. Il avait donc hypnotisé Guerchard, ou lui avait fait respirer du chloroforme.

GERMAINE

Guerchard ? Mais ça n’avait jamais été Guerchard.

LE DUC

Comment ?

SONIA

C’était un faux Guerchard. C’était Lupin.

LE DUC

Alors, ça, vraiment, ce n’est pas mal. Quand il a appris cette histoire, qu’a fait le vrai Guerchard ?

SONIA

Il en a fait une maladie.

GERMAINE

Et c’est depuis ce temps-là qu’il a voué à Lupin une haine mortelle.

LE DUC

Et on n’a jamais pu remettre la main sur le faux Guerchard ?

GERMAINE

Jamais. Pas l’ombre d’une trace. Nous n’avons de lui qu’une lettre et cet autographe…

(Elle désigne la signature de Lupin derrière la tapisserie écartée.)

LE DUC

Fichtre ! C’est un habile homme.

GERMAINE, riant.

Très habile ! et quand il serait dans le voisinage, cela ne me surprendrait qu’à moitié.

LE DUC

Oh !

GERMAINE

Je plaisante, mais on a changé des objets de place ici. Tenez cette statuette… Et on ne sait pas qui… Et, de plus, on a cassé ce carreau, juste à la hauteur de l’espagnolette.

LE DUC

Tiens ! Tiens !

FIRMIN, entrant.

Mademoiselle reçoit ?

GERMAINE

Firmin ! C’est vous qui êtes à l’antichambre ?

FIRMIN

Dame, faut ben, Mademoiselle. Tous les domestiques sont partis pour Paris… La visite peut-elle pénétrer ?

LE DUC, riant.

Pénétrer ! Firmin, vous êtes épatant !

GERMAINE

Qui est-ce ?

FIRMIN

Deux messieurs. Ils ont dit qu’ils avaient prévenu.

GERMAINE

Deux messieurs ? Qui ça ?

FIRMIN

Ah ! je n’ai pas la mémoire des noms.

LE DUC, en riant.

C’est commode…

GERMAINE

Ce n’est pas les deux Charolais au moins ?

FIRMIN

Ça ne doit pas être ça.

GERMAINE

Enfin, faites entrer.

(Firmin sort.)

LE DUC

Charolais ?

GERMAINE

Oui. Figurez-vous que tout à l’heure, on nous a annoncé deux messieurs ; j’ai cru que c’étaient Georges et André du Buit…, oui, ils nous avaient promis de venir prendre le thé tout à l’heure. Je dis à Alfred de les introduire…, et nous avons vu surgir… (Elle se retourne et voit Charolais et son fils.) Oh !

Scène V

LES MÊMES, LES QUATRE CHAROLAIS

CHAROLAIS

Mademoiselle, mes civilités.

(Il salue. Le fils salue également et démasque un troisième individu.)

SONIA, à Germaine.

Tiens, il y en a un de plus.

CHAROLAIS, présentant.

Mon second fils, établi pharmacien.

(Le second fils salue.)

GERMAINE

Monsieur, je suis désolée… Mon père n’est pas encore rentré.

CHAROLAIS père.

Ne vous excusez pas… il n’y a pas de mal.

(Ils s’installent.)

GERMAINE, un instant de stupeur et coup d’œil à Sonia.

Il ne rentrera peut-être que dans une heure. Je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps.

CHAROLAIS

Oh ! il n’y a pas de mal. (Avisant le duc.) Maintenant, en attendant… si monsieur est de la famille on pourrait peut-être discuter avec lui le dernier prix de l’automobile.

LE DUC

Je regrette, ça ne me regarde en aucune façon.

FIRMIN, entrant et s’effaçant devant un nouveau visiteur.

Si monsieur veut pénétrer par ici…

CHAROLAIS

Comment ! Te voilà ? Je t’avais dit d’attendre à la grille du parc.

BERNARD CHAROLAIS

Je voulais voir l’auto aussi.

CHAROLAIS

Mon troisième fils. Je le destine au barreau.

(Bernard salue.)

GERMAINE

Ah ! ça, mais combien sont-ils ?

LA FEMME DE CHAMBRE

Monsieur vient d’arriver, Mademoiselle.

GERMAINE

Eh bien, tant mieux. (À Charolais.) Si vous voulez me suivre, Messieurs, vous allez pouvoir parler à mon père tout de suite.

(Pendant ce temps, Charolais et ses fils se sont levés. Bernard est resté debout près de la table. Germaine sort suivie par Charolais et ses deux, fils. Bernard qui paraît admirer le salon empoche deux objets qui sont sur la table et va pour sortir.)

LE DUC, vivement à Bernard.

Non, pardon jeune homme.

BERNARD CHAROLAIS

Quoi ?

LE DUC

Vous avez pris un porte-cigarettes.

BERNARD CHAROLAIS

Moi, mais non. (Le duc empoigne le bras du jeune homme et fouille dans la casquette qu’il tient à la main. Il en sort le porte-cigarettes. Feignant la stupeur.) C’est… C’est… par mégarde.

(Il veut sortir.)

LE DUC, le retenant, sortant un écrin de la poche intérieure de Bernard.

Et ça, c’est par mégarde aussi ?

SONIA

Mon Dieu ! le pendentif !

BERNARD CHAROLAIS, avec égarement.

Pardonnez-moi, je vous en supplie, ne me trahissez pas.

LE DUC

Vous êtes un petit misérable !

BERNARD CHAROLAIS

Je ne recommencerai plus jamais… par pitié… si mon père savait… par pitié…

LE DUC

Soit !… pour cette fois… (Le poussant vers la porte.) ! Allez au diable !