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- Tu devrais garder ton speech pour le grand conseil ! balance Bétamèche, aussi moqueur qu'à son habitude.

Sélénia le dévisage un instant, puis semble chercher quelque chose au fond de sa mémoire.

- Dis-moi, Bétamèche, ça fait longtemps que je ne t'ai pas étranglé, non ?

Arthur s'interpose aussitôt.

- La solution n'est sûrement pas de s'étrangler les uns les autres !

- Alors quelle est la solution, monsieur je sais tout ? se met à hurler Sélénia, dont les nerfs commencent à lâcher.

Arthur s'approche d'elle, lui met gentiment les mains sur les épaules et l'oblige à s'asseoir.

- Il faut juste réfléchir un peu plus calmement. L'action vient toujours après la réflexion ! dit sagement Arthur, qui se frotte les tempes comme pour stimuler son cerveau. Résumons la situation : M est grand, nous sommes petits. Un point pour lui. Mais il est dans un monde qu'il ne connaît pas et que je connais bien. Un point pour nous...

- Connaissant M, il ne va pas mettre longtemps à monter une armée et à envahir ton pays ! lance Sélénia avant que Bétamèche n'ajoute :

- Il a mis à peine une lune pour envahir les Sept Terres et à l'époque il ne mesurait que trois millimètres !

- C'est un facteur qu'il faut prendre en considération et cela lui donne un autre point d'avance, continue Arthur, toujours aussi concentré. Il faut donc grandir au plus vite et rétrécir M avant qu'il ne nuise !

- Bravo ! Formidable ! Voilà une situation parfaitement résumée ! s'écrie Sélénia en levant les yeux au ciel. Et comment comptes-tu t'y prendre ? Ingurgiter des centaines de soupes à la sélénielle afin de gagner, le plus rapidement possible, un millimètre ?!

Arthur sait bien que la soupe fait grandir, et peut-être celle à la sélénielle plus que les autres, mais la solution ne viendra pas de ce côté. La solution est ailleurs, Arthur le sait et il fouille dans sa mémoire en tous sens à la recherche de cette idée, qu'il sait cachée quelque part, au fond de son cerveau. Malheureusement, sa mémoire a l'air aussi mal rangée que sa chambre et il ne parvient pas à trouver ce qu'il cherche.

Remarquez, il n'est pas le seul à ne pas ranger sa chambre.

Archibald, son grand-père, n'est pas franchement un exemple en la matière car son grenier est le pire des capharnaüms. Si sa mémoire était à l'image de son grenier, Archibald n'arriverait même plus à se souvenir de son prénom. Il n'y a guère que ses livres qui soient bien rangés, tous bien alignés sur les étagères, juste au-dessus du bureau.

- Les livres ! se met à hurler Arthur.

Bétamèche sursaute et s'accroche instinctivement au cou de sa sœur.

- Quels livres ? demande la princesse.

- Les livres de mon grand-père Archibald !

- Tu penses que c'est dans les livres qu'on va trouver la recette pour grandir ? s'étonne Bétamèche.

- Non ! La recette est entre les livres ! s'écrie Arthur qui vient de retrouver le petit bout de mémoire qu'il cherchait.

Effectivement, au début de cette aventure, avant de rejoindre les Minimoys, Arthur s'était assis au bureau de son grand-père. C'était une nuit de pleine lune et il attendait nerveusement minuit pour passer à travers le rayon et rejoindre sa bien-aimée. Comme il était fort impatient, il avait, pour la dixième fois de la journée, consulté le grand livre d'Archibald. Il n'y avait que la page cinquante-sept qui l'intéressait, la page où le grand-père avait crayonné au fusain un portrait de la princesse Sélénia.

Arthur pouvait passer des heures à regarder ce dessin et à en caresser les contours. Mais à l'heure du dîner, il avait soigneusement refermé le livre et c'est au moment de le remettre à sa place qu'il avait aperçu cette petite fiole.[1]

Sur l'étiquette il y avait une petite illustration ne laissant aucun doute sur le pouvoir du produit qu'elle contenait.

- Es-tu bien sûr que ce produit te permette de grandir et non de rapetisser ? demande à juste titre Sélénia.

- C'est vrai qu'il vaudrait mieux en être sûr ! ajoute Bétamèche. Je suis le plus petit de la bande et je n'ai pas vraiment envie de passer sous la barre du millimètre !

- Je pense que ça marche dans les deux sens, affirme Arthur. Il rend petites les grandes personnes et donne une taille humaine aux gens de petite taille.

- Qu'est-ce que tu entends par « taille humaine » ?! s'indigne aussitôt la princesse. On n'est pas assez humain à ton goût ?!

Arthur commence à mouliner des bras pour trouver des excuses.

- Mais pas du tout ! Tu es la plus humaine des humains que j'ai rencontrés ! Je veux dire... c'est pas parce que tu es petite...

- Ah ! Tu me trouves petite maintenant ! réplique Sélénia, qui commence à virer au rouge.

- Pas du tout ! Tu es très belle ! Je veux dire... très grande !! Arthur s'emmêle dans ses explications et ne sait plus comment se dépêtrer de cette situation. Ce que je veux dire, c'est que je suis sûr que ce produit nous permettra d'acquérir une taille suffisante pour affronter M à armes égales ! finit par dire le jeune garçon.

Sélénia le regarde un instant, comme si elle évaluait rapidement la situation et la solution proposée.

- D'accord ! Allons-y ! finit-elle par lancer, avant de partir vers le palais royal.

- Allons-y... où ? demande Arthur, qui semble avoir manqué une étape.

- Eh bien, on réunit le conseil, on sort l'épée de la pierre, on monte jusqu'au bureau de ton grand-père, on boit la potion contenue dans la fiole et on met une raclée à ce satané Maltazard ! balance la princesse d'une traite.

Bétamèche sursaute à l'annonce du nom interdit, tellement il porte malheur. Mais Sélénia hausse les épaules.

- Au point où en est, je ne vois pas quel malheur supplémentaire pourrait bien nous tomber dessus !

À peine la princesse a-t-elle fini sa phrase qu'un grondement sourd commence à monter. La route en pierres du village vibre de partout, et de la terre, comme une pluie fine, tombe du plafond.

Sélénia lève les yeux vers la voûte qui protège le village.

- Mais que diable se passe-t-il en surface ?

Chapitre 3

Une grosse voiture de police vient écraser les graviers, devant le perron de la maison. Son puissant moteur de douze cylindres vibre jusqu'au pays des Minimoys.

Le chef de la police, le lieutenant Martin Baltimore, coupe le moteur et met sa casquette avant de sortir du véhicule. Il est très méticuleux, le lieutenant, et aussi très à cheval sur les règles, surtout quand il est en service. Il rajuste sa cravate, vérifie que son badge de police est bien accroché, replace un peu son ceinturon qui fourmille de gadgets et se dirige vers la porte d'entrée.

Il tire la chaîne qui actionne aussitôt la cloche. Son partenaire le suit à quelques mètres. Simon est beaucoup plus jeune et n'est dans la police que depuis un an. Il n'a donc pas encore tous les réflexes.

- Oups ! dit-il en ratant une marche et en se rattrapant de justesse à la balustrade. J'ai bien failli tomber ! ajoute-t-il en ricanant bêtement.

- Simon, ton badge ! lance le lieutenant.

Le jeune vérifie sa chemise et constate que le rabat de sa pochette couvre en partie son insigne. Simon arrange la chose comme il peut, mais il a visiblement accroché son badge au mauvais endroit.

- Le badge quatre doigts sous la poche gauche, petit. Nulle part ailleurs ! explique Martin, en vieux routier qu'il est.

- Ah ! Merci pour le tuyau ! répond le jeunot en décrochant son insigne, pour se plier à la consigne.

Mais Simon est décidément bien maladroit et son badge lui échappe des mains. Martin soupire et lève les yeux au ciel. Simon baragouine des excuses, fait deux pas et se penche pour ramasser son insigne. Il est donc en parfaite position pour prendre la porte en pleine figure. Paf sur le pif ! Le bruit est énorme et le craquement très désagréable. On préfère imaginer que c'est le bois de la porte qui a craqué ainsi car si c'est le nez de ce pauvre officier, il ne va pas lui rester grand-chose à moucher. Le choc a été si violent que le brave garçon a reculé de quelques pas, juste le nombre nécessaire pour perdre l'équilibre sur les marches du perron. Simon pousse un cri et part dans les airs. Il exécute une pirouette impressionnante qui, aux championnats du monde de gymnastique acrobatique, lui aurait valu au moins dix points. Simon s'emmêle les bras et les jambes et son badge vole dans les airs. Il finit par atterrir, comme un avion en perdition, dans un petit parterre fleuri pas vraiment prévu à cet usage.