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— Mais je ne suis pas un saint, bordel de Dieu !

— Ce sera au Vatican d’en décider, à la Congrégation des Rites, pour être plus précis, d’ici deux ou trois cents ans, si on cherche à vous canoniser… Quoi qu’il en soit, le dernier de nos ogres est allé plus loin que tous les autres. Votre ami Théo lui avait sans doute beaucoup parlé de vous, en toute ingénuité, avec admiration, et votre côté grand frère, protecteur d’orphelins, n’a fait que décupler sa haine. Il vous a vu sous les traits d’un saint Nicolas sauvant les innocents du saloir. Or le saloir était à lui. C’était lui qui le remplissait. Vous lui voliez son dîner en quelque sorte. Voilà un homme qui vous a haï comme vous ne le serez jamais plus. En se faisant tuer par vous sous les yeux de la police, il a organisé un flagrant délit qui aurait dû vous être fatal. Comble de raffinement, il a même pris soin de vous séduire au préalable. Car il vous a bel et bien séduit, l’autre nuit, dans le métro, non ?

(Si.)

— Imaginez sa joie, quand il a compris que vous tombiez dans le piège. Il est mort, persuadé qu’on vous collerait les six meurtres sur le dos.

— Comment s’appelait-il ?

Regard muet. La lumière qui décroît.

— Ici, vous vous heurtez au secret, mon garçon. Il était respectable, comme on dit.

(Et voilà, tu avais raison, mon vieux Théo…)

En conséquence, les conclusions de l’enquête seront tenues secrètes. Les bombes n’exploseront plus dans le Magasin. Mais Sainclair remplacera les flics par des vigiles qui continueront à fouiller la clientèle pour faire grimper le chiffre d’affaires. Les vigiles joueront les monuments aux Morts. (Le premier devoir d’un monument aux Morts, c’est d’être vivant.)

Encore deux petites choses. Comme je demande à Coudrier pourquoi il n’est pas intervenu, pourquoi il m’a laissé plonger sur le gorille, il a une réponse gaullienne ; il dit :

— Il fallait que cela fût fait.

Et, un peu plus tard, en me raccompagnant à la porte :

— Vous avez eu tort de vous faire renvoyer du Magasin, Monsieur Malaussène : Bouc Emissaire, vous faisiez ça très bien.

En sortant de la P.J., j’ai espéré une seconde qu’une 4 CV jaune citron m’attendrait, garée sous une interdiction de stationner. J’avais le plus grand besoin de me lover dans les vallons de sa propriétaire et de m’y assoupir, à l’ombre. Mais non. Il n’y avait que le trou noir du métro. Bon. Ce sera une nuit sans Julia. Une nuit Julius.

39

A la maison, plusieurs surprises m’attendaient. Un énorme paquet de lettres d’embauche, d’abord. Que j’ai foutues au panier une fois lues. Toutes les entreprises du pays se proposaient d’engraisser du Bouc Emissaire.

Que dalle, fini, « plou zamais ça », comme disait un pape à propos d’une guerre.

La dernière des enveloppes émanait du ministère de l’Education Nationale. Je l’ai ouverte rien que pour voir combien le Ministre m’offrait pour me faire piétiner en son nom.

Il ne m’offrait rien. Il me demandait juste de rembourser le C.E.G. de Jérémy. Ci-joint l’addition.

J’étais en train de compter les zéros quand l’interphone a grésillé.

— Ben ? Descends vite, il y a une surprise pour toi.

Evidemment, je me suis rué.

La surprise était de taille. (Elle était même le double d’elle-même !)

Maman ! C’était maman.

Elle était jolie comme une maman. Elle était encore jeune comme une maman. Et elle était enceinte jusqu’aux dents, comme une jeune et jolie maman.

J’ai dit :

— Maman ! Maman !

Elle a dit :

— Benjamin, mon tout petit !

Elle a essayé de me serrer dans ses bras, mais l’autre, à l’intérieur, faisait déjà opposition.

J’ai dit :

— Et Robert ?

Elle a répondu :

— Plus de Robert.

J’ai montré le petit sphérique.

— Et lui ?

Elle a répondu :

— C’est le dernier, Ben, je te le jure.

J’ai décroché mon téléphone et j’ai appelé la Reine Zabo.

FIN