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— Richard vous a branché, je crois, sur Aisha Mokhtar, la maîtresse de Sultan Hafiz Mahmood. Ce film démontre qu’il joue un rôle crucial dans cette opération. Il y a de sérieuses chances pour que cette Pakistanaise soit en possession d’informations importantes. Pensez-vous avoir une chance de les obtenir rapidement ? Malko répondit sans hésitation :

— Sûrement pas. C’est une opération de longue haleine. Je l’ai invitée dans mon château ces jours-ci et ce n’est qu’un début.

Le Britannique et Richard Spicer échangèrent un long regard, puis Sir George Cornwell annonça d’une voix calme :

— Je pense que vous allez être obligé de la décommander…

— Vous comptez l’arrêter ?

— Non, mais nous avons d’autres projets pour vous. Nous souhaitons que vous partiez rapidement au Pakistan. Un pays que vous connaissez bien, je crois ?

— C’est exact, confirma Malko, mais serai-je plus utile là-bas ? Alors qu’en Europe, je suis le mieux placé pour « traiter » Aisha Mokhtar. Je pense qu’au Pakistan, votre service et l’Agence disposent de moyens puissants. M. John Gilmore, ici présent, paraît y avoir d’excellents contacts, puisque c’est grâce à lui que vous avez récupéré le caméscope.

— Vous avez raison, reconnut le patron du MI6, mais Richard Spicer et moi-même, après avoir consulté nos gouvernements respectifs, avons décidé de mener une action clandestine afin de nous assurer de la personne de Sultan Hafiz Mahmood. La maîtrise de l’opération étant confiée à la CIA, vous correspondez parfaitement au profil du chef de mission capable de mener à bien cette affaire.

Malko demeura impassible.

— Vous avez donc décidé de kidnapper ce Pakistanais ? conclut-il.

Richard Spicer lui répondit :

— Right.

Malko n’était pas vraiment surpris. Depuis le 11 septembre 2001, la CIA s’était affranchie de certaines règles légales dans les affaires de terrorisme. Le gouvernement italien, récemment, avait fait semblant de découvrir le kidnapping d’un certain Oussama Mustapha Hassan Nasser, activiste lié à Al-Qaida, enlevé en 2003 à Milan par treize agents de la CIA, et expédié ensuite en Égypte sur un Learjet de l’Agence fédérale américaine.

— Enlever Sultan Hafiz Mahmood, est-ce vraiment la meilleure solution ? demanda-t-il.

Sir George Cornwell but un peu de thé et avoua avec un sourire un peu contraint :

— Si cette affaire se passait dans un pays normal, nous ne penserions même pas à une solution aussi extrême. Mais le Pakistan n’est pas un pays normal. Si nous le demandons à nos homologues de l’ISI, ils vont, certes, arrêter Sultan Hafiz Mahmood, et vraisemblablement lui arracher des aveux. Seulement, cette affaire touche un point extrêmement sensible : le programme nucléaire militaire secret du Pakistan. Ils risquent donc de nous livrer une version expurgée de ses aveux. Et si nous insistons pour l’interroger nous-mêmes, il lui arrivera un « accident » cardiaque.

— Je pense, effectivement, que vous avez raison, reconnut Malko.

Richard Spicer enfonça le clou, à son tour.

— Chaque heure compte, martela-t-il. Maintenant que nous sommes certains que ce n’est pas un bluff, nous devons coûte que coûte retrouver la trace de cet engin nucléaire, afin de pouvoir prendre des contre-mesures. Sultan Hafiz Mahmood est en mesure de nous l’apprendre. Et aussi à qui cette bombe est destinée.

— New York ? avança Malko.

— Peu importe, coupa Sir George Cornwell, il faut agir vite.

— Vous comptez l’emmener aux États-Unis ? demanda Malko à Richard Spicer.

C’est le patron du MI6 qui répondit.

— Non, ici. L’IRA nous a habitués à utiliser parfois des méthodes peu orthodoxes, mais efficaces…

— Vous êtes absolument certain qu’on ne peut pas tordre le bras des Pakistanais ? insista Malko.

Sir George Cornwell le regarda droit dans les yeux.

— My dear, je vais vous raconter une histoire. En 1998, à Islamabad, un de nos agents en poste dans cette ville – un garçon brillant et plein de séduction – avait noué une liaison avec une jeune Pakistanaise nommée Nina Aziz. Le père de cette dernière était officier supérieur de l’aviation pakistanaise et, par ce biais, elle était introduite dans des cercles très fermés. Bien entendu, notre agent l’avait chargée de recueillir des informations sur le programme nucléaire pakistanais… Eh bien, un jour, on a retrouvé la tête de cette jeune femme dans une zone boisée d’Islamabad, au pied des Margalla Hills. Son domestique a été accusé du meurtre, sans aucune preuve. Quelques mois plus tard, il s’est pendu dans sa prison. Notre agent, lui, a été rappelé à Londres. Les Pakistanais, dès que l’on touche au nucléaire, deviennent féroces.

Un ange passa, la tête sous les ailes. Ce n’était pas la guerre en dentelles.

Le Britannique conclut :

— Votre mission est de ramener ici Sultan Hafiz Mahmood. Vous agirez avec l’appui total de nos deux services. Nous avons décidé, pour des raisons logistiques, que la CIA mènerait cette opération.

— Nous allons mettre tout cela sur pied, assura aussitôt Richard Spicer.

La réunion se termina un peu abruptement et Malko se retrouva, vaguement abasourdi, dans la Buick du chef de station de la CIA.

— C’est une affaire difficile, observa-t-il. Kidnapper un citoyen pakistanais en vue dans son propre pays…

— J’ai un executive order signé du président George W. Bush, s’empressa de répondre l’Américain. Cette affaire est remontée comme une fusée à la Maison Blanche, qui a sonné le tocsin. Les Brits sont beaucoup plus cools que nous. Ils pensent que cette charge nucléaire n’est pas destinée à Londres. Donc, ils restent un peu en retrait. Même si c’est grâce à eux que nous possédons l’information fondamentale : le film que vous venez de visionner.

— Richard, remarqua Malko, inquiet, vous savez bien qu’une opération semblable se prépare pendant des semaines, sinon des mois… Avec des risques énormes. Le Pakistan est en état de guerre larvée et l’ISI est partout. Nous risquons un échec grave.

— Je suis d’accord, reconnut le chef de station de la CIA, mais nous ne disposons pas de temps. Cette bombe atomique est en route vers son objectif. Nous ignorons quand ce film a été pris. Je tremble chaque matin en allumant la radio. Il n’y a pas une seconde à perdre. Nous avons une réunion à quatre heures, cet après-midi, dans mon bureau, avec les principaux participants à cette opération, dont notre chef de station à Islamabad que nous avons chargé de constituer un dossier d’objectif…

— J’espère que la communication était bien sécurisée ! soupira Malko. Avec qui suis-je supposé agir ?

— D’abord, avec deux garçons que vous connaissez bien : Chris John et Milton Brabeck. On les a déjà briefés et ils sont en route pour Islamabad, à partir de Washington. Ils arrivent officiellement pour renforcer la sécurité de l’ambassade. Ils seront logés dans notre compound.

Malko avait accompli des miracles avec les deux gorilles de la CIA qui le révéraient comme un Dieu. Cependant, le dispositif lui paraissait un peu léger.

— Trois intervenants, cela suffit ? demanda-t-il.

— Il faudra bien, soupira Richard Spicer. On ne peut pas infiltrer trop de gens sans alerter les Pakistanais.

La Buick ralentit pour s’arrêter sous le porche du Lanesborough.

— On se reverra à quatre heures, confirma l’Américain. À propos, j’ai besoin de votre passeport pour l’envoyer au consulat pakistanais, avec un petit mot. Officiellement, vous repartez chasser Bin Laden. Vous êtes trop connu là-bas pour qu’on vous fasse entrer sous I.F.[33]

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33

Fausse identité.