Выбрать главу

Le colonel Mc Leary, après avoir étudié la carte, avait jeté son dévolu, comme « héliport », sur le stûpa de Dharmarajika, qui possédait deux avantages. D’abord, il était un excellent point de repère, ensuite, le site était éloigné de trois kilomètres du musée, ce qui assurait une certaine discrétion.

Laissant Hassan devant le musée, Malko s’enfonça dans un sentier bordé de ruines ocre, sous une chaleur inhumaine. Même les mouches semblaient avoir du mal à voler. Il avançait comme un somnambule, harcelé par des millions d’insectes, avalant de la poussière à chaque inspiration. Au bout d’une demi-heure de marche, il aperçut un tumulus de briques d’une quinzaine de mètres de hauteur, entouré de ruines dont aucune n’avait plus de deux mètres de haut.

Deux hommes étaient en train d’arracher tranquillement des briques à un mur vieux de quelques siècles pour les jeter dans un pick-up. Ils ne levèrent même pas la tête : Malko ne se trouvait pas dans le même univers qu’eux. Il explora le site et trouva ce qu’il cherchait, à trois cents mètres au sud du stûpa. Une étendue plate et herbeuse, sans aucun obstacle en hauteur. Comme il se frayait un chemin dans les hautes herbes, il s’arrêta brusquement : quelque chose avait bougé devant lui. Il aperçut fugitivement un long ruban noir se fondre dans le sol : un cobra…

Son pouls redescendu, il inspecta longuement les lieux, prenant des photos avec sa caméra numérique. Un Blackhawk pourrait facilement se poser là. Les quelques arbres qui bordaient le site et son éloignement le préserveraient des regards. Lorsqu’il reprit le chemin du musée, les deux pillards, leur pick-up plein de reliques de l’histoire, s’éloignaient dans un nuage de poussière jaune.

Il retrouva Hassan, la bouche sèche, la chemise collée à son dos par la transpiration, et s’effondra dans la Morris.

— On rentre ! lança-t-il au petit Pakistanais.

*

*   *

Après deux heures à barboter dans la piscine du Marriott, dont l’eau atteignait les 30°, Malko se sentait quand même mieux. Sa balade à Texila l’avait épuisé. Terrassé par le décalage horaire, il avait dormi quatre heures avant de plonger dans la piscine. Pas une seule femme appétissante en vue : des Pakistanaises qui avaient dû être mannequins chez Olida, des Indiennes enveloppées dans dix couches de saris et quelques Scandinaves maigres comme des clous. À tout hasard, il avait téléphoné au numéro de Priscilla Clearwater, la somptueuse secrétaire noire de l’ambassadeur des États-Unis, retrouvée là trois ans plus tôt, mais une voix d’homme lui avait répondu que l’Américaine avait quitté Islamabad l’année précédente…

Il n’y avait plus qu’à se rendre au club de l’ONU et ils reprirent la direction de F7. La 14e Rue, une impasse, prenait dans Kohsar Road, laquelle commençait dans Kyaban-e-Iqbal. Au fond de la rue ombragée, Malko aperçut des barrières, une guérite et un chawdikar[40] armé d’un riot-gun, gardant la propriété.

Il se présenta à l’entrée et le chawdikar cocha son nom sur une liste, lui demanda 20 dollars et lui remit une carte valable un mois… Un élégant bâtiment de style colonial britannique était planté au milieu d’une pelouse bien entretenue. Le rez-de-chaussée comportait une salle à manger et un bar, où il aperçut immédiatement ceux qu’il était venu retrouver : William Hancock, le chef de station d’Islamabad, Chris Jones et Milton Brabeck. À côté d’eux, un groupe de Pakistanais commentaient un match de cricket avec des hurlements sauvages.

Deux Chinois, l’air mélancolique, chuchotaient devant des bières. Pas une femme.

William Hancock leva son verre de Defender.

— Bienvenu au Pakistan ! Et bon séjour.

— Merci, répondit sobrement Malko, qui avait failli y laisser sa peau, trois ans plus tôt.

Chris Jones et Milton Brabeck, débarrassés de leur crème antimoustiques et de leurs lunettes noires, jappaient comme des chiots heureux.

— Il paraît qu’on va faire un coup fumant ! lança Chris Jones à voix basse. Ça n’a pas l’air trop difficile.

Malko sourit jaune.

— Même les criminels les plus endurcis considèrent que le kidnapping est une activité à haut risque, souligna-t-il, pince-sans-rire. Milton Brabeck se permit un ricanement discret.

— Yeah, mais nous, on a des copains avec un hélicoptère… Et on travaille pour le président des États-Unis.

— Vous n’avez pas la permission du gouvernement pakistanais, corrigea Malko, et nous sommes au Pakistan.

Cette remarque de bon sens ne refroidit pas les deux gorilles. Euphorique, Chris Jones commanda un double Defender sans glace. Malko se joignit à lui avec une vodka et les quatre hommes trinquèrent au succès de leur mission.

— Allons dans le jardin, suggéra William Hancock. On est sûrs qu’il n’y aura pas de micros…

Ils gagnèrent une des tables installées au bord de la piscine d’un vert douteux. Le chef de station de la CIA attendit que le serveur se soit éloigné pour demander à Malko :

— Vous êtes allé à Texila ?

— Oui, j’ai trouvé un endroit parfait pour un hélico, tout près d’un stûpa géant qui servira de point de repère au pilote, devant un terrain dégagé et herbeux, où il est facile de dissimuler une balise GPS. J’ai pris des photos. L’endroit est éloigné du musée et de la route.

Le chef de station nota tout soigneusement.

— Ce serait bien que vous alliez la mettre en place vous-même, suggéra-t-il. Demain, vous aurez le temps.

On leur apporta ce qui ressemblait à une Caesar Salad que les deux gorilles reniflèrent avec méfiance.

— C’est plein de bestioles, conclut Chris Jones, en repoussant son assiette.

William Hancock reprit la conversation.

— Demain, dit-il à Malko, vous irez effectuer un repérage autour du domicile de Sultan Hafiz Mahmood. Pour étudier son parcours de jogging. Quand vous vous sentirez prêt à agir, je transmettrai le feu vert à Spin Bolak. Il me faut vingt-quatre heures de battement.

— Rien de nouveau depuis que nous en avons parlé ? demanda Malko.

— Non, rien. Il est réglé comme une horloge. Tous les jours à huit heures, il sort de sa villa, suivi de ses deux gardes du corps, et part en direction soit de la mosquée, soit du zoo. Mais pour nous, cela ne change rien. J’aurais voulu poster un guetteur au début de la rue, mais, dans ce quartier, c’est impossible. Il faudra donc observer son départ de la colline. J’ai quelqu’un avec des jumelles qui le fera et vous transmettra le top.

— Où serons-nous ? interrogea Malko.

— Je pense que le mieux est d’attendre au croisement de Kyaban-e-Iqbal avec Siachin Road, à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau. À partir du moment où il démarre, nous avons une demi-heure pour agir. C’est amplement suffisant.

— Est-ce très fréquenté, le matin ?

— Siachin Road, non, ce n’est pas une voie de transit. Des piétons, étudiants à l’Islamic University, qui viennent travailler à l’ombre, sur les pentes de la colline, mais évidemment, on ne peut exclure aucune hypothèse.

— De quelle voiture disposons-nous ?

— Une grosse Volvo qui a été « volée » à une ONG d’University Town, à côté de Peshawar, et munie de plaques différentes. Ensuite, un fourgon GM blanc en fausses plaques CD 29. Nous pensions mettre des plaques de Peshawar, mais ces plaques-là diminuent les risques d’interception. Vous abandonnerez le fourgon à Taxila.

вернуться

40

Vigile.