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Richard Spicer eut un soupir découragé.

— Des informations auprès de qui ? Il n’y a que des ennemis, là-bas. Et nous n’avons pas de troupes disponibles.

Malko secoua la tête, accablé.

— Après, il sera trop tard.

— Après quoi ?

— Après le boum ! répliqua Malko, exaspéré. Vous avez beau avoir la plus grande armée du monde, pour l’instant, vous êtes impuissants. Or, la piste que nous avons, c’est Mogadiscio.

— Je mets la pression sur les Pakistanais, fit Richard Spicer, évasif. S’ils ne sont pas foutus de retrouver ce bateau, c’est qu’ils sont complices…

— Vous n’allez pas vitrifier Islamabad ! remarqua Malko. Ou alors, vous aurez de vrais problèmes. Que voulez-vous que je fasse, maintenant ?

— Restez à Londres. Je peux encore avoir besoin de vous…

Malko n’en était pas si sûr… Aisha Mokhtar lui avait dit tout ce qu’elle savait.

*

*   *

Machines stoppées, l’Anodad Naree était fortement balancé par la houle. Sur le pont, à côté de l’échelle de coupée, le capitaine Lankavi regardait se rapprocher la chaloupe arborant la bannière étoilée, où avaient pris place une douzaine de Marines du destroyer US. L’échelle de coupée était descendue et seuls les membres de l’équipage utiles à la manœuvre étaient demeurés sur le pont. Un d’entre eux attrapa le bout lancé par un marin américain et l’arrima au vraquier. Deux officiers US montèrent aussitôt à bord, accompagnés de quatre Marines en armes, qui prirent place sur le pont. L’officier du Galveston salua le capitaine Lankavi et lui annonça son intention d’inspecter son navire et les papiers du bord, dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Tandis que son second faisait ouvrir les deux panneaux de cale, l’officier américain et le capitaine Lankavi montèrent d’abord à la passerelle de navigation où le capitaine malais montra le livre de bord. L’officier américain examina longuement le « log » qui retraçait toute la vie du navire, avec ses différentes escales. Ne trouvant rien que de très normal, il demanda finalement :

— Votre destination est Gaddani ?

— Absolument, confirma le capitaine Lankavi. Notre armateur a décidé de scrapper le bateau dans un de ses chantiers.

— Et qu’advient-il de l’équipage ?

— Nous repartirons pour Karachi. Un autre navire de la compagnie doit venir nous chercher, mais certains marins trouveront sûrement du travail sur place… Voulez-vous contrôler leurs passeports ?

— Non, merci, fit l’officier.

Il avait reçu l’ordre de contrôler particulièrement les navires se dirigeant vers le nord de l’océan Indien, pas ceux qui redescendaient vers le sud. Son second réapparut, ayant terminé la visite du navire, et annonça à son supérieur :

— Les cales sont presque vides, sir, il doit rester un millier de tonnes de riz en sacs de 50 kilos.

L’officier se tourna vers le capitaine Lankavi.

— Pourquoi avez-vous une cargaison de riz pour aller à Gaddani ?

Le capitaine malais avait depuis longtemps préparé sa réponse.

— Un des clients de notre armateur, à Massaoua, n’a pas accepté toute la livraison. Notre armateur nous a demandé d’essayer de la vendre au Pakistan, avant de démanteler le navire. Il y ajuste un millier de tonnes. On y arrivera bien.

— Et vous, qu’allez-vous faire ?

— Je dois repartir à Malte, prendre un nouveau navire, mais je vais probablement faire un détour pour voir ma famille à Kuala-Lumpur.

— O.K., bonne chance ! conclut le chef de l’équipe de visite du Galveston, en lui serrant la main.

Dix minutes plus tard, la chaloupe repartait vers le destroyer US et le capitaine Lankavi remettait en route les machines de L’Anodad Naree. Comme les navires américains échangeaient leurs informations, ils avaient des chances de ne plus être contrôlés jusqu’à l’arrivée au Baloutchistan. Et puisque les Américains avaient enregistré une cargaison de mille tonnes de riz, il n’y toucherait plus. Quitte à le revendre à bas prix au chantier naval de Gaddani.

Dès que L’Anodad Naree eut repris sa route, il redescendit dans sa cabine et envoya un e-mail à son armateur, relatant l’arraisonnement et précisant qu’il continuait sa route vers le Baloutchistan. Il savait que ce message parviendrait par des voies détournées à ceux qui devaient guetter, du fond de leurs montagnes, le suivi de l’opération « Aurore Noire ».

Ses véritables commanditaires.

*

*   *

Dans cette vallée perdue de Kwaja Anran Range, entre Quetta et la frontière afghane, on ne voyait jamais personne. Pourtant, au sommet de chaque pic, il y avait un guetteur, payé par les différents laboratoires de transformation d’héroïne. Ils utilisaient un code visuel, à base de fumigène, pour avertir d’un danger, la couleur changeant selon la nature de ce dernier : vert pour l’armée pakistanaise, rouge pour les Américains, bleu pour des intrus non identifiés. Étant donné la difficulté du terrain, cela donnait assez de temps aux gens concernés pour se mettre à l’abri. Bien sûr, de temps à autre, un des hélicos américains basés un peu plus au sud, à Spin Bolak, faisait une incursion rapide, volant au ras des montagnes. Cependant, il ne s’attardait jamais. Les tribus qui veillaient sur ce paradis austère et brûlant possédaient encore quelques vieilles douchkas récupérées chez les « Chouravi[45] » pendant la guerre de libération de l’Afghanistan et savaient s’en servir. Le dernier hélicoptère venu survoler la zone était reparti en traînant un panache de fumée noire, suite à une rafale de douchka, sans susciter les moindres représailles.

D’ailleurs, tous les indicateurs basés à Spin Bolak prévenaient toujours, en cas d’opération d’envergure.

En réalité, les Américains y allaient mollement, ne voulant pas gaspiller leur précieux matériel et leurs hommes, encore plus rares. Tout le monde savait qu’Oussama Bin Laden se cachait dans la région, mais l’état-major US n’avait jamais encore déclenché une grosse opération pour le capturer. Il y avait d’autres priorités.

En plus, c’était le territoire pakistanais, fief des tribus. Une zone particulièrement sensible.

Un groupe d’hommes était réuni dans la cour d’une petite madrasa construite avec les pierres du pays, plate comme une punaise, ce qui la rendait pratiquement invisible du ciel. Il fallait plusieurs heures de trajet à partir de la grande piste qui courait entre les montagnes, de Spin Bolak à Wassar Kahn, beaucoup plus au nord, pour la découvrir, flanquée de quelques masures de la même couleur. Ici, on avait toujours vécu de la même façon, grâce au pavot. Les marchands passaient après chaque récolte et laissaient assez d’argent pour tenir jusqu’à la suivante.

On ne voyait jamais d’étrangers, seulement des caravanes traversant la vallée de temps à autre, transportant des chargements hétéroclites, et toujours accompagnées de guerriers tribaux locaux.

Deux hommes, vêtus à l’afghane, étaient penchés sur une carte posée sur un tapis de prière élimé, étalé à même le sol, protégés des regards par une toile tendue au-dessus de leurs têtes. Un plateau de cuivre avec des biscuits, des dattes, du miel et une grosse et vieille théière voisinait avec des armes. Celui qui était en train d’examiner la carte était l’homme le plus recherché du monde : Oussama Bin Laden. Son voisin, Ayman Al-Zawahiri, l’Égyptien, directeur opérationnel d’Al-Qaida, l’homme qui avait conçu les attaques du 11 septembre 2001. Médecin, il soignait également Oussama Bin Laden. Un peu plus loin, les hommes de leur garde rapprochée priaient ou veillaient, leur Kalachnikov en travers des genoux.

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45

Les Soviétiques.