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— Salope ! Menteuse !

Malko avait déjà pris son Uzi. Il braqua l’arme sur Herbert Van Mook :

— Lâchez-la !

Rachel avait des larmes pleins les yeux et le visage écarlate. À regret, le Hollandais lâcha prise et se tourna vers Malko.

— Vous ne la croyez quand même pas, cette petite pute !

Malko sonda ses yeux bleus au regard indigné.

— Si, dit-il. Je savais que vous alliez tenter quelque chose pour vous emparer de cet or. Mais je ne pensais pas que vous iriez si loin. Vous êtes une ordure, Van Mook… Mais vous avez raté votre coup. J’aurai encore assez de forces pour vous tuer, même si je meurs.

Rachel courut à son sac et en sortit un étui métallique et la boîte à cigares qui avait contenu le serpent.

— Il a de l’antidote ! dit-elle. Et voilà le truc où se trouvait le serpent.

Herbert Van Mook lui jeta un regard à tuer, les poings serrés. Malko demanda à Rachel, sans quitter le Hollandais des yeux.

— Combien de doses là-dedans ?

— Une.

— Rachel, injectez-la à Greta. Vite.

Il resta appuyé au camion, la mitraillette braquée sur Van Mook, tandis que Rachel faisait une intraveineuse à Greta. Celle-ci était pratiquement inconsciente, gémissant sans cesse. Elle ne parut même pas sentir la piqûre. Rachel releva la tête.

— Il aurait fallu la faire tout de suite…La seringue était vide. Malko avait de plus en plus mal à son bras. Mais la haine le maintenait debout. La tête commençait à lui tourner : une chose était certaine. L’antidote réussirait peut-être à retarder l’effet du poison, mais Greta ne pourrait être vraiment soignée que dans un hôpital.

— Vous allez conduire, dit Malko à Herbert Van Mook. Julius sera derrière, avec Rachel et Greta. Installez-le. Je devrais vous tuer immédiatement.

Le Hollandais ne répondit pas. Il savait que Malko, avec son bras, ne pouvait pas conduire le camion. Cela lui donnait un sursis. Il s’évanouirait peut-être. Tant de choses pouvaient arriver sur cette piste infecte. Il valait mieux se faire tout petit… Cinq minutes plus tard, il démarrait. Malko était calé à l’autre bout de la banquette, la mitraillette dans la saignée du bras gauche, la culasse en arrière, prête à tirer, braquée sur le flanc du Hollandais. Au premier cahot, Malko faillit hurler, mais réussit à se dominer. Il avait des heures à tenir, la sueur au front et la rage au cœur.

— Plus vite, fit-il. Le plus vite que vous pourrez.

* * *

Greta délirait. Depuis le matin, elle n’avait pas repris connaissance. Ils s’étaient arrêtés une fois, près d’un petit creek, pour lui asperger le visage. Le coude de Malko avait encore enflé et les élancements étaient maintenant insoutenables. À vue de nez, ils avaient fait les trois-quarts du chemin. La piste était de plus en plus mauvaise. Malko ressassait sa haine. La vue du Hollandais imperturbable le mettait dans tous ses états. Des carbets[24] apparurent tout à coup sur la gauche. Herbert Van Mook tourna la tête vers lui et dit d’une voix bien humble :

— Il y a un village indien, dit-il, on pourrait leur demander du secours. Ils ont des onguents pour ce genre de choses…

Une lueur dans son regard bleu démentait l’humilité de ses paroles. Malko comprit : Van Mook comprenait le dialecte des Indiens, il allait tenter un dernier coup. Ce fut trop. Brusquement, la présence du Hollandais lui fut insupportable.

— Stop, ordonna-t-il.

Van Mook obéit aussitôt.

— Je vais jusqu’au village, fit Malko. En se retournant il cria :

Malko se retourna et cria :

— Comment va-t-elle ?

— Mieux, on dirait, cria Rachel. Elle est moins rouge.

L’antidote devait faire son effet. La nouvelle galvanisa Malko.

— Descendez, dit-il à Herbert Van Mook. Prenez les barres d’or que je vous avais promis. Parce que je suis un homme de parole. Et allez où vous voulez…

Il se tourna vers l’arrière.

— Rachel, vous restez ou vous partez ?

— Je reste, dit la jeune créole.

Van Mook ne réagissait pas, sidéré.

— Vous n’allez pas m’abandonner ici ? protesta-t-il. D’abord, vous ne pouvez pas conduire.

— J’y arriverai ! dit Malko, et vous survivrez ; les gens comme vous survivent toujours. Alors, prenez votre or, avant que je change d’avis et foutez le camp.

Il descendit, tenant le Hollandais sous la menace de son arme. Celui-ci tira lentement à lui quatre barres d’or qu’il posa à terre. Les yeux phosphorescents de rage. Malko remonta dans le camion et passa la première de la main gauche, reprenant le volant aussitôt. Les premiers cent mètres furent effroyables. Il avait l’impression que son coude allait éclater, mais se fit à la douleur et réussit à maintenir le Willys sur la piste étroite.

Dans le rétroviseur, il aperçut Herbert Van Mook, debout au milieu de la piste.

Il n’avait plus une minute à perdre, s’il ne voulait pas rater l’avion. Avec deux blessés à bord, il n’était plus question de continuer à pied. Quels pièges, ce voyage infernal lui réservait-il encore ?

Chapitre XVII

Une dizaine de minutes s’étaient écoulées lorsque Herbert Van Mook sentit de grosses gouttes tièdes tomber sur ses épaules et sa nuque. Il leva la tête vers la cime des arbres. Le ciel était d’un noir d’encre. En quelques secondes, les gouttes se transformèrent en une averse torrentielle. Le Hollandais chercha refuge sous les larges feuilles d’un bananier sauvage. La tornade se déchaînait avec un fracas assourdissant, arrachant les feuilles des arbres, les lianes, forçant les petits animaux à se réfugier dans leurs trous. Malgré son abri, Herbert Van Mook fut trempé en quelques secondes.

Soudain une idée le traversa, et il se releva d’un bond. Comme un fou, il se mit à creuser le sol meuble en bordure de la piste avec son poignard, écartant ensuite la terre avec ses mains comme un animal. Les dents serrées, il s’acharnait comme s’il avait voulu tuer quelqu’un, accroupi, ne sentant plus le crépitement de la pluie sur son large dos. Il se dépensait tant que les muscles de ses épaules recommencèrent à le tirailler. Il parvint à creuser un trou rectangulaire assez profond pour y enfouir les quatre barres d’or. À coups de pied, il les recouvrit de latérite, puis piétina l’emplacement, ramenant dessus des branches et des feuilles mortes.

Enfin, il se redressa, les reins douloureux, mais les yeux brillants d’excitation. S’il ne revenait pas le chercher, le métal resterait là jusqu’à la fin des temps, s’enfonçant peu à peu dans le sol détrempé par son seul poids.

La pluie ne diminuait pas et des éclairs zébraient le ciel. Herbert Van Mook se mit à courir, la bouche ouverte, soufflant bruyamment afin d’éliminer ses toxines. La piste se transformait rapidement en cloaque glissant. Cette averse était providentielle : son unique chance de récupérer l’or disparu.

Il connaissait le pays. En une demi-heure, l’orage tropical allait transformer en bourbier la vieille piste. Lourdement chargé, le camion d’or allait s’y enliser.

Les fugitifs n’avaient plus que quelques heures pour parvenir à Drietabbetje. S’ils y arrivaient après le crépuscule, l’avion partirait sans eux, les forçant alors à descendre la Tapanahoni pour rejoindre le Maroni. Van Mook savait qu’ils feraient tout pour éviter cette solution désespérée. Avec deux blessés et Malko handicapé, c’était à la limite de l’impossible. Donc, ils avaient deux solutions : abandonner le camion et l’or pour continuer à pied, ou décharger l’or du camion afin de l’alléger et le laisser sur place. Julius Harb et Greta Koopsie étant dans l’impossibilité de marcher, seule la seconde solution était vraisemblable. À moins que Malko ne parte en avant, seul, chercher du secours, laissant les deux blessés à la garde de Rachel. L’idéal pour lui. L’idée de serrer ses deux mains autour du cou de la jeune métis jusqu’à ce que les yeux lui jaillissent des orbites le faisait saliver. Coudes au corps, il essaya de courir plus vite tant il avait hâte de voir son rêve se matérialiser. La pluie lui fouettait le visage, mais la température n’avait pas baissé d’un degré. Ses pieds glissaient dans la latérite humide, il trébuchait sans cesse, gardait le regard fixé sur la piste.

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24

Huttes indiennes.