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— Il y a quelqu’un ?

Pas de réponse. Le bruit d’eau s’arrêta d’un coup. Il n’eut pas le temps de se poser de questions. Une porte s’ouvrit et il se trouva nez à nez avec une fille brune, nue comme un ver, qui s’immobilisa avec une exclamation terrifiée.

Déjà, elle tournait les talons, lui offrant le spectacle d’une croupe callipyge et d’une taille incroyablement mince. Malko ne savait plus où se mettre. Si ses ancêtres l’avaient vu ! L’inconnue réapparut quelques secondes plus tard, drapée cette fois dans une serviette rouge, et l’interpella d’une voix furibonde :

— Qu’est-ce que vous faites ici ? Qui êtes-vous ?

— Je cherche Mr. Granoost, dit Malko. J’ai frappé et appelé, mais…

— Mr. Granoost est au Venezuela, dit la fille, un peu radoucie, vous ne le saviez pas ?

Ça commençait bien.

— Quand revient-il ?

La fille se dérida un peu plus.

— Jamais ! Il a dû passer le fleuve en cachette, les militaires le cherchaient pour l’arrêter. Il paraît qu’il a comploté contre la Révolution… Ils sont venus ici et ils ont tout fouillé…

De mieux en mieux. Devant l’air désolé de Malko, l’inconnue proposa :

— Je peux quand même vous offrir un verre…

Malko la suivit dans une grande pièce bizarre, aux murs tapissés de machines à sous. On se serait cru dans un casino. Un magnétoscope Akaï couplé à une télé avec des piles de vidéocassettes occupait un coin du bar. L’inconnue mit un disque et ouvrit un bar.

— Je n’ai que du Pepsi, du Gini et du rhum, annonça-t-elle. Il n’y a pas longtemps que je suis là. Mr. Granoost m’a demandé d’habiter son appartement pour qu’on ne le cambriole pas, mais c’est un peu effrayant d’être toute seule dans cette grande maison… Je crois que je vais retourner à l’hôtel.

— Que faites-vous à Paramaribo ? demanda Malko.

Elle soupira, après avoir goûté à son rhum.

— Je me le demande ! J’ai divorcé à Rotterdam et on m’a offert un job ici, dans une compagnie de bauxite. Seulement, l’ambiance a changé, les gens ont peur, il y a le couvre-feu et cette chaleur effroyable. Et puis, pour une femme seule ce n’est pas facile. Tous les Surinamiens se demandent ce que je fais ici et pourquoi je n’ai pas un homme. (Elle rit.) Je ne peux quand même pas coucher avec n’importe qui pour leur faire plaisir.

— Certes non, approuva Malko. Comment vous appelez-vous ?

— Greta Koopsie. Et vous ?

— Malko Linge. J’achète du riz…

Elle tira la serviette sur ses cuisses nues et soupira.

— Je ne vais pas pouvoir rester longtemps avec vous, j’ai un rendez-vous. J’espère qu’ils ne vont pas me sauter dessus. Tous ces Hindous ne pensent qu’à faire l’amour. Alors, la plupart du temps, je passe mes soirées à regarder des vieilles cassettes sur l’Akaï.

— Quand on vous voit, on ne peut pas vraiment les blâmer, dit galamment Malko.

Greta Koopsie rougit.

— Ce n’est pas parce que vous m’avez vue tout à l’heure… Moi, cela ne me manque pas. Je fais du jogging tous les matins…

Malko se leva, détaillant le corps sous la serviette et se pencha sur sa main.

— Cela ne fait pas travailler les mêmes muscles… À bientôt, peut-être.

Une énorme araignée se pavanait sur le capot de sa voiture. Son meilleur échelon de secours s’étant volatilisé, il devait plus que jamais se reposer sur le voyou préféré du colonel de Vries.

* * *

Le bar était vide, à part un livreur en train de trimbaler des caisses. Le gros barman rouquin sirotait une bière. Apercevant Malko, il se dressa aussitôt et fit le tour du comptoir. Il baissa la voix comme si on avait pu les entendre.

— Herbert vous attend au Parbo Inn. Juste à côté. Excusez-moi pour ce matin.

Il dégoulinait de componction. Malko remercia, ressortit et examina la façade du Parbo Inn. Une musique disco s’en échappait, bruyante et syncopée. Il monta les quelques marches. Des lampes diffusaient une lumière tamisée. La petite salle était vide, mais quelques clients étaient alignés devant un bar en acajou. Un barman à la barbe noire, au type nettement pakistanais, n’arrêtait pas de jongler avec les bouteilles. Malko avança et vit tout de suite un dos énorme. La glace du bar lui renvoya le visage de la photo vue à Amsterdam. La moustache blonde, tombante et fournie, la gueule de mac plutôt sympa, vulgaire, la terreur des plages. Un de ses bras était posé autour de la taille d’une fille, dont Malko ne voyait que les cheveux frisés. Une créole.

Herbert Van Mook se retourna. Son regard parcourut Malko et sans un mot il glissa de son tabouret. Une bête. La chemise ouverte jusqu’à la taille découvrait des pectoraux velus, un plexus sculpté de muscles, comme les avant-bras énormes et le cou épais de taureau. Un jean serré tenu par une ceinture de cow-boy et des bottes complétaient le tout. Le vrai aventurier. S’il n’y avait pas eu une lueur veule et fugitive dans les beaux yeux bleus, il aurait été tout à fait sympathique. Il se pencha vers Malko.

— C’est vous le copain de Cristina ?

— Oui.

La fille avait pivoté sur son tabouret, révélant une jupe en denim fendue devant, jusqu’à l’ombre du ventre, un visage sensuel et doux avec de grands yeux très écartés de biche candide et des lèvres pulpeuses. Elle était très jeune, pas plus de dix-huit ans. Son regard interrogateur se posa sur Malko. La patte énorme de Herbert Van Mook agrippa sa cuisse, la maintenant sur le tabouret.

— Tu restes là, Rachel.

Suivi de Malko, il se dandina jusqu’au fond de la salle déserte où les rejoignit le barman barbu.

— Deux bières, Ayub, commanda-t-il d’autorité.

Malko attendit que le barman soit parti, étudiant le personnage. Seuls les yeux inquiétaient vraiment, puis une certaine nonchalance affectée. Le Hollandais sourit :

— Première visite à Paramaribo ?

— Oui.

Van Mook hocha la tête.

— Avant, c’était plus marrant. Avec ces chiens, on peut plus rien faire. Je vais me tirer. Seulement, tant que je peux faire un peu de blé…

Encore un homme de cœur… D’autres clients étaient entrés et la musique jouait encore plus fort. Van Mook se pencha vers Malko.

— Vous pouvez parler, dit-il, ici, nous sommes entre nous. Cristina m’a dit que c’est du sérieux.

— Très, dit Malko. Il paraît que vous êtes le seul homme à Paramaribo à pouvoir m’aider.

Herbert Van Mook ne broncha pas, serrant son verre dans ses énormes pattes.

— Ça dépend, fit-il. De quoi s’agit-il ?

— De faire sortir quelqu’un du pays, dit Malko.

Van Mook eut un sourire sans joie.

— Vous n’avez pas besoin de moi, pour ça. Si vous savez nager, le Maroni n’est pas large. Sinon, n’importe lequel bushnegro vous passera pour dix florins…

— Oui, remarqua Malko, mais celui qu’il faut faire sortir n’est pas en liberté…

— Ah…

Il fit jouer les muscles de ses épaules, et but un peu de sa bière.

— Où est-il ?

Malko leva les yeux sur lui, candide.

— À la caserne Memre Boekoe.

— Eh !

Lentement, Herbert Van Mook tira un paquet de cigarettes de la poche de sa chemise et en alluma une sans en offrir à Malko. Ses yeux avaient changé d’expression, mais il était toujours impavide. Doucement, il remarqua :