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Ç’eût été vraiment un spectacle merveilleux que de voir opérer les deux savants pendant le tumulte du combat. Les indigènes, trop nombreux, avaient forcé l’enceinte. Sir John, le bushman, leur disputaient le terrain pas à pas. Aux balles répondaient les flèches des Makololos, aux coups d’assagaies, les coups de hache. Et cependant, l’un après l’autre, le colonel Everest et Mathieu Strux, courbés sur leur appareil, observaient sans cesse! Ils multipliaient les répétitions du cercle pour corriger les erreurs de lectures, et l’impassible Nicolas Palander notait sur son registre les résultats de leurs observations! Plus d’une fois, une flèche leur rasa la tête, et se brisa sur le mur intérieur du donjon. Ils visaient toujours le fanal du Volquiria, puis ils contrôlaient à la loupe les indications du dernier, et l’un vérifiait sans cesse le résultat obtenu par l’autre!

«Encore une observation,» disait Mathieu Strux, en faisant glisser les lunettes sur le limbe gradué.

Enfin, une énorme pierre lancée par la main d’un indigène fit voler le registre des mains de Palander, et, renversant le cercle répétiteur, le brisa.

Mais les observations étaient terminées! La direction du fanal était calculée avec une approximation d’un millième de seconde!

Maintenant, il fallait fuir, sauver le résultat de ces glorieux et magnifiques travaux. Les indigènes pénétraient déjà dans la casemate et pouvaient d’un instant à l’autre apparaître dans le donjon. Le colonel Everest et ses deux collègues, reprenant leurs armes, Palander, ramassant son précieux registre, s’enfuirent par une des brèches. Leurs compagnons étaient là, quelques-uns légèrement blessés, et prêts à couvrir la retraite.

Mais au moment de descendre les pentes septentrionales du Scorzef:

«Notre signal!» s’écria Mathieu Strux.

En effet, il fallait répondre au fanal des deux jeunes astronomes par un signal lumineux. Il fallait, pour l’achèvement de l’opération géodésique, que William Emery et Michel Zorn visassent à leur tour le sommet du Scorzef et, sans doute, du pic qu’ils occupaient, ils attendaient impatiemment que ce feu leur apparût.

«Encore un effort!» s’écria le colonel Everest.

Et pendant que ses compagnons repoussaient avec une surhumaine énergie les rangs des Makololos, il rentra dans le donjon.

Ce donjon était fait d’une charpente compliquée de bois sec. Une étincelle pouvait y mettre le feu. Le colonel l’enflamma au moyen d’une amorce. Le bois pétilla aussitôt, et le colonel, se précipitant au dehors, rejoignit ses compagnons.

Quelques minutes après, sous une pluie de flèches et de corps précipités du haut du Scorzef, les Européens descendaient les rampes, faisant glisser devant eux la mitrailleuse qu’ils ne voulaient point abandonner. Après avoir repoussé encore une fois les indigènes sous leur meurtrière fusillade, ils atteignirent la chaloupe.

Le mécanicien, suivant les ordres de son chef, l’avait tenue en pression. L’amarre fut larguée, l’hélice se mit en mouvement, et la Queenand Tzar s’avança rapidement sur les eaux sombres du lac.

Bientôt la chaloupe fut assez éloignée pour que les passagers pussent apercevoir le sommet du Scorzef. Le donjon, tout en feu, brillait comme un phare et devait facilement transmettre sa lueur éclatante jusqu’au pic du Volquiria.

Un immense hurrah des Anglais et des Russes salua ce gigantesque flambeau dont l’éclat rompait sur un vaste périmètre l’obscurité de la nuit.

Ni William Emery ni Michel Zorn ne pourraient se plaindre!

Ils avaient montré une étoile, on leur répondait par un soleil!

Chapitre XXII Où Nicolas Palander s’emporte.

Lorsque le jour parut, la chaloupe accostait la rive septentrionale du lac. Là, nulle trace d’indigènes. Le colonel Everest et ses compagnons, qui s’étaient préparés à faire le coup de fusil, désarmèrent leurs rifles, et la Queenand Tzar vint se ranger dans une petite anse creusée entre deux parts de rocs.

Le bushman, sir John Murray et l’un des marins allèrent battre les environs. La contrée était déserte. Pas une trace de Makololos. Mais, très-heureusement pour la troupe affamée, le gibier ne manquait pas. Entre les grandes herbes des pâturages et sous le couvert des taillis paissaient des troupeaux d’antilopes. Les rives du Ngami étaient, en outre, fréquentées par un grand nombre d’oiseaux aquatiques de la famille des canards. Les chasseurs revinrent avec une ample provision. Le colonel Everest et ses compagnons purent donc se refaire avec cette venaison savoureuse qui ne devait plus leur faire défaut.

Dès cette matinée du 5 mars, le campement fut organisé sur la rive du Ngami, au bord d’une petite rivière, sous l’abri de grands saules. Le lieu de rendez-vous convenu avec le foreloper était précisément cette rive septentrionale du lac, échancrée en cet endroit par une petite baie. Là, le colonel Everest et Mathieu Strux devaient attendre leurs collègues, et il était probable que ceux-ci effectueraient le retour dans des conditions meilleures, et, en conséquence, plus rapidement. C’étaient donc quelques jours de repos forcé dont personne ne songea à se plaindre, après tant de fatigues. Nicolas Palander en profita pour calculer les résultats des dernières opérations trigonométriques. Mokoum et sir John se délassèrent en chassant comme des enragés dans cette contrée giboyeuse, fertile, bien arrosée, que l’honorable Anglais eût volontiers achetée pour le compte du gouvernement britannique.

Trois jours après, le 8 mars, des détonations signalèrent l’arrivée de la troupe du foreloper. William Emery, Michel Zorn, les deux marins et le Bochjesman revenaient en parfaite santé. Ils rapportaient intact leur théodolite, le seul instrument qui restât maintenant à la disposition de la commission anglo-russe.

Comme ces jeunes savants et leurs compagnons furent reçus, cela ne peut se dire. On ne leur épargna pas les félicitations. En quelques mots, ils racontèrent leur voyage. L’aller avait été difficile. Dans les longues forêts qui précédaient la région montagneuse, ils s’étaient égarés pendant deux jours. N’ayant aucun point de repère, marchant sur l’indication assez vague du compas, ils n’eussent jamais atteint le mont Volquiria sans la sagacité de leur guide. Le foreloper s’était montré, partout et toujours, intelligent et dévoué. L’ascension du pic avait été rude. De là des retards dont les jeunes gens souffrirent non moins impatiemment que leurs collègues du Scorzef. Enfin, ils avaient pu atteindre le sommet du Volquiria. – Le fanal électrique fut installé dans la journée du 4 mars, et pendant la nuit du 4 au 5, sa lumière, accrue par un puissant réflecteur, brilla pour la première fois à la pointe du pic. Ainsi donc, les observateurs du Scorzef l’aperçurent presque aussitôt qu’elle eût paru.

De leur côté, Michel Zorn et William Emery avaient facilement aperçu le feu intense qui brilla au sommet du Scorzef, lors de l’incendie du fortin. Ils en avaient relevé la direction au moyen du théodolite, et achevé ainsi la mesure du triangle dont le sommet s’appuyait au pic du Volquiria.

«Et la latitude de ce pic? demanda le colonel Everest à William Emery, l’avez-vous déterminée?