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— Donc une relation sans rien de dissimulé… Madame, je me permets d’insister, ne jouez pas avec ça. On viendrait à découvrir que les liens ne sont pas ceux que vous décrivez, ça deviendrait lourd à ce moment-là.

— Nos liens sont clairs.

— Votre mari va être interrogé. Il va confirmer la nature des rapports que vous aviez avec cet homme ?

— Certainement.

— Vous êtes affirmative, vous excluez toute expression de jalousie de la part de votre mari ? Vous savez bien qu’une relation d’amitié entre un homme et une femme peut…

— Non. Pas de jalousie.

— Pardonnez-moi de vous poser la question madame, mais vous avez déjà eu un rapport avec la justice pénale ?

— Jamais.

— Et votre mari ?

— Non plus.

— Et votre voisin ?

— Non. À ma connaissance, non.

— Vous êtes sûre ?

— Pour mon mari et moi je suis sûre.

— Et vous lui faites tout à fait confiance à cet homme ?

— Oui.

— Quelle a été votre réaction en apprenant qu’il avait tué ?… Vous avez eu peur pour lui ? Vous étiez inquiète pour lui ?

— Oui.

— Mais vous pensez que les raisons qui sont les siennes, et qu’il vous a données, peuvent prévaloir en justice… Vous avez pensé que c’était mieux pour lui de se rendre ?

— Oui. Je pense que quelque chose de fou s’est passé. Peut-être le fait de notre soirée où tout le monde avait un peu bu… Je pense que c’est un accident affreux. Un coup de folie. Il n’avait pas du tout l’intention de tuer sa femme.

— Donc il vaut mieux qu’il s’explique.

— Bien sûr.

— Est-ce que vous envisagez une seconde qu’il vous accuse d’avoir voulu l’aider à fuir ? Ou à cacher le corps de sa femme ?

— Non.

— Madame, à partir du moment où vous êtes vus ensemble, vous avez le vêtement, le sac, on peut penser que vous allez l’aider. Or c’est ça qu’il faut faire tomber. Il ne peut pas vous accuser de ça ?

— Non.

— La jeune voisine, est-ce qu’elle peut vous accuser ?

— La voisine ne pourra dire que ce qu’elle a vu. Je confirmerai. Elle nous a vus tous les deux dans le hall, lui près de la porte et moi derrière tenant le manteau et le sac.

— Vous parliez ?

— Non. On l’a entendue venir. On ne parlait pas. En fait, on était pétrifiés de la voir pour être honnête. J’étais pétrifiée parce qu’il y avait quand même un mort dans la valise.

— Ceci vous pouvez le dire.

— J’étais pétrifiée pour lui et même pour moi à vrai dire. J’avais quand même conscience d’être… d’être dans une situation dans laquelle je n’aurais pas dû me trouver. D’autant que la valise est à nous.

— La valise est à vous ?

— Oui. Je l’avais prêtée à Lydie il y a quelques jours. Elle voulait déménager des choses dans son cabinet.

— Ils n’ont pas de valise, vos voisins ?

— Elle voulait déménager du linge et des coussins qui prennent de la place. Une grosse valise en plus ça lui évitait un aller-retour.

— Et votre voisin, il était au courant de ce prêt ?

— Je n’en sais rien. Il a dû la voir chez lui.

— Bien. Je vous rappelle que ce que vous allez dire tout à l’heure à la police va être consigné et va vous lier pour l’avenir. Tout repose sur votre bonne foi et sur votre capacité à convaincre. Votre histoire tient. Elle a un poids de vérité. Mais j’attire votre attention sur le fait que les investigations vont être menées tous azimuts, on va fouiller votre domicile, on va interroger votre mari… Quel métier vous faites madame ?

— Je suis Ingénieur Brevets, à l’Institut Pasteur.

— Les gens qui étaient présents à votre soirée ont été témoins de quelque chose ? Une difficulté dans le couple ? Ils vont sûrement être entendus.

— Je ne sais pas… Moi j’ai été témoin de quelque chose mais je ne sais pas si je dois en faire mention… Je ne sais pas ce qu’il voudra dire lui…

— Faites attention madame, parce que si vous donnez le sentiment de ne pas collaborer et de ne pas dire des choses pour le protéger, vous vous engagez sur un terrain…

— Alors à un moment donné, la conversation est venue sur un sujet qui lui tenait très à cœur à elle, je vous le dis maître, même si ça peut paraître dérisoire, la conversation a tourné autour d’un poulet bio. Il s’est moqué d’elle parce qu’elle avait demandé à un serveur dans un restaurant si le poulet s’était perché, enfin s’il avait eu une vie normale, ce genre de choses… Il a voulu faire rire l’assistance avec ce thème et à la suite de ça on a senti qu’un froid s’installait entre eux.

— Vous supposez que le conflit a pris naissance là.

— C’est possible… Elle lui a reproché, une fois rentrés chez eux, de l’avoir humiliée en société. La discussion s’est envenimée, et à un moment donné, que je ne peux pas expliquer — il le fera mieux que moi — elle a donné un coup de pied au chat… Il l’a prise, il l’a serrée…

— Vous m’expliquez qu’ils se disputent alors qu’elle défend le bien-être des animaux, et il la tue parce qu’elle donne un coup de pied au chat.

— Je crois que les animaux n’ont rien à voir là-dedans. Je veux dire, ils n’étaient pas opposés sur le fond… Quand un couple se dispute les opinions servent souvent de prétexte… Je ne crois pas qu’elle ait voulu faire du mal au chat. Lui a voulu l’agresser mais pas la tuer. Elle est peut-être morte d’une crise cardiaque. Ce n’est pas un criminel, c’est un homme très doux.

— Vous n’avez pas intérêt madame à devenir absolument son avocate.

— Je vous le dis à vous.

— D’accord, mais ce n’est pas la peine de prendre fait et cause pour lui. Vous avez un rapport de voisinage qui est devenu un rapport d’amitié. Vous allez à son secours pour qu’il ne fuie pas ses responsabilités car vous pensez que ce serait pire. Point. Vous comprenez bien que ce dont vous êtes soupçonnée c’est de complicité et de recel de cadavre.

— Je risque quoi ?

— Vous n’avez jamais été condamnée. Vous avez un travail. Tout dépend de ce qu’il va dire. Votre mari a été prévenu ?

— En principe oui.

— Qu’est-ce qu’il va raconter votre mari ?… Quand vous êtes montés, pourquoi n’avez-vous pas exigé de lui qu’il appelle la police tout de suite ?

— On l’a exigé. Enfin mon mari l’a exigé.

— Et vous êtes redescendus alors qu’il n’avait pas appelé ?

— Il a dit qu’il voulait être seul, qu’il avait besoin d’un peu de temps. Mon mari, tout à coup, a considéré qu’on n’avait rien à faire là, qu’on avait fait notre devoir et que ce n’était pas à nous d’appeler la police. Et on est redescendus.

— Au fait, pour quelle raison monsieur Manoscrivi est venu chez vous après avoir tué sa femme ?

— Je pense qu’il ne pouvait pas rester seul…

— Vos collègues de travail connaissent son existence ?

— Non.

— Lors de la soirée, votre comportement n’a pas laissé la moindre…

— Non.

— La voisine ne peut pas parler d’une attitude ambiguë ? Vous étiez loin de l’autre quand elle vous a vus ?

— Oui. Enfin à distance normale.

— … Le soupçon de la police peut consister en ceci : que c’est l’arrivée de la voisine qui vous oblige à prévenir la police, et que ce n’était pas votre intention. Comment vous faites tomber ça ?

— Qu’est-ce que j’aurais fait là en chaussons et en pyjama, sans rien… ?